« Que
la grâce du Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu et la
communion du Saint Esprit soient avec vous tous ».
Cette
salutation trinitaire qui termine la deuxième lettre de Saint
Paul aux Corinthiens – c’était la deuxième lecture – a été écrite
trois cents
ans avant même que le mot « trinité » n’ait été forgé. En
même temps
que ce nouveau mot « Trinité », s’est ancrée chez les
chrétiens, au quatrième
siècle donc, l’habitude de faire sur eux le signe de la croix,
« au nom du
Père, du Fils et du Saint Esprit ».
Si
le mot « Trinité » n’apparaît jamais dans aucun livre de
la Bible, ni dans l’ancien testament ni dans le nouveau, l’intuition
selon laquelle
Dieu est Père, Fils et saint Esprit, apparaît très tôt dans
l’histoire du
peuple de Dieu, sous des formes diverses. Il y a bien-sûr des
épisodes
marquants, dans lesquels on voit en même temps le Père, le Fils et
l’Esprit
Saint. Certains par exemple reconnaissent la Trinité dans les trois
mystérieux visiteurs
d’Abraham, dans le livre de la Genèse. Ce texte en hébreu alterne le
pluriel et
le singulier, laissant le lecteur avec cette impression d’une seule
personne en
trois visiteurs. Mais le passage le plus connu est certainement le
baptême de
Jésus, où Dieu se manifeste en trois personnes : la voix du
Père se fait
entendre : « celui-ci est mon Fils bien-aimé » ;
on est donc
en présence du Père et du Fils, et l’Esprit se rend alors visible en
se faisant
colombe planant au-dessus de la tête de Jésus.
La
Trinité que nous fêtons aujourd’hui est un mot bien pratique inventé
lors du Concile de Nicée en 325, qui permet de désigner Dieu comme
étant
constitué de trois personnes distinctes, mais unies : tri-unité,
trinité. Le
père, le Fils et l’Esprit étant de la même substance. Ce n’est pas
très facile
à comprendre, il faut l’avouer. Le terme grec d’origine employé au
Concile de
Nicée est constitué de 2 mots qui
se
traduisent exactement par « de même substance ».
À
l’occasion de l’ouverture de l’année liturgique 2021, on a repris
les
traductions françaises de tous les textes de la messe. On a
réintroduit – enfin !
– dans le credo de Nicée-Constantinople le terme
« consubstanciel au Père ».
Que n’a-t-on pas entendu alors ! « l’Église complique
encore les
choses avec un terme incompréhensible ! Encore du jargon
d’Église !
» Pourtant, au milieu des années 60, après Vatican II, lorsque la
messe a été
traduite du latin en français, que n’a-t-on pas entendu non-plus sur
la
traduction « de même nature que le Père » ! « On trahit le
Concile de Nicée ! la substance, ce n’est pas la nature !
». A l’époque,
l’argument des traducteurs francophones était que la notion de
substance « ne
dit plus rien à nos contemporains ». Cela dit, le terme
« nature »
ne leur parle pas davantage, et de plus, il traduit mal la réalité
de la
Trinité.
Des
personnes distinctes, comme vous et moi, sommes de même nature, la
nature humaine. Nous avons les mêmes caractéristiques propres à
notre espèce :
nous avons un cerveau, deux mains, deux bras, nous marchons sur nos
deux
jambes, etc. Nous sommes de même nature mais nous sommes de
substances
distinctes, parce je ne suis aucun de vous et vous n’êtes pas moi.
Nous ne
sommes pas le même être. Le Père, le Fils et le Saint Esprit, eux,
sont tous
les trois de la même substance, du même être. Ils sont Dieu, non pas
trois dieux,
mais le même Dieu, la même substance divine, en trois personnes. Ils
sont consubstanciels.
Bon,
je le disais, ce n’est pas simple… mais quand un terme de la foi
est difficile, ne vaut-il pas mieux essayer de le comprendre, plutôt
que de le
rejeter ? Notre foi a besoin de s’appuyer sur la raison, sur la
connaissance
des réalités de Dieu. Quand il s’agit d’en rendre compte, quand il
s’agit de la
définir – et c’est le rôle du Credo – on ne peut pas se contenter
d’approximations.
Surtout si elles sont erronées.
Il
est donc important de comprendre ce que l’on croit. C’est même un
devoir, puisque se former à l’intelligence de la foi est un des Cinq
Essentiels
de la vie chrétienne. Sans doute celui qui est le plus négligé. La
prière, la
fraternité, le service, ça va presque de soi. L’évangélisation,
c’est logique,
même si ça nécessite d’importants efforts. Mais la formation… ?
pourtant,
comme pour les quatre autres, il n’y a pas d’âge pour décider de le
mettre en pratique.
Seul ou à plusieurs, en couple ou en petits groupes, de nombreuses
formations existent,
en ligne avec les MOOC proposés par divers organismes catholiques,
ou « à
l’ancienne » en consultant simplement le Service Diocésain de
Formation. On
peut même se contenter de lire des livres ! Ils ne manquent
pas, sur les
thèmes les plus divers.
Pour
autant, la foi n’est pas réservée à une élite, bien évidemment. Les
croyants ne constituent pas une société savante qui utiliserait un
jargon
spécifique. Jésus lui-même s’en réjouit, au chapitre 11 de
l’Évangile de
Matthieu : « Je te bénis, Père ! Ce que tu as caché aux
sages et
aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits » Et si on ne
comprend pas
vraiment l’entière réalité de Dieu Trinité, c’est bien normal. La
Trinité reste
un « mystère ». Personne ici-bas ne peut prétendre
connaître totalement
Dieu. Même pas les sages et les savants. Et les tout-petits, quant à
eux, les
simples, n’ont pas besoin de mots pour comprendre que Dieu est
amour, que l’amour
est universel, qu’il apporte la joie et qu’il mène à Dieu, le Père,
en imitant
le Fils, avec la force de l’Esprit Saint.
D’ailleurs,
dans l’évangile d’aujourd’hui, Saint Jean nous rassure sur
ce point : « Dieu a envoyé son fils dans le monde, non pas
pour juger
le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé ». Et
Saint Jean
ajoute : « celui qui croit en lui échappe au
jugement ». Non pas
celui qui sait, celui qui comprend tout ; non pas le plus
savant ou le plus
érudit, mais simplement « celui qui croit ». Celui qui
croit en Dieu,
Père Fils et Esprit Saint, est déjà sauvé.
Alors,
puisque nous croyons, réjouissons-nous ensemble ! Nous
échappons au jugement, c’est le Christ lui-même qui nous l’a
dit ! Le
jugement qui nous est promis n’est rien moins que notre salut !
Rendons grâce
à Dieu pour cette merveille ! et proclamons ensemble, comme
chaque
dimanche, notre foi en ce Dieu Trinité, Père, Fils et
Saint-Esprit !
Amen.
Daniel BICHET, diacre permanent
Clisson et Gétigné, le 7 juin 2020