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Is 35, 4-7a ; Ps145, 7, 8, 9ab.10b ; Jc 2, 1-5 ; Mc 7, 31-37

          « Voici votre Dieu : c'est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. » Voilà une phrase qui aurait de quoi nous effrayer ! C’est ainsi que commence la première lecture d’aujourd’hui. Vengeance ? Revanche ? Quel est donc ce Dieu vengeur et revanchard dont il est question ? Ces deux mots semblent bien peu évangéliques, et pourraient nous donner une impression très négative de notre Dieu que l’on dit d’amour ! Heureusement, le texte ne s’arrête pas là. Aussitôt après, on peut lire : « Il vient lui-même et va vous sauver. Alors s'ouvriront les yeux des aveugles et les oreilles des sourds. Alors le boiteux bondira comme un cerf, et la bouche du muet criera de joie. » La voilà, la vengeance de Dieu ! N’ayons pas peur ! La revanche de Dieu, c’est la revanche du bien sur le mal. Sa vengeance,  c’est le rétablissement de la dignité de tout homme, écrasé par l’injustice ou par le malheur. Et le psaume continue sur le même ton : « Le Seigneur fait justice aux opprimés ; aux affamés, il donne le pain ; le Seigneur délie les enchaînés. » Dieu est incapable de vengeance telle que nous l’entendons avec nos pauvres sentiments humains : Lorsqu’il se venge, c’est en donnant la vue aux aveugles, la parole aux muets et la liberté aux enchaînés ! Comment pourrions-nous avoir peur d’un tel Dieu ?

          Cette image d’un Dieu vengeur, c’est pourtant celle que plusieurs générations de chrétiens ont reçue, connue et transmise, à certaines époques et tout particulièrement au 19ème et une partie du 20ème siècle. Mais, sans doute grâce à l’ouverture de la lecture de la Bible pour tous,  puis à la généralisation des formations, bibliques ou autres que l’on connaît aujourd’hui, et au développement de l’exégèse, cette image trop caricaturale a, heureusement, pratiquement disparu. En tout cas, elle a disparu de la pensée de la plupart des chrétiens, même si elle a encore la vie dure chez certains, et si elle est encore propagée en dehors de l’Eglise, pour des raisons idéologiques évidentes.

          Il suffit simplement de lire tous les textes que la liturgie nous propose aujourd’hui, pour rectifier notre image déformée de Dieu, s’il en était besoin. N’est-elle pas édifiante, cette lettre de St Jacques, qui remet à sa juste place le regard de Dieu vis-à-vis des pauvres : « Dieu, lui, n'a-t-il pas choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde ? » Comme une manière de nous dire : toi qui soupçonnes Dieu d’avoir un regard mauvais sur les hommes, quel est ton propre regard ? Est-ce Dieu qui est injuste, ou bien toi, qui traites différemment les personnes selon leur apparence, leur culture, leur statut social, leur richesse ou leur pauvreté ? Comme une manière de nous dire : Ouvre-toi ! Ouvre les yeux et vois, sois clairvoyant sur toi-même, sur Dieu qui n’est peut-être pas comme tu le crois, et sur tes frères.

          Effata ! C’est par ce mot araméen qui signifie justement « ouvre-toi !» que Jésus opère la guérison du sourd-muet. Guérison éminemment symbolique : elle a lieu en Décapole, territoire païen, hors des frontières du judaïsme. C’est donc un non-croyant parmi les non-croyants à qui Jésus ouvre les oreilles et la bouche, pour qu’il s’ouvre, qu’il entre en communication avec le monde, pour qu’il accède à la foi. Ouvre-toi à la Parole de Dieu, et va témoigner de sa puissance qui guérit les infirmes et rend à chacun sa dignité. Présenté comme un miracle de guérison du corps, il s’agit en fait, comme la plupart du temps lorsqu’on analyse les miracles au second degré, d’un miracle de conversion du cœur et de l’intelligence. C’est d’ailleurs le sens chrétien du miracle, qui n’est pas un événement surnaturel accompli pour lui-même, mais qui est un signe matériel visible dont le but est de signifier, de faire signe, de révéler autre chose de plus grand, qui n’est pas d’abord de l’ordre du matériel mais du spirituel. Et Saint Jacques dans sa lettre d’aujourd’hui nous replace justement au niveau du spirituel, lorsqu’il écrit : « les pauvres aux yeux du monde – entendons pauvres au niveau matériel – [Dieu] les a faits riches de la foi, il les a faits héritiers du Royaume qu'il a promis à ceux qui l'auront aimé. » Si Saint Jacques nous dit cela, ce n’est pas simplement pour nous en informer. Sa lettre n’est pas un communiqué de presse ou une dépêche, une information parmi d’autres. C’est, comme tous les autres textes regroupés dans la Bible, un message écrit dans l’intention de nous aider à croire, qui éclaire notre foi et notre intelligence, dans le but de nous convertir nous aussi et nous indiquer un comportement à suivre. Il s’agit d’un éclairage sur notre propre mission. Ainsi nous pouvons comprendre à travers cette phrase, que l’essentiel dans notre mission auprès des pauvres n’est pas d’abord de les rendre riches, sinon nous restons au plan matériel, mais de leur annoncer l’amour de Dieu, leur permettre d’accéder à la foi, la vrai richesse spirituelle qui fait de nous des « héritiers du Royaume. » Oui, « effata », ouvre-toi à la dimension spirituelle. Ouvre ton esprit à l’amour que Dieu te propose. C’est là la vraie richesse. Ce qui n’empêche pas, évidemment, de venir en aide aussi de manière très concrète à ceux qui en ont besoin. Mais en n’oubliant pas le but, en ne limitant pas notre aide au plan matériel ; en ne négligeant pas de faire signe, en n’oubliant pas d’annoncer ce Dieu qui nous aime, puisque toute la Bible nous enseigne que c’est là l’essentiel.

          Ces gestes de Jésus qui accompagnent sa parole, sont parfois repris dans la célébration du baptême. C’est le « rite d’effata ». Le célébrant touche l’oreille du futur baptisé, et lui dit « effata ! », ouvre-toi à la parole de Dieu, ouvre-toi au monde qui t’entoure. Puis il touche sa bouche : « effata ! » ouvre-toi pour proclamer à ton tour la bonne nouvelle de Dieu pour tous, la bonne nouvelle de l’amour, cette douce vengeance du bien sur le mal.
Cette parole nous est aussi adressée, à chacun de nous, aujourd’hui : « Effata ! » Ouvre-toi ! N’aie pas peur de ce Dieu qui n’est pas le dieu vengeur, rancunier, destructeur et capricieux que certains se complaisent à nous montrer. N’aie pas peur, ouvre tes oreilles à sa parole qui sauve, à sa volonté toujours bienveillante. N’aie pas peur, ouvre ta bouche pour témoigner autour de toi de cette Parole d’amour. Ne crains pas ce monde qui semble parfois hostile, qui peut paraître comme ce territoire païen de la Décapole au temps de Jésus. Ne crains pas de lui annoncer la parole de Dieu, vraie richesse qui fait de nous les « héritiers du Royaume » !

         Amen !

Daniel BICHET, diacre permanent
8-9 septembre 2012,
Maisdon sur Sèvre, Gorges, grotte de Monnières,


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