5° dimanche de carême.
Ce
long texte nous raconte une histoire incroyable ! Incroyable, le
retour à la vie d’un mort, 4 jours après avoir été mis au
tombeau !
In-croyable ! et pourtant, à de nombreuses
reprises dans ce passage, l’auteur de l’évangile selon St Jean
sollicite notre foi, notre adhésion : « crois-tu
cela ? » « c’est pour que vous croyiez »… C’est
donc pour que nous croyions que Jésus fait des choses
incroyables ? étonnant, non ? Dans cette histoire, un certain
Lazare meurt. Un autre Lazare meurt, dans un autre évangile, celui de
Luc. Vous savez, ce pauvre Lazare, mendiant devant la porte d’un homme
riche qui ne le voit même pas. Et ces deux personnages sont ensuite
racontés dans leur vie après la mort, le riche dans la fournaise de
l’enfer, et Lazare au paradis. A la fin, le riche demande à Abraham de
renvoyer Lazare à la vie, pour qu’il avertisse ses frères de changer de
vie, mais Abraham répond : « Même si quelqu'un ressuscitait
d’entre les morts, ils ne se laisseront pas persuader ». Inutile,
donc, de redonner vie à un mort pour nous persuader de croire. Et voilà
que Jean, dans son évangile, nous raconte l’histoire d’un Lazare qui
meurt et puis qui est ramené à la vie « pour que nous
croyions ». Non pas par compassion, ni pour consoler sa famille en
pleurs, mais pour que nous croyions ! La différence entre ces deux
histoires, c’est que celle de Luc – le riche et le pauvre – est une
parabole que Jésus invente pour faire comprendre quelque chose à ses
auditeurs, tandis que celle d’aujourd’hui est présentée comme un fait
vécu par Jésus. Les deux récits ne sont donc pas situés sur le même
plan. Quoi qu’il en soit, Jésus redonne vie à un mort, pour que nous
croyions. Pour les témoins de cette scène, ou pour les auditeurs de St
Jean, il y a là plus qu’une allusion au passage du livre du prophète
Ezékiel que nous avons entendu en première
lecture : « Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en
ferai sortir, ô mon peuple, et je vous ramènerai sur la terre d'Israël.
Vous saurez que je suis le Seigneur, quand j'ouvrirai vos tombeaux et
vous en ferai sortir, ô mon peuple ! » Voir Lazare sortir du
tombeau, c’est être placé devant l’accomplissement de la prophétie.
« Alors vous saurez que je suis le Seigneur ».
Tous les
personnages de ce passage d’évangile sont, tour à tour, amenés par
Jésus à se prononcer sur leur foi. Les disciples, Marthe, Marie, les
autres juifs : « Pour que vous croyiez » ;
« celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra » ;
« crois-tu cela ? » ;« si tu crois, tu verras
la gloire de Dieu » ;« Si j’ai parlé, c’est afin qu’ils
croient » ;« les nombreux juifs qui avaient vu crurent
en lui ». Mais est-ce qu’ils ont cru parce qu’ils ont vu, ou bien
au contraire c’est parce qu’ils ont d’abord cru, qu’ils ont vu ?
Jésus ne demande-t-il pas avant, à chacun, une profession de foi ?
« si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ». dis autrement :
« si tu ne crois pas, comment pourrais-tu voir la gloire de
Dieu ? ».Voir la Gloire de Dieu, ce n’est pas une récompense
qui serait faite aux « bons croyants ». Voir la Gloire de
Dieu, c’est une conséquence de la foi. Seuls ceux qui croient y ont
accès. Ainsi, la vérité ne s’impose pas, elle s’accueille. Si je crois,
je prépare mon cœur à recevoir, à accueillir, à voir Dieu. Tandis que
même si mes yeux voient, je peux rester incrédule, incroyant. Mon
intelligence peut trouver un tas de raisons de ne pas croire ce que je
vois, et la vérité restera alors en-dehors ; la barrière que j’ai
dressée restera infranchissable, si je le veux. On retrouve ici l’idée
de la parabole du riche et du pauvre : « S’ils n’écoutent pas
Moïse et les prophètes, même si quelqu'un ressuscitait d’entre les
morts, ils ne croiront pas ». Mais si mon cœur a été préparé, par
la foi, il devient capable de recevoir, de comprendre, d’accueillir la
Vérité que mes yeux, eux, sont incapables de voir. Et alors ma raison
gardera tout liberté pour interroger cette vérité accueillie, et y
adhérer ou pas.
Ainsi vous, les fiancés qui êtes venus aujourd’hui
pour célébrer cette fête de l’Alliance que la paroisse vous propose.
Vous allez vous marier dans quelques jours, quelques semaines, quelques
mois. Vous êtes sur un chemin qui vous conduit à un engagement
définitif l’un envers l’autre, pour toute la vie. Cette démarche
serait-elle possible si, dans votre couple, chacun de vous ne croyait
pas d’abord en l’autre ? n’est-ce pas parce qu’un homme croit en
une femme que l’amour entre eux est véritable ? Chacun de vous
peut dire à son futur époux « si tu crois en moi, tu verras
l’amour que j’ai pour toi ». Eh bien Jésus ne nous dit pas autre
chose, quand il dit « si tu crois, tu verras », alors que
nous aurions plutôt tendance à dire « si je vois, alors je
croirai ». Croire en quelqu’un, c’est lui faire confiance. Dans un
couple, c’est la confiance réciproque qui construit l’amour et le rend
visible aux yeux l’un de l’autre. « crois-tu cela ? » Ne
dit-on pas d’ailleurs d’une confiance absolue, que c’est une confiance
aveugle ? C’est à dire qui croit sans avoir besoin de voir avant.
Ainsi donc, ce retour à la vie de Lazare, Jésus l’opère aux yeux de
quelques personnes dont il s’est d’abord assuré qu’ils croient … Sans
voir ! Ils ne verront ce dont l’amour est capable qu’après avoir
proclamé leur foi. Ce qu’il voient, cette victoire de la vie sur la
mort, c’est avec les yeux de la foi. Mais n’est-ce pas ainsi que nous
croyons, nous aussi ? Ce que nous proclamons, quand nous disons
ensemble le Credo, comme nous le ferons dans un instant, nous ne
l’avons pas vu de nos yeux ! Nous proclamons ce que la
confiance nous fait dire. Confiance en la parole de ceux qui nous ont
précédés et qui nous ont transmis ce qu’ils ont cru. Cette transmission
qui dure depuis tant de siècle, ne peut pas être l’œuvre des hommes
seulement. C’est l’œuvre de l’Esprit Saint qui anime son Eglise et qui
suscite à chaque génération des témoins. Cet Esprit qui habite en
chacun de nous depuis notre baptême, et qui nous redonne vie, qui nous
fait sortir de nos tombeaux, comme Lazare, après les petites morts que
nous vivons parfois. C’est le même Esprit qui a réanimé Lazare, le même
Esprit qui a ressuscité Jésus. Cette connaissance est donnée à ceux qui
croient. C’est ce que dit St Paul dans la première
lecture : « Et si l'Esprit de celui qui a ressuscité
Jésus d'entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus
d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son
Esprit qui habite en vous. »
Crois-tu cela ?
Daniel BICHET, diacre permanent.
Clisson et Gétigné, 10 avril 2011
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