5° dimanche de carême.
Les textes de ce dimanche sont particulièrement en
phase avec l’actualité. Jugez vous-même : dans Ezéchiel : « J’ouvrirai
vos tombeaux et vous en ferai remonter, ô mon peuple ! Je mettrai en
vous mon esprit et vous vivrez, je vous donnerai le repos sur la terre…
» Et dans l’Evangile c’est le récit de Lazare, malade, mort, puis rendu
à la vie…
Comment ne pas faire le lien avec cette épidémie du
Covid 19 qui bouscule la planète entière et nous oblige au confinement
pour des semaines ? Les médias nous abreuvent de statistiques sur les
morts et les personnes atteintes par la maladie, nous montrent les
hôpitaux débordés… les soignants donnant le maximum d’eux-mêmes pour
sauver les vies, en risquant leur propre vie…
Cette période questionne notre foi : pendant ce
carême, comment vivre cette situation en nous référant à la maladie, la
mort et le retour à la vie de Lazare ? Et plus encore à la croix,
la mort et la résurrection de Jésus ? Cette pandémie, avec le
confinement imposé à tous, nous oblige à reconsidérer la manière dont
nous habitons le temps, le rapport à nous-mêmes, nos relations aux
autres et à Dieu, et aussi le rapport à notre terre.
Où donc est Dieu en ce temps d’épreuve ? Ne nous laisserait-il pas à
notre triste sort, assaillis par un fléau qui touche toute l’humanité ?
Le récit de la maladie de Lazare nous donne un éclairage sur la manière
dont Dieu est présent dans l’épreuve.
Jésus apprend que son ami Lazare est malade. Alors
qu’il y a urgence, il ne court pas immédiatement au chevet de son ami,
« reste deux jours à l’endroit où il se trouvait », et dit que cette
maladie « est pour la gloire de Dieu ». Les pensées de Dieu ne sont pas
celles des hommes. Cela dit, l’Evangile dit bien que Jésus aimait
Lazare et ses deux sœurs. Il se rend donc à Béthanie, en Judée, «
là-bas, les juifs cherchaient à le lapider ». Les disciples le suivent,
fatalistes : « allons-y, nous aussi, pour mourir avec Lui !». Mais
Jésus brave la menace pour accomplir sa mission, en rejoignant l’homme
en situation de détresse, « afin que les hommes croient que c’est le
Père qui l’a envoyé ». A chacun de discerner dans la situation actuelle
ce qu’il peut légitimement faire…
Marthe, puis Marie vont à la rencontre de Jésus, et
lorsque celle-ci se jette à ses pieds en pleurant, lui annonçant la
mort de Lazare, « Jésus est saisi d’émotion, bouleversé », et demande :
« où l’avez-vous déposé ? ». Alors Jésus se met à pleurer. Il est pris
de compassion pour Marthe et Marie et partage leur douleur : « Jésus
aimait Marthe et sa sœur ainsi que Lazare ». Aujourd’hui, Jésus, le
Christ n’est pas absent de nos épreuves en cette période de Covit 19.
Il n’est pas ailleurs ni au-dessus, il est présent, avec nous et
particulièrement avec les hommes et les femmes malades, avec les
personnes qui perdent un proche sans pouvoir être près de lui, et sans
véritable célébration des funérailles. C’est la passion du Christ qui
se continue aujourd’hui. Comme Lui, nous n’échappons pas à la
souffrance et à la mort ; mais il fait route avec nous sur les chemins
de nos vies. Cela se concrétise, par exemple, dans des gestes de
charité, de compassion et de fraternité (par téléphone, internet ou
réseaux sociaux, ou l’aide pour faire les courses) posés au nom de
Jésus.
La mort de Lazare donne l’occasion à Marthe dans un
premier temps de confesser sa foi en la résurrection, selon la foi
juive. Puis, la parole de Jésus la percute : « Moi, je suis la
résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra
». Elle exprime alors sa foi en Jésus : « Je le crois : tu es le
Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde ». A nous
de réaffirmer notre foi en ces temps troublés.
Il faut sortir de nos tombeaux ! la terre n’est pas
faite pour la mort, mais pour la vie. « Je mets en vous mon Esprit et
vous vivrez ; je vous donnerai le repos sur votre terre ». Pourtant
lorsque le prophète s’exprime, le temple est détruit, le peuple sous
domination des babyloniens et l’élite exilée… C’est le chaos…
Aujourd’hui aussi, c’est un peu le chaos sur terre, avec l’inquiétude,
la peur, la menace de la mort… L’humanité fait l’expérience de sa
fragilité, malgré ses performances technologiques et informatiques. Les
puissants de cette terre sont ébranlés, les bourses plongent,
l’économie chancelle. La société de consommation à l’échelle du monde,
est remise en question avec la surexploitation et le gaspillage des
ressources terrestres. Notre terre n’en peut plus. C’est ce que nous
rappelle le CCFD-Terre solidaire dans sa campagne de carême 2020 que
nous n’avons pas pu, malheureusement, vivre ensemble du fait du Covit
19.
Ce temps de carême, avec le confinement, est une incitation à
reconsidérer nos comportements et nos manières de vivre collectivement,
comme nous y invite le pape François dans son encyclique « Laudato si »
: S’il est vrai que « les déserts extérieurs se multiplient dans notre
monde, parce que les déserts intérieurs sont devenus très grands »,
alors la crise écologique est un appel à une profonde conversion
intérieure….
Qu’avons-nous fait de cette terre que Dieu a confiée
à l’homme pour qu’il en prenne soin ? Il faut bien reconnaître que les
économies libérales dont nous avons profité plus ou moins
inconsciemment, ont semé pollution et destruction sur la planète… Aussi
en ce carême, le pape François nous demande de reconsidérer nos modes
de vie « pour que nous soyons des protecteurs du monde et non des
prédateurs, pour que nous semions la beauté et non la pollution ni la
destruction. » Il nous invite à contempler les merveilles de la nature
et à remettre toute chose à sa juste place.
La terre est l’œuvre de Dieu, pour tous. Le partage
des richesses est trop inégal. Oser partager, c’est choisir la vie et
préparer le royaume de Dieu : « c’est un ciel nouveau et une terre
nouvelle où résidera la justice. » (2 Pierre 3,13). Voilà le désir et
la promesse de Dieu auxquels nous sommes invités à contribuer… En ce
temps de confinement qui est encore plus dur pour les personnes
démunies, isolées, SDF, prisonnières, migrantes … essayons de rester en
lien, de partager un peu de chaleur humaine par le téléphone ou les
médias à notre disposition. Osons faire un don au CCFD-Terre solidaire
qui travaille à un monde plus juste et solidaire, ou aux associations
qui apportent une aide alimentaire aux plus vulnérables. L’aumône, avec
la prière et le jeûne, est un des piliers pour vivre ce temps de carême
2020 très particulier.
Amen.
Yves MICHONNEAU, diacre permanent
Paroisse St Léger Ste Bernadette d’Orvault
le 29 mars 2020
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