(avec des couples en CPM)
Frères & Sœurs,
Avons-nous conscience que notre Foi de chrétiens
n’est pas fondée exclusivement sur la connaissance, comme dans d’autres
religions, mais qu’elle se construit au contraire, au moins à part égale
sur la
base d’une expérience et
pas
n’importe laquelle : l’expérience de Dieu ? Pour nous en
convaincre,
regardons le vécu du peuple hébreu et celui des apôtres tels qu’ils nous
sont
présentés dans les textes d’aujourd’hui (et aussi les réflexions
que nous
proposent les fiancés qui se préparent au mariage) :
Voici en effet qu'au démarrage de notre histoire,
environ treize siècles avant Jésus Christ, un peuple, le peuple hébreu,
commence à faire cette expérience
d'un
Dieu personnel, qu'il n'a pas inventé, qui fait
soudainement
irruption, un jour, dans son histoire, collective et personnelle.
Que c’est-il passé ? On ne sait pas trop
pourquoi, un jour, Dieu se fait connaître à Abraham : voilà un brave païen, qui vivait du côté de
Babylone, au dix-neuvième siècle avant Jésus-Christ, qui, un jour,
entend Dieu
qui lui parle, qui se révèle à lui, pour le mettre en route. Dieu lui
demande
de « marcher avec Lui » et
lui fait
cette promesse : « En toi seront
bénies
toutes les familles de la terre. ».
Puis au sein de ce peuple, des hommes émergent
comme les grands témoins de cette proximité de Dieu, ils en ont fait
directement
l'expérience : ce sont particulièrement Moïse et Élie.
D'abord Moïse,
à qui Dieu dit, après la libération d’Égypte : « Monte sur la montagne. Je veux faire de ce ramassis de gens mon peuple.
Il faut donc qu'il ait un code de bonne conduite, des lois. »
Moïse va donc
rester quarante jours sur la montagne du Sinaï, à converser avec Dieu.
La
Bible, nous rapporte, dans son langage imagé, comment Moïse demande à
Dieu, un
jour, de voir son visage. Dieu lui répond que c'est impossible, car
quiconque
le verrait mourrait sur-le-champ. Cependant Dieu se manifeste à Moïse en
passant devant lui « de dos ».
Et
quand Moïse redescend du Sinaï, son visage est tellement resplendissant
de
lumière que les gens ne peuvent pas supporter son éclat et demandent à
Moïse de
mettre un linge sur son visage lorsqu'il s'adresse au peuple… Moïse
aurait-il
déjà fait l’expérience de la Transfiguration ?
Au temps d’Élie,
c'est sous l'instigation du roi Achab, qu'une grande partie du peuple
rejette
Dieu. Élie va se battre vigoureusement contre cette situation, si bien
que la
police d'Achab le poursuit et qu'il est obligé de s'enfuir. Il arrive,
lui
aussi, au Sinaï, et Dieu lui dit : « Tu
es
un bon serviteur. Je vais me montrer à toi. » Et pour lui faire
bien
comprendre qu'il n'est pas le fruit de l'imagination des hommes, vont se
succéder diverses manifestations : un terrible ouragan, puis
l'orage, puis
le feu, puis un tremblement de terre. Mais Dieu n'est pas dans ces
manifestations... C'est quand Élie sent sur son visage une brise légère
qu'il
se couvre de son manteau, car il sait bien qu'alors, c'est Dieu qui
passe.
Voilà notre Dieu qui intervient dans l'histoire, qui se fait
connaître, qui se fait proche et qui bouleverse tout. Et le peuple va
être sans
cesse tiraillé entre, d'une part l'appel de Moïse et des prophètes, qui
lui
demandent d'être fidèle à ce Dieu-Libérateur ; et d'autre part toute la
pesanteur de cette humanité qui se méfie sans cesse, qui réclame sans
cesse des
preuves, qui se dit : non, ce n'est pas possible qu'un Dieu intervienne,
qu'il
ne punisse pas, qu'il soit vraiment proche de nous…, de cette humanité
tentée
de retourner sans cesse à ses vieilles idoles ! Et
nous, une
quarantaine de siècles plus tard, où en sommes-nous… ?
Au temps de jésus, l'apôtre Pierre
a rencontré Jésus par hasard ; il lavait ses filets alors que Jésus
parlait à la foule et il ne lui prêtait pas attention. Pourtant il y a
eu la
rencontre et l'appel, comme pour Abraham. Et Pierre va marcher… Il est
séduit
par cet homme qui est à la fois tellement humain (comme lui, il
a faim,
il a soif, il est fatigué) ; et tellement divin : il guérit les
malades,
il chasse les démons, il ressuscite des morts, il dit des paroles
extra-ordinaires.
Bref, Pierre va faire dans sa vie quotidienne l'expérience de la
proximité
de Dieu. Son histoire personnelle, si quotidienne, si banale en un
certain
sens, devient une histoire sainte.
Oh bien sûr il y a des jours où Pierre ne comprend pas, où il n'a
même plus envie de marcher… Et voilà qu'arrive le jour de la
Transfiguration !
Jésus invite Pierre, Jacques et Jean « il
les
emmène à l'écart sur une haute montagne » :
·
sur
une haute montagne,
là où Moïse avait eu la Révélation du Dieu de l'Alliance (dans l’épisode
du
buisson ardent) et où il avait reçu les tables de la Loi ;
·
sur
une haute montagne,
là où Elie avait eu la Révélation du Dieu de tendresse dans la brise
légère.
Moïse et Élie, les deux colonnes de l'Ancien Testament…
·
sur
la haute montagne de
la Transfiguration, Pierre, Jacques et Jean, les colonnes de l'Église,
ont la
révélation du Dieu de tendresse incarné en Jésus : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour ;
écoutez-le ! » Et cette révélation leur est accordée pour affermir
leur foi
avant la tourmente de la Passion.
Oui, F&S, la Parole d’aujourd’hui nous révèle l’importance de
faire l’expérience de la confiance : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, […] écoutez-le ! »
Mais pour faire quoi ? Pour aller
où ?
Demandez à Abraham ! C'est la confiance qui l’inspirait quand il
quittait son
pays sur un simple ordre de Dieu. Dieu lui promet tout ce qui, à cette
époque-là,
fait le bonheur d'un homme : une descendance nombreuse et la bénédiction
de
Dieu… or, nous le savons bien, pour miser toute sa vie sur des
promesses, il
faut avoir une totale confiance !
Et ce ne sont pas les fiancés ici présents qui vont nous dire le
contraire, car ils ont bien conscience qu’il en va de même lorsque l’on
veut
construire son couple pour la vie ! Ecoutons ce que leur a inspiré
l’expérience d’Abraham pour la préparation de leur sacrement de mariage
et leur
vie de couple (quitter son père et
sa
mère, confiance en l’autre, procréation, témoignage, projet de vie)…
Notre Evêque, dans sa Lettre pastorale « Dans la joie
que donne l’Esprit », nous dit au §37 que nous venons de relire : les
chrétiens, grâce à l'enseignement des
apôtres, apprennent à mieux connaître Celui qui les a appelés à le
suivre. Ils
entrent ainsi dans l'expérience
de la
foi (de la confiance) de ceux qui ont reconnu en Jésus de
Nazareth le
Messie de Dieu, Dieu fait homme, compagnon de l'humanité.
Et
nous ?
Nous connaissons tous
des personnes qui ont été baptisées, puis envoyées au catéchisme et en
sont
restées à une religion plus ou moins formaliste ; et l’on comprend très
bien
qu'ensuite elles disent qu’elles ne croient en rien. Elles n'ont fait
aucune
expérience de confiance, de Foi, elles n'ont pas eu le bonheur de
découvrir que
leur histoire personnelle était une histoire sainte, parce qu’il n'y a
eu
personne pour les engager sur cette voie d'une rencontre avec un Dieu
qui se
révèle, se fait connaître très proche, très paternel, très tendre. Alors
que nous, nous avons peut-être eu
la chance de faire cette rencontre, grâce à un père, une mère, une
grand-mère, un
camarade, un événement subit, (un mariage)... Nous pouvons dire comme
Pierre et
tant d'autres : « je l'ai
rencontré » !
Alors, on marche… aux deux sens du terme : on avance dans la vie, et en
même
temps on croit. On croit sur
parole,
sur cette Parole incarnée en Jésus, qui fonde notre existence. Et alors
notre
vie personnelle, comme la vie de notre monde, nous pouvons la lire comme
une
histoire sainte…
Aujourd'hui, le Père s'adresse à nous pour nous
présenter Jésus comme son Fils bien-aimé, et il ajoute : «Ecoutez-le. », que nous devons interpréter au sens de « imitez-le » !
Alors oui
F&S, notre religion aura l’allure d’une expérience religieuse,
une expérience
de Foi. C'est tout autre chose, à condition que nous vivions personnellement
cette expérience, à la manière des prophètes et des apôtres !
Amen.
Patrick JAVANAUD, diacre permanent
5 mars 2023