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1er dimanche de Carême

Gn 9, 8-15 ;  Ps 24 (25), 4-5ab, 6-7bc, 8-9  ; 1P 3, 18-22  ;  Mc 1, 12-15


Ouf ! C’est le carême. Nous sommes entrés dans ce temps privilégié de l’année qui nous permet de "Libérer notre existence de tout ce qui l’encombre", comme nous l’a rappelé notre Pape François dans son message de carême. Bien sûr, il nous faut avouer que cette année, alors que nous ne sommes pas libérés des divers confinements, couvre-feu, périodes de quatorzaine et autres restrictions, l’idée d’un temps de quarantaine peut nous paraître un peu compliqué à appréhender ! Nous pouvons, et c’est bien légitime, plutôt aspirer à moins de privations et plus d’ouverture !
Eh bien justement, nous pouvons aussi vivre ces 40 jours comme un temps de « libération », un temps « d’allègement », un temps de « respiration » dans une actualité souvent pesante et dans des vies parfois trébuchantes. Et envisager ce carême bien plus comme un soulagement, plutôt qu’une période marquée par la contrainte.
40 jours.  De prime abord, cela peut sembler long ! Et d’ailleurs, au passage, pourquoi justement ce nombre de 40 ? En faisant quelques recherches on apprend que 40 est le nombre le plus utilisé dans la Bible, plus de 90 fois. C’est le nombre de la foi : il représente le temps de l’épreuve, le temps qu’il faut pour approcher Dieu, se convertir et faire appel à sa miséricorde. Il fait référence aux 40 ans que le peuple hébreu a passé dans le désert mais aussi aux 40 jours que Jésus a passé dans ce même désert comme nous en parle l’évangile de ce jour. On n’en connaît pas très bien l’origine. Il pourrait correspondre à l’âge de la maturité. C’est à 40 ans qu’Isaac et Ésaü se marient. C’est l’âge d’Absalon quand il cherche à prendre la place de son père David. C’est aussi la durée du règne des rois les plus respectés : David ; Salomon et Joas.
Le nombre 40 peut aussi indiquer une durée type qui serait l’équivalent de « un certain temps ». Dans le récit du Déluge, rappelé en 1ère lecture, la pluie se déverse pendant 40 jours et 40 nuits. Il évoque aussi le temps de la proximité avec Dieu : dans le livre de l’Exode, Moïse monta sur la montagne et y resta 40 jours et 40 nuits. Et on peut rappeler que 40 jours séparent le matin de la résurrection du jour où Jésus, à l’Ascension, rejoint son Père dans le royaume du Ciel.
Pour nous chrétiens, le temps du carême, 40 jours et 40 nuits, est nourri de tous ces textes de l’Écriture liés au nombre 40. C‘est un temps privilégié où nous sommes invités à nous rapprocher de Dieu. A vivre un temps de conversion.
Le Pape François, dans son message de carême, nous rappelle quelles peuvent être les 3 actions que nous pouvons mettre en œuvre durant ce temps pour « vivre les conditions et les expressions de notre conversion ». Il nous invite à pratiquer « le jeûne, la prière et l’aumône » pour incarner « une foi sincère, une vivante espérance et une charité active ».
Le jeune, tout d’abord. Pour la plupart des gens, croyants ou non, le mot « carême » est très souvent associé à celui de « régime ». Rien ne nous interdit d’ailleurs, de profiter de cette période pour perdre quelques kilos superflus… Mais François, dans son message, rappelle que « le jeûne, vécu comme expérience du manque, conduit ceux et celles qui le vivent dans la simplicité du cœur à redécouvrir le don de Dieu et à comprendre notre réalité de créatures à son image ». En faisant l’expérience d’une pauvreté consentie, ceux qui jeûnent deviennent pauvres avec les pauvres et ils « amassent » la richesse de l’amour reçu et partagé. Compris et vécu de cette façon, le jeûne nous aide à aimer Dieu et notre prochain ». Il ne s’agit donc pas de se priver, mais au contraire de vouloir mieux se donner.
La prière, ensuite. La prière silencieuse, celle du secret de nos cœurs qui, nous dit François, nous « donne l’espérance comme une inspiration et une lumière intérieure qui éclaire les défis et les choix de notre mission de baptisé ». La prière ne s’oppose pas à l’action, elle doit la précéder, en l’inspirant, et lui succéder en la confiant à la bienveillance du père. La prière nourrit l’action, elle l’accompagne et elle lui donne son sens. Mais la prière peut aussi se faire acte, lorsque nous agissons en êtres de douceur, en artisans de paix. Elle peut s’exprimer par les mots que nous disons, les mains que nous tendons, les regards que nous posons. Cette période de carême n’est pas forcément un supplément de temps consacré à prier, même si cela est aussi possible, mais il peut être l’opportunité de faire que nos vies soient prière, offrant ainsi un supplément d’Espérance là où on en a tant besoin. Cela passe par le temps de silence indispensable pour mieux accueillir la parole de Dieu. Il ne s’agit donc pas de se forcer, mais au contraire de vouloir mieux écouter.
L’aumône, enfin. L’aumône qui est l’acte qui porte notre désir de charité. Celle qui, comme le dit François, « quand nous la vivons à la manière du Christ, dans l’attention et la compassion à l’égard de chacun, est la plus haute expression de notre foi et de notre espérance ». La charité ce n’est pas seulement « donner », ce qui par ailleurs ne fait pas de mal, mais aussi savoir recevoir. Cela peut être un acte de carême de savoir s’arrêter, prendre du temps, pour écouter celle ou celui qui a besoin de trouver quelqu’un à qui parler, une épaule sur laquelle s’appuyer. Et parfois, pour prendre Saint Paul un peu à contre-pied, il peut y avoir plus de joie à recevoir qu’à donner. Et cette joie peut illuminer, d’abord, celui qui donne. Il ne s’agit donc pas uniquement de donner, mais au contraire de vouloir mieux partager.
Le Pape François conclut son message en nous rappelant que « le chemin de la pauvreté et du manque (le jeûne), le dialogue filial avec le Père (la prière) et le regard et les gestes d’amour vers l’homme blessé (l’aumône), nous permettent d’incarner une foi sincère, une vivante espérance et une charité active ».
Alors, que ce temps de carême soit pour nous non pas un temps de quarantaine subi, une traversée aride du désert, mais un temps à la suite de Jésus que les anges servaient, un temps pour mettre nos vies à l’écart des tumultes qui les encombrent et au cœur d’une foi qui les rendent fécondes. Et nous pouvons, pour nous y aider, invoquer l’hymne des laudes de ce jeudi matin : En quels pays de solitude, 40 jours, 40 nuits, Irez-vous, poussés par l’Esprit ? Qu’il vous éprouve et vous dénude ! Voyez : les temps sont accomplis, Et Dieu vous convoque à l’oubli, de ce qui fut vos servitudes.
Ouf, c’est le carême…
Amen.


Olivier RABILLOUD, diacre permanent
Pont St Martin (44) – 21 Février 2021

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