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Dimanche 4 octobre 2009

Aujourd’hui, avec les textes que la liturgie nous propose ce dimanche, nous voici plongés au cœur de la question du mariage. La première lecture, extraite d’un des récits de la Création, du livre de la Genèse, nous rappelle ce passage bien connu où l’on voit Dieu créant la femme à partir de l’homme. Passage qui a fait tant parler, et qui a fait dire et écrire aussi tellement de bêtises et de contresens sur la place respective de l’homme et de la femme. Et puis le psaume 127, éloge du couple et de la famille, qui présente ainsi le suprême bonheur : « Ta femme sera dans ta maison comme une vigne généreuse, et tes fils, autour de la table, comme des plants d’olivier ». Et enfin ce passage de l’Evangile de Marc où Jésus répond à ceux qui veulent « le mettre à l’épreuve » sur la question du divorce, en citant ce même récit de la Création, et suivi immédiatement par sa fameuse réplique : « laissez les enfants venir à moi ». L’homme, la femme, le couple, la famille, les enfants… Nous voyons dans ces textes une cohérence assez claire, une complémentarité autour d’un thème assez évident.
Et puis, au milieu de tous ces textes, nous avons entendu un extrait de la lettre aux Hébreux, où il n’est nullement question de couple, ni de famille, ni d’enfants, mais de gloire, de salut, de sanctification, de souffrance et de mort. On pourrait se demander ce que cette deuxième lecture vient faire ici. Mais à y regarder de plus près, on peut voir qu’il nous est dit :  « Jésus et les hommes sont de la même race, et pour cette raison, il n’a pas honte de les appeler ses frères. » De même que le livre de la Genèse affirme que l’homme et la femme sont sur le même pied d’égalité, sont de la même espèce (« voici l’os de mes os et la chair de ma chair ») la lettre aux hébreux affirme que l’humanité est de la même race que Jésus, qu’hommes et femmes nous sommes frères et sœurs de Jésus. Le projet de Dieu, dès l’origine, est que l’humanité, l’homme et la femme ensemble, indissociables, soit sanctifiée, c’est-à-dire qu’elle soit conduite, par la passion de Jésus, jusqu’à la gloire même de Dieu.
L’humanité, homme et femme indissociables…On comprend facilement que ces beaux textes sont souvent choisis par les fiancés pour la célébration de leur mariage. Ils aiment particulièrement entendre cette magnifique phrase : « ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas. » Voilà des propos qui résonnent agréablement aux oreilles d’un jeune couple, qui fait cette démarche d’engagement dans le mariage, et pour qui il va de soi que rien ne les séparera jamais. Le passage de cet évangile qui est lu à la célébration se termine d’ailleurs sur cette belle phrase. Or, nous venons de l’entendre, Jésus, lui,  ne s’arrête pas là : « De retour à la maison », nous dit St Marc, il poursuit ainsi avec ses disciples qui l’interrogent : « celui qui renvoie sa femme pour en épouser une autre est coupable d’adultère envers elle ». Et il ajoute exactement la même chose pour la femme qui renvoie son mari et en épouse un autre – confirmant au passage l’égalité homme femme dans le mariage. Nous avons ici des propos clairs de Jésus lui-même sur la question douloureuse du divorce et du remariage. Question douloureuse et souvent mal comprise. Sur ce point en effet, beaucoup de personnes, chrétiennes ou non, réagissent vivement, et formulent des critiques vis-à-vis de l’Eglise. Il est vrai que ce n’est pas dans l’air du temps de tenir un tel discours. Puisque la loi permet de se marier et de divorcer autant de fois qu’on le veut, pourquoi l’Eglise ne s’aligne-t-elle pas sur la loi ?
Une première réponse c’est que tout ce qui est légal n’est pas nécessairement moral, c’est-à-dire pour le bien commun. Nous connaissons tous des exemples de situations parfaitement légales que nous ressentons comme de criantes injustices ou iniquités, que ce soit dans le domaine de la finance, du travail, de la famille, de la santé…
Une deuxième réponse est que ce n’est pas l’Eglise qui interdit, car elle n’a pas le pouvoir d’interdire, mais c’est Jésus lui-même qui nous le rappelle, nous venons de le réentendre dans cet évangile. Si le mariage est un engagement tellement sérieux qu’il ne peut être que pour toute la vie – et c’est ce que nous croyons et que nous proclamons lorsque nous célébrons des mariages, et les jeunes mariés y croient profondément – quel sens y aurait-il à contracter un autre engagement avec une autre personne ? Cet avertissement n’est pas « l’avis du pape », qui pourrait un jour changer d’avis, ni une décision arbitraire et péremptoire, c’est simplement la parole de Dieu ! Comment l’Eglise du Christ pourrait-elle renier la parole même de Jésus ?
Une troisième réponse, et ce n’est pas la plus facile, est qu’il nous faut comprendre la signification de tout ceci. Si l’Eglise est ici en accusation, elle n’a pas à se justifier, mais elle a au moins le devoir d’expliquer. Et tous les chrétiens que nous sommes ont au moins le devoir d’essayer de comprendre.
Levons déjà un malentendu : Personne ne condamne les divorcés. Contrairement à ce que l’on entend trop souvent, aucun décret, aucune encyclique, aucun texte du Vatican n’interdit aux personnes ayant vécu un divorce de participer à la messe, ni même de communier à l’eucharistie. Si le mariage est un choix libre, le divorce est toujours une souffrance, au moins pour l’un des deux époux, mais le plus souvent pour les deux, et que dire des enfants. Les personnes ayant subi un divorce méritent au contraire toute notre attention, toute notre compassion, et notre soutien dans cette épreuve.
En revanche, et c’est exactement ce que nous dit Jésus dans l’évangile de ce jour, il est important de réfléchir au sens que pourrait avoir une nouvelle union avec une autre personne suite à un divorce. Comment l’Eglise pourrait-elle célébrer un sacrement de mariage pour la vie éternelle deux fois ? cela signifierait qu’elle renierait de fait le premier sacrement de mariage, ce qu’elle n’a évidemment pas le pouvoir de faire puisque c’est Dieu lui-même qui en est l’auteur. Si le mariage est un choix libre, et que la séparation est parfois, hélas, inévitable, se remarier n’est jamais une obligation. C’est aussi un choix. Et c’est devant ce choix que Jésus attire l’attention de notre liberté.
Devant ce problème si douloureux des séparations, et si fréquent hélas, je ne voudrais pas rester simplement théorique. Trop de personnes portent seules cette souffrance, parfois mêlée de culpabilité et souvent d’incompréhension. J’invite ces personnes à venir en parler à un prêtre, à un diacre, afin qu’à la douleur due à la séparation ne s’ajoute pas celle due à des incompréhensions. « Laissez venir à moi les petits enfants » dit Jésus. « Ne les empêchez pas, car le Royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. » Qui ressemble plus à un enfant que celui qui est dans la peine et vient chercher auprès du Père un réconfort ?

Daniel BICHET, diacre permanent

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