Jésus
invite Pierre, Jacques et Jean à faire une halte, à
se retirer à l’écart sur une montagne pour se reposer et prier. C’est là
que se
révèle aux apôtres un visage du Christ, qu’ils ne connaissaient pas, dans
la lumière divine de la transfiguration.
Les apôtres voudraient bien que le temps s’arrête. Faire durer ce moment
sublime, de béatitude où un Jésus différent leur est révélé. « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! Si tu le veux, je
vais dresser ici trois tentes… » : la tente que veut dresser Pierre, c’est la tente du rendez-vous, de la
rencontre, offrant un espace d’intimité entre Dieu et les hommes.
Pour
les croyants, la montagne a toujours été un lieu
privilégié pour la rencontre avec Dieu. C’est sur la montagne sainte, le
mont
Horeb, dans le buisson ardent que Dieu se révèle à Moïse. C’est là
encore que
Dieu se manifeste au prophète Elie du milieu d’une brise légère. Pour la
transfiguration, la tradition chrétienne laisse à penser qu’il s’agit
probablement
du mont Tabor.
Dans le passage de la genèse, Dieu demande à Abraham de quitter Ur,
ancienne ville de Mésopotamie, ce pays qui lui est familier, de quitter
sa
parenté et la maison de son père pour aller vers le pays que Dieu lui
montrera.
Abraham répond positivement à cette demande. Ce départ vers un pays
inconnu, ce
n’est pas une mutation disciplinaire ni professionnelle. Car Dieu
tiendra sa
promesse : « je ferai de toi une grande nation, je te
bénirai, je
rendrai grand ton nom… ». Dieu donne à Abraham un vaste pays,
les
terres de Canaan où pourra paître son bétail. Avec la promesse d’une
grande
descendance, aussi nombreuse que les grains de poussière. Il le bénit,
le
comble de toutes sortes de biens. Et Abraham rendra grâce à Dieu pour
ces
bienfaits en élevant un autel au chêne de Mambré.
Pour
nous aussi, sœurs et frères, il est important de quitter pour un temps
nos occupations quotidiennes, d’aller sur la montagne ou un autre lieu
sacré, nous
recueillir, faire silence, entrer dans la contemplation des œuvres
de Dieu.
Essentiel de quitter la routine quotidienne, le monde des apparences, de
laisser tomber nos préjugés ou nos masques pour nous laisser habiter par
la Vérité
de Dieu. De créer les conditions pour rencontrer notre Dieu dans
l’écoute, la
prière, les sacrements, le service du prochain. D’entrer dans un espace
où
cesse le tumulte de nos vies, pour y rencontrer ce Dieu de tendresse qui
nous
aime sans mesure.
Comme
pour les trois apôtres, il y a, pour nous aussi ces
instants de grâce, de plénitude où nos êtres sont baignés dans la
lumière
divine de Jésus glorifié par son père : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie :
«écoutez-le ! ».
Instants rares et merveilleux. Mais il va falloir redescendre dans la
vallée
de notre quotidien. Rejoindre ce monde souvent si cruel, si injuste, si
violent, si rempli de guerres et de haine qui a tant besoin de paix et
de
fraternité. Jésus, lui aussi connaîtra le temps des ténèbres et des
supplices
sur la colline du Golgotha où il sera mis en croix. Avec un visage alors
défiguré !
Paul nous invite à prendre notre « part
des souffrances liées à l’annonce de l’évangile ». En ce
temps de
carême, nous sommes invités, sœurs et frères, à la conversion ;
rappelez-vous
les paroles lors de l’imposition des cendres : « convertissez-vous
et
croyez à la Bonne Nouvelle ». Le carême, temps propice pour
prendre
du recul. Nous débarrasser de tout ce qui encombre nos cœurs et nos
esprits. « Se
désencombrer » c’est ce que nous rappelle notre curé Olivier dans
le
dernier bulletin. Se désencombrer Pour déverrouiller nos égoïsmes. Jeter
ce qui
alourdit nos vies. Faire cesser l’accumulation maladive de biens
superflus. Etre
moins préoccupés de nous-mêmes, nous tourner d’avantage vers Dieu et
vers nos
prochains. Prendre du temps pour visiter quelqu’un qui est seul. Nous
laisser
importuner par celle ou celui qui a besoin qu’on l’écoute. Jeûner, mais
sans
prendre « un air abattu » et une mine défaite.
Partager, mais
sans « faire sonner la trompette »…
Sœurs et frères, accueillons notre
Seigneur, ce Dieu « lent à la colère et plein d’amour ».
C’est
lui qui vient à notre rencontre : à nous de lui ouvrir notre coeur,
à
nous de le recevoir, de nous laisser habiter par son Esprit, de le
laisser
bousculer nos pesanteurs. Laissons-le transfigurer nos visages pour
qu’émane de
nous la lumière de son Amour. A nous de diffuser cette lumière à nos
sœurs et
frères en humanité. A chacune et chacun Dieu dit : quitte un peu
ton ego. Va ! Ouvre
un espace de bonté dans ton cœur. Va !
Accueille tes sœurs et frères désemparés. Va ! Ouvre tes mains pour
le
partage. Va ! Pose un regard bienveillant sur ceux que tu n'aimes
pas
assez. Va vers les contrées proches ou lointaines, là où Dieu pourra
manifester
son Amour car Il te guidera pour que tu puisses donner le meilleur de
toi-même.
Aujourd’hui,
ne fermons pas notre cœur mais écoutons la voix du
Seigneur !
Amen
Arsène
BUCHHOLZER, diacre permanent
Oberhaslach,
5 mars 2023