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4° dimanche de carême.


1S. 16, 1-13 ; Ps : 22 ; Ep. 5, 8-14 ; Jn. 9, 1-41

Je le redis pour les absents de dimanche dernier : Non, votre petit livret « Magnificat » ou « Prions en Eglise » ne s’est pas trompé. Nous sommes bien au quatrième dimanche de carême de l’année B. Pourtant, les textes que nous avons entendus ne sont pas ceux écrits dans ces livrets, mais ceux de l’année A. Alors, c’est équipe liturgique qui s’est trompée ? Ou le lectionnaire qui n’était pas à la bonne page ?

Non, rassurez-vous, tout va bien ! Simplement, nous avons la joie d’accueillir à nouveau parmi nous ce matin quatre catéchumènes, Benjamin, Etienne, Enzo et Juliette qui seront baptisés dans quelques jours lors de la vigile pascale, et qui viennent ici vivre avec nous le deuxième scrutin. Et l’Église, dans sa grande sagesse, prévoit pour les catéchumènes à l’approche de leur baptême,  trois « scrutins » lors des trois dimanches avant les rameaux. On prendra alors les textes de l’année A : C’était donc la Samaritaine dimanche dernier, ce sera la résurrection de Lazare dimanche prochain, et c’est l’aveugle-né aujourd’hui.

Les scrutins. Pour Benjamin, Etienne, Enzo et Juliette, il s’agit de scruter chacun son propre coeur, sa propre vie, et de se laisser scruter par Dieu qui veut les aider à devenir pleinement chrétiens par le baptême qu’ils vont recevoir.

Les notes pastorales du Rituel de l’Initiation Chrétienne des Adultes nous expliquent le sens des scrutins : « les scrutins ont ce double but : faire apparaître dans le coeur de ceux qui sont appelés ce qu’il y a de faible, de malade et de mauvais, pour le guérir ; et ce qu’il y a de bien, de bon et de saint, pour l’affermir. Les scrutins sont donc faits pour purifier les coeurs et les intelligences, fortifier contre les tentations, convertir les intentions, stimuler les volontés, afin que les catéchumènes s’attachent plus profondément au Christ et poursuivent leur effort pour aimer Dieu. Ils donnent au futurs baptisés la force du Christ, qui est pour eux le Chemin, la Vérité et la Vie. »

Comme dimanche dernier et dimanche prochain, les scrutins sont accomplis au moyen d’un exorcisme, pour être « délivrés des suites du péché et de l’influence du Diable » comme il est écrit dans le paragraphe suivant des notes pastorales, qui poursuit : « Les appelés sont [ainsi] fortifiés dans leur itinéraire spirituel et ils préparent leur coeur à recevoir les dons du Sauveur ».

On comprend pourquoi le carême a été choisi comme temps privilégié pour préparer les catéchumènes à recevoir le baptême. Nous-mêmes, baptisés de longue date, nous avons à vivre le carême de la même manière, comme un temps d’attente et de préparation.

Aujourd’hui, nous avons donc entendu « l’évangile de l’aveugle-né ». Cet aveugle qui va retrouver la vue grâce à l’action du Christ est une image possible du catéchumène : symboliquement, il est actuellement dans les ténèbres, et le baptême va lui donner accès à la lumière du Ressuscité.

Cet aveugle est aussi une image possible de chacun de nous. Notre vie chrétienne ne consiste-t-elle pas à toujours rechercher la lumière du Christ ?

Dans le récit de St Jean, on perçoit que cette quête de la lumière révèle pas mal d’ambiguïtés : Qui est véritablement aveugle dans cette histoire ? Qui est dans les ténèbres ? Et qui retrouve la vue ? Qui ne la retrouve pas ? 

Remarquons aussi que dans cette histoire, l’aveugle n’a pas de nom. C’est donc n’importe qui, c’est vous, c’est moi… Pas non-plus de nom pour ses parents, pour ses voisins, pour ceux qui le connaissent : « les uns disaient… les autres disaient » ; « On lui demandait » ; « On l’amène aux pharisiens."… Pas davantage de nom pour les pharisiens, qui est ici un terme générique, une catégorie. Pas de nom ? Serait-ce que nous pourrions être, tour à tour, ou tout en même temps, cet aveugle et ceux qui le jugent ? ceux qui le défendent et ceux qui l’accusent ? Ceux qui voient et ceux qui ne voient pas ?

En fait il n’y a que deux noms qui sont mentionnés dans ce récit, à part celui de Moïse, mais ce nom désigne ici plus la loi que le personnage. Il y a le nom de Jésus, et St Jean le met en exergue en faisant dire à l’aveugle une fois guéri : « l’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue…» 

L’autre nom est Siloé, qui est le nom de la piscine. Notons que St Jean juge même nécessaire de préciser pour Siloé : « ce nom se traduit : envoyé ». Ce n’est donc pas anecdotique, mais intentionnel. 

Jésus, l’envoyé… L’aveugle a été guéri suite à l’action de Jésus, complétée et achevée par celle de Siloé, l’envoyé. Jésus serait donc l’envoyé ? C’est ce que ce rapprochement donne à voir, manifestement.

Voir, justement, c’est le centre de ce récit. Toute la trame est orientée sur le fait de voir ou de ne pas voir, de croire ou de ne pas croire. Il y a celui qui ne voyait pas, mais qui à présent voit et croit ; il y a ceux qui voyaient bien l’aveugle mendier, et qui croient ; il y a ceux qui voient mal, puisqu’ils ne reconnaissent pas cet homme qui était aveugle, et alors ils ne croient pas. Et puis il y a les pharisiens, qui voient très bien que cet homme a été guéri, mais qui ne croient pas ce qu’ils voient. Non seulement ils ne croient pas ce qu’ils voient, mais ils refusent même d’entendre l’ancien aveugle qui leur montre la vérité, et ils le jettent dehors. 

Il y a bien certains, parmi les pharisiens, qui acceptent de se remettre en question : « serions-nous aveugles, nous aussi ? » Mais Jésus leur répond par un paradoxe : « Si vous étiez aveugles, vous n’ auriez pas de péché, mais du moment que vous dites « nous voyons », votre péché demeure ». Rappelons-nous que la question de départ, c’était de savoir si cet homme était aveugle à cause du péché de ses parents ou du sien. Jésus distingue donc complètement le péché du fait de voir ou non. Ce n’est pas d’être aveugle qui fait de nous des pécheurs, ni même l’inverse ; ce n’est pas notre péché qui nous rend aveugle. Mais le fait de ne pas vouloir voir nous maintient dans le péché.

C’est pourquoi il est bon de regarder attentivement ce qu’il y a dans nos coeurs, et en vérité. Or, regarder attentivement, ça se dit : scruter. 

Si la démarche des scrutins est prévue de se faire pendant une messe dominicale, avec la communauté rassemblée, c’est aussi pour que chaque membre de la communauté se sente interpellé par cette démarche. Ce qui est demandé aux catéchumène l’est aussi à chacun de nous. Alors, frères et soeurs, nous aussi, et en communion les uns avec les autres, prenons ce temps pour scruter le fond de notre coeur, pour « faire apparaître dans notre coeur ce qu’il y a de faible, de malade et de mauvais, pour le guérir ; et ce qu’il y a de bien, de bon et de saint, pour l’affermir. » 

Amen !


Daniel BICHET, diacre permanent

Clisson, le 10 mars 2024


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