3° dimanche de carême.
"Donne
moi à boire." Ce sont les premiers mots prononcés par Jésus dans cette
page d'Evangile. Jésus, le fils de Dieu qui marche sur la terre, en
pleine lumière (il est midi), et qui est fatigué. Il s'arrête au bord
d'un puits, le puits de Jacob, un lieu fortement symbolique pour les
juifs croyants... On sait bien sûr l'importance de l'eau, et de tous
les lieux qui permettent de la trouver, dans ces terres de sable, de
pierre et de soleil que parcourent les héros de notre Bible... C'est ce
que nous rappelle la première lecture, quand Moïse frappe le rocher
pour en faire jaillir l'eau... "Venez, crions de joie pour le Seigneur,
acclamons notre rocher, notre salut." Dans le désert, c'est le peuple
qui crie sa soif vers Moïse et Dieu pour avoir l'eau qui permet de
survivre...
Mais dans l'Evangile, la situation de départ est
renversée : ce n'est pas l'homme, ou la femme, qui crie vers son
Dieu... mais Dieu qui crie sa soif de l'homme. Au bord du puits de
Jacob, Jésus fatigué est resté seul, puisque ses disciples sont partis
au ravitaillement. Il voit venir une pauvre femme, seule aussi, sans
doute car elle veut éviter les rencontres... Ce n'est pas en pleine
chaleur qu'on vient puiser de l'eau !
Deux êtres seuls se
rencontrent : l'un est le fils de Dieu, l'autre une pauvre femme, en
plus appartenant à un peuple méprisé par les juifs. Les samaritains, ce
sont des hérétiques, de mauvais croyants. Un bon juif ne leur
adresse pas la parole !
Et l'impensable se produit alors, Jésus
brise tous les interdits: il adresse la parole à la Samaritaine, il lui
demande à boire; c'est le Fils de Dieu qui appelle au secours une
pauvre femme... Autour du puits de Jacob, la situation est alors
complètement renversée: Jésus met tout à l'envers, la parole est
libérée. La femme et l'homme peuvent s'ouvrir pour accueillir le don de
Dieu ! Jésus vient nous donner l'eau vive, et nos vies s'en trouvent
changées...
La femme samaritaine, d'abord : après le dialogue sur
l'eau, et la question retournée "Seigneur, donne la moi, cette eau :
que je n'aie plus soif, et que je n'aie plus à venir ici pour puiser."
La conversion change vite de registre. La femme peut parler en vérité,
faire la lumière sur sa vie, et ouvrir son coeur à Jésus. Elle lui
confie ses vraies soifs, ses souffrances, ses histoires d'amour
malheureuses, ses veuvages et sa situation conjugale irrégulière...
c'est sans doute pour cela qu'elle est mise de côté par le reste du
village. Elle fait la vérité sur elle-même, sur la réalité de son
existence... ce qui lui permet de passer à un autre terrain avec Jésus
: questions essentielles et existentielles, l'amour, la vie, la mort,
et Dieu dans tout ça ? Où devons-nous adorer Dieu ? Quelle est la bonne
religion? La femme fait une vraie rencontre avec elle-même, et une
vraie rencontre avec Jésus. Elle est la première à qui Jésus révèle son
identité véritable : il est le Messie attendu, par les juifs et les
samaritains." Moi qui te parle, je le suis."
Pour les habitants du
village, eux aussi, les choses vont changer. Ils méprisaient la femme :
ils acceptent de recevoir son témoignage. Ils peuvent venir à leur tour
rencontrer Jésus, et beaucoup crurent en lui, nous dit l'Evangile...
Les hérétiques eux-aussi savent accueillir le don de Dieu.
Les
disciples, eux-mêmes, les bon croyants, sont d'abord surpris. Le
comportement de Jésus est déroutant, socialement inacceptable. En
plus, ils étaient chargés du boire et du manger "Rabbi, viens manger."
Et Jésus peut se passer d'eux : "Pour moi, j'ai de quoi manger; c'est
une nourriture que vous ne connaissez pas." Il faut que Jésus leur
explique, avec une petite parabole, pour qu'ils comprennent qu'ils
n'ont pas le monopole de l'évangélisation, et qu'ils ne sont pas
propriétaires de Jésus, de sa personne, de son message. Serviteurs
inutiles... Leur mission est de semer, pour préparer la rencontre
avec Jésus... pas forcément de récolter... La rencontre avec Jésus se
passe rarement comme prévu...
Et pour cette rencontre, pour que
l'homme, la femme, puissent accueillir le don de Dieu, pas besoin de
moyens spectaculaires. Les simples lieux de la vie quotidienne la plus
banale y suffisent : la chaleur du jour, la lumière de midi, la fatigue
de la journée, un puits, un seau, de l'eau, un dialogue en vérité...
Accepteras tu de reconnaître ton besoin ?... j'ai soif...
Accepteras-tu d'appeler l'autre à ton aide?... donne-moi à boire...
Et
surtout, pour étancher ta soif, accepteras-tu d'accueillir le don de
l'autre, le don de Dieu ?... nous savons que c'est vraiment lui, le
Sauveur du monde...
AMEN
Loïc LAINÉ, diacre permanent.
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