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27° dimanche du Temps Ordinaire
 

"La vraie destinée du couple, c
’est d’être image de Dieu"  

        « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme » Il faut croire qu’à l’époque de Jésus, le divorce était déjà un sujet de conversation. Dans notre société française, il s’est tellement banalisé que certaines années, le nombre des divorces atteint 50% du nombre des mariages. Ce qui entraîne l’impression que le divorce est une norme de notre société. Il suffit d’entendre les enfants dans les cours de récréation où les familles recomposées sont légion. Mais ce qu’ils en disent ne reflète pas la détresse qu’ils vivent lorsque leurs parents divorcent, et la culpabilité qu’ils en éprouvent lorsqu’ils s’imaginent être la cause de la mésentente familiale. Cet état de faits n’est pas sans effet sur notre Eglise, qui entre aujourd’hui en synode pour réfléchir à la Pastorale familiale, et qui va donc s’interroger sur la discipline qui est la sienne à l’égard des divorcés remariés.
        Lorsque, il y a fort longtemps, des évêques allemands avaient demandé à Jean XXIII de revoir la position de l’Eglise sur l’indissolubilité du mariage, le bon pape Jean leur avait répondu qu’il ne lui appartenait pas de modifier les paroles de Notre Seigneur, et  les avait renvoyés à ce passage de l’Evangile que nous venons d’entendre : « Au commencement de la création, il les fit homme et femme. A cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme et tous deux ne feront plus qu’un. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais ils ne font qu’un. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas. » Et cette dernière phrase est rappelée après chaque mariage. Ça ne surprend jamais les jeunes mariés qui, lorsqu’ils demandent à se marier chrétiennement, mettent en avant cette exigence de l’Eglise. Pour eux, il est bien évident qu’AMOUR rime avec TOUJOURS, et que le mariage civil qui laisse envisager le divorce n’est pas un « VRAI MARIAGE ».
        Dans sa réponse aux pharisiens qui cherchaient à le mettre à l’épreuve, Jésus n’a pas répondu par OUI ou par NON comme ils l’auraient souhaité ; ils les a renvoyé au projet de Dieu. « Au commencement» dans la Bible, ne veut pas dire un début chronologique, mais il veut dire le projet originel, non pas ce qui commence, mais ce qui commande la suite, ce dont tout découle. Le livre de la Genèse, dont nous avons entendu un passage dans la 1ère lecture ne parle pas d’un homme particulier ou d’une femme particulière. Il parle de l’humanité en général dans laquelle hommes et femmes sont indissociables. L’expression : « il n’est pas bon que l’homme soit seul. » ne veut pas dire qu’il n’est pas bon pour un homme de rester célibataire, mais que l’humanité n’est complète que dans sa dualité hommes et femmes. Lorsque Jésus poursuit : « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas. »  il nous indique que c’est seulement dans cette situation de dialogue, faite à la fois de distance et de profonde intimité, que l’humanité est elle-même, c'est-à-dire image de Dieu. C’est le couple qui est image de Dieu, car Dieu est Amour.
        L’évangile de Matthieu rapporte que les disciples ont alors dit à Jésus : « Si c’est cela le mariage, ce n’est pas intéressant. » Jésus les a emmenés au niveau du mystère et du projet de Dieu ; eux sont dans la réalité qui n’est pas toujours facile, sinon la question du divorce ne se poserait pas. Pour Jésus, le mariage recouvre une dimension éminemment religieuse et spirituelle, dépassant le cadre contractuel et juridique de ce lien intime entre un homme et une femme, créé par Dieu. Pour se hisser au niveau du mystère, il nous faut la grâce de Dieu. Ce n’est que par grâce de Dieu qu’on peut entrer dans le mystère de l’amour et de ses exigences.
        Je n’ignore pas que les lectures de ce dimanche, source de toute espérance pour les couples, sonneront durement aux oreilles de ceux dont l’amour a été trahi, dont l’union a explosé. Que leur dire aujourd’hui sinon que Dieu, lui, les aime, qu’il est fidèle, qu’il est un Père et non un juge ? Message que les divorcés remariés n’entendent pas toujours de la part de l’Eglise lorsqu’elle applique le Droit Canon. Les conjoints qui ont été abandonnés parlent même de double peine, lorsque ne se sentant pas une vocation de célibataire, ils ont contracté une nouvelle union.. Alors que dans leur détresse, ils auraient besoin des secours de l’Eglise, ils se retrouvent privés des sacrements. Seraient-ils de plus grands pécheurs que les autres pour ne pas pouvoir bénéficier du pardon de Dieu ? Pour ma part, je suis émerveillé par la force de leur désir à recevoir le sacrement de réconciliation et l’Eucharistie. Y a-t-il autant de soif à rencontrer intimement le Seigneur chez nous qui avons pris l’habitude de communier à chaque messe sans nous demander si nous sommes en état de grâce ?
        Dans la lettre aux Hébreux, nous avons entendu cette affirmation : « Maintenant, nous le voyons couronné de gloire et d’honneur à cause de sa passion et de sa croix. » La croix du Christ est inséparable de sa gloire. Le chemin de la gloire, c'est-à-dire de la révélation de Dieu passe par la croix. Le Christ s’est fait solidaire des hommes dans leur chemin de souffrance et de mort pour les conduire sur son chemin de gloire et de vie. Lui qui est en agonie jusqu’à la fin du monde, ne revit-il pas sa passion, la trahison de Pierre et l’abandon de ses amis dans toutes les histoires singulières des couples qui se séparent ? Dans sa miséricorde infinie, comment ne ferait-il pas en sorte que les blessures, les déchirures qu’ils vivent ne deviennent pas pour eux un chemin de vie et une révélation de son amour. Pour le magistère de l’Eglise, la question du mariage n’est pas simple, mais la question des divorcés remariés nous oblige à approfondir notre idée de Dieu qui, d’une part nous donne des commandements, des repères pour que nous puissions naviguer en toute liberté dans notre vie, et d’autre part nous demande de ne juger personne et de faire preuve de miséricorde, à son image. Comment maintenir la loi de l’indissolubilité du mariage qui attire tous les fiancés, sans tomber dans le légalisme lorsque les difficultés surviennent ?
        Traiter le sujet des personnes séparées ou divorcées remariées, c’est aussi mettre en valeur les couples qui vont bien. Alors que les couples unis ne délaissent pas ceux qui sont en difficulté : qu’ils leur ouvrent leur porte, les accueillent dans leur foyer, les entourent, les conseillent et acceptent de faire un bout de chemin avec eux. Et surtout, n’oublions pas de prier pour eux, comme nous prions pour nos Evêques réunis en Synode pour apporter les réponses de l’Esprit Saint à nos problèmes humains.


Jean-Jacques BOURGOIS
Le Clion, La Bernerie
Le 4 octobre 2015


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