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"La vraie destinée du couple, c’est d’être image de Dieu"
« Est-il permis à un mari de
renvoyer sa femme » Il faut croire qu’à l’époque de Jésus, le divorce
était déjà un sujet de conversation. Dans notre société française, il
s’est tellement banalisé que certaines années, le nombre des divorces
atteint 50% du nombre des mariages. Ce qui entraîne l’impression que le
divorce est une norme de notre société. Il suffit d’entendre les
enfants dans les cours de récréation où les familles recomposées sont
légion. Mais ce qu’ils en disent ne reflète pas la détresse qu’ils
vivent lorsque leurs parents divorcent, et la culpabilité qu’ils en
éprouvent lorsqu’ils s’imaginent être la cause de la mésentente
familiale. Cet état de faits n’est pas sans effet sur notre Eglise, qui
entre aujourd’hui en synode pour réfléchir à la Pastorale familiale, et
qui va donc s’interroger sur la discipline qui est la sienne à l’égard
des divorcés remariés.
Lorsque, il y a fort longtemps,
des évêques allemands avaient demandé à Jean XXIII de revoir la
position de l’Eglise sur l’indissolubilité du mariage, le bon pape Jean
leur avait répondu qu’il ne lui appartenait pas de modifier les paroles
de Notre Seigneur, et les avait renvoyés à ce passage de
l’Evangile que nous venons d’entendre : « Au commencement de la
création, il les fit homme et femme. A cause de cela, l’homme quittera
son père et sa mère, il s’attachera à sa femme et tous deux ne feront
plus qu’un. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais ils ne font qu’un. Donc,
ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas. » Et cette dernière
phrase est rappelée après chaque mariage. Ça ne surprend jamais les
jeunes mariés qui, lorsqu’ils demandent à se marier chrétiennement,
mettent en avant cette exigence de l’Eglise. Pour eux, il est bien
évident qu’AMOUR rime avec TOUJOURS, et que le mariage civil qui laisse
envisager le divorce n’est pas un « VRAI MARIAGE ».
Dans sa réponse aux pharisiens
qui cherchaient à le mettre à l’épreuve, Jésus n’a pas répondu par OUI
ou par NON comme ils l’auraient souhaité ; ils les a renvoyé au projet
de Dieu. « Au commencement» dans la Bible, ne veut pas dire un début
chronologique, mais il veut dire le projet originel, non pas ce qui
commence, mais ce qui commande la suite, ce dont tout découle. Le livre
de la Genèse, dont nous avons entendu un passage dans la 1ère lecture
ne parle pas d’un homme particulier ou d’une femme particulière. Il
parle de l’humanité en général dans laquelle hommes et femmes sont
indissociables. L’expression : « il n’est pas bon que l’homme soit
seul. » ne veut pas dire qu’il n’est pas bon pour un homme de rester
célibataire, mais que l’humanité n’est complète que dans sa dualité
hommes et femmes. Lorsque Jésus poursuit : « Ce que Dieu a uni, que
l’homme ne le sépare pas. » il nous indique que c’est seulement
dans cette situation de dialogue, faite à la fois de distance et de
profonde intimité, que l’humanité est elle-même, c'est-à-dire image de
Dieu. C’est le couple qui est image de Dieu, car Dieu est Amour.
L’évangile de Matthieu rapporte
que les disciples ont alors dit à Jésus : « Si c’est cela le mariage,
ce n’est pas intéressant. » Jésus les a emmenés au niveau du mystère et
du projet de Dieu ; eux sont dans la réalité qui n’est pas toujours
facile, sinon la question du divorce ne se poserait pas. Pour Jésus, le
mariage recouvre une dimension éminemment religieuse et spirituelle,
dépassant le cadre contractuel et juridique de ce lien intime entre un
homme et une femme, créé par Dieu. Pour se hisser au niveau du mystère,
il nous faut la grâce de Dieu. Ce n’est que par grâce de Dieu qu’on
peut entrer dans le mystère de l’amour et de ses exigences.
Je n’ignore pas que les lectures
de ce dimanche, source de toute espérance pour les couples, sonneront
durement aux oreilles de ceux dont l’amour a été trahi, dont l’union a
explosé. Que leur dire aujourd’hui sinon que Dieu, lui, les aime, qu’il
est fidèle, qu’il est un Père et non un juge ? Message que les divorcés
remariés n’entendent pas toujours de la part de l’Eglise lorsqu’elle
applique le Droit Canon. Les conjoints qui ont été abandonnés parlent
même de double peine, lorsque ne se sentant pas une vocation de
célibataire, ils ont contracté une nouvelle union.. Alors que dans leur
détresse, ils auraient besoin des secours de l’Eglise, ils se
retrouvent privés des sacrements. Seraient-ils de plus grands pécheurs
que les autres pour ne pas pouvoir bénéficier du pardon de Dieu ? Pour
ma part, je suis émerveillé par la force de leur désir à recevoir le
sacrement de réconciliation et l’Eucharistie. Y a-t-il autant de soif à
rencontrer intimement le Seigneur chez nous qui avons pris l’habitude
de communier à chaque messe sans nous demander si nous sommes en état
de grâce ?
Dans la lettre aux Hébreux, nous
avons entendu cette affirmation : « Maintenant, nous le voyons couronné
de gloire et d’honneur à cause de sa passion et de sa croix. » La croix
du Christ est inséparable de sa gloire. Le chemin de la gloire,
c'est-à-dire de la révélation de Dieu passe par la croix. Le Christ
s’est fait solidaire des hommes dans leur chemin de souffrance et de
mort pour les conduire sur son chemin de gloire et de vie. Lui qui est
en agonie jusqu’à la fin du monde, ne revit-il pas sa passion, la
trahison de Pierre et l’abandon de ses amis dans toutes les histoires
singulières des couples qui se séparent ? Dans sa miséricorde infinie,
comment ne ferait-il pas en sorte que les blessures, les déchirures
qu’ils vivent ne deviennent pas pour eux un chemin de vie et une
révélation de son amour. Pour le magistère de l’Eglise, la question du
mariage n’est pas simple, mais la question des divorcés remariés nous
oblige à approfondir notre idée de Dieu qui, d’une part nous donne des
commandements, des repères pour que nous puissions naviguer en toute
liberté dans notre vie, et d’autre part nous demande de ne juger
personne et de faire preuve de miséricorde, à son image. Comment
maintenir la loi de l’indissolubilité du mariage qui attire tous les
fiancés, sans tomber dans le légalisme lorsque les difficultés
surviennent ?
Traiter le sujet des personnes
séparées ou divorcées remariées, c’est aussi mettre en valeur les
couples qui vont bien. Alors que les couples unis ne délaissent pas
ceux qui sont en difficulté : qu’ils leur ouvrent leur porte, les
accueillent dans leur foyer, les entourent, les conseillent et
acceptent de faire un bout de chemin avec eux. Et surtout, n’oublions
pas de prier pour eux, comme nous prions pour nos Evêques réunis en
Synode pour apporter les réponses de l’Esprit Saint à nos problèmes
humains.
Jean-Jacques BOURGOIS
Le Clion, La Bernerie
Le 4 octobre 2015
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