Année B
Sommaire année B
retour vers l'accueil12ème dimanche du Temps Ordinaire
Jb 38, 1.8-11
Ps 106
2 Cor 5, 14-17
Mc 4, 35-41
Dans ce récit de la tempête
apaisée, n’êtes-vous pas quelque peu surpris par la posture de Jésus,
qui dort en pleine tempête, alors que les disciples sont pris de
panique ? Comment d’ailleurs garder le sommeil dans une barque
violement secouée dans tous les sens ? Quel est donc ce sommeil ?
Pour entrer dans le sens de ce récit, quelques repères sur le langage
biblique sont, dans un premier temps, nécessaires. Dans le monde de la
Bible, la mer, c’est le repère des forces du mal. Lorsque le livre de
l’Apocalypse annonce l’avènement d’un ciel nouveau et d’une terre
nouvelle, il précise que la mer aura disparu. Dans le livre de Job que
nous avons écouté, Dieu invite Job à reconnaître que c’est lui, Dieu,
qui fixe les limites de la mer ; c’est lui qui a toute autorité sur les
flots, symboles des puissances du mal qui cherchent à engloutir la vie.
Mais revenons au sommeil de
Jésus. Il est vrai que sa journée a été éprouvante. Depuis le matin, il
enseigne, il guérit. Il accompagne les souffrants, les chercheurs de
vérité et de sens, comme nous aujourd’hui. Le soir, il n’envisage pas
de se reposer, mais invite ses disciples à continuer : « Passons sur
l’autre rive ». Là aussi, il faut comprendre le symbolisme : l’autre
rive, c’est précisément celle de l’inconnu, où habitent les païens,
comme la suite de ce passage d’évangile le décrit. Jésus est en sortie,
aux périphéries de son peuple pour une première ouverture d’Israël vers
les nations.
Mais au moment de cette
traversée, les puissances du mal semblent faire obstacle à cette
annonce. Comme si ces forces voulaient engloutir la barque de la Parole
pour l’empêcher de résonner sur l’autre rive. Lorsque Saint Marc écrit
son évangile, il s’adresse à des chrétiens persécutés, qui doutent,
comme doivent douter nos frères d’Orient, de Syrie, d’Irak, d’Egypte,
d’Afrique … où peut-être, parfois, nous-mêmes ? « Maître, nous sommes
perdus ! Cela ne te fait rien ? ».
Ce cri de détresse est aussi une prière. Des hommes et des femmes en
souffrance, en solitude, l’expriment aussi, peut-être à côté de nous,
sans doute même parmi nous … N’avons-nous pas l’impression que le
Christ dort, qu’il est absent ? N’avons-nous pas, nous aussi, envie de
le secouer, de le réveiller pour qu’il nous sauve ?
Car cette barque secouée, qui se dirige vers l’inconnu et la nouveauté,
c’est d’abord notre vie individuelle, ballotée par les événements, avec
les peines, les souffrances qui nous habitent.
Cette barque, c’est aussi
l’Église qui navigue dans la tourmente pour annoncer la Bonne Nouvelle
au service de la Vie.
Cette barque, c’est aussi notre
monde qui semble incapable de se diriger, avec des repères qui
s’estompent.
Que la barque soit notre vie,
notre Église ou notre monde, il y a un point commun à toutes ses
situations que la barque symbolise : le ressuscité est présent. Son
sommeil mystérieux n’enlève rien à sa présence. Lorsque pour nous et
autour de nous, tout se passe bien, nous pouvons même oublier qu’il est
présent. Lorsque la tempête nous assaille, c’est alors que nous
l’invoquons, parfois comme les apôtres, avec véhémence. Car depuis le
début de la traversée, Jésus est présent. Il n’a pas dit à ses
disciples : « Passez sur l’autre rive », mais « Passons sur l’autre
rive ». Le Christ se fait partenaire, coopérateur de l’homme. Il lui
fait même confiance pour conduire la barque, au point de s’endormir.
Or, au cœur de la tempête, les disciples réveillent Jésus. Réveiller,
c’est exactement le même verbe grec que Marc emploie bien plus loin
dans son évangile, pour parler de la résurrection : égueïreï. Autrement
dit, Jésus assoupi, c’est déjà Jésus qui passe par le tombeau mais qui
se relève victorieux sur le mal, sur la souffrance, sur l’angoisse, sur
la mort.
La Parole prononcée par Jésus sur les éléments naturels n’est plus
prononcée du Ciel, comme du temps de Job. Elle est prononcée par Jésus,
présent dans la barque, à nos côtés. Sa parole d’apaisement prononcée,
il interpelle ses disciples : « N’avez-vous pas encore la foi ? ». Le «
pas encore » exprime bien l’attente du Seigneur pour que notre foi
grandisse encore, même au milieu des tourments.
Ainsi, Jésus présent dans la
barque préfigure le ressuscité qui accompagne ici et maintenant chacun
d’entre nous, notre Église, notre monde, avec ce sommeil mystérieux. Le
pape François l’écrit dans l’encyclique Laudato si’ : « Au cœur de ce
monde, le Seigneur de la vie continue d’être présent. Il ne nous
abandonne pas, il ne nous laisse pas seuls, parce qu’il s’est
définitivement uni à notre terre. »
Dans quelques instants, au moment
de l’eucharistie, nous réveillerons, en quelque sorte, le Christ
présent à nos côtés. Dans le pain et le vin, contemplons, recevons sa
présence réelle, aimante et apaisante, qui domine les forces de
destruction. Le monde ancien s’en est allé, nous dit Paul. Un monde
nouveau est déjà né : c’est l’autre rive qui n’est pas loin. Il est
désormais certain que nous l’atteindrons.
Christophe DONNET, diacre permanent
Paroisse St Benoît - Diocèse de Saint-Étienne
21 juin 2021
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