4° dimanche de l'Avent.
Is 7, 10-16, Ps 23 ; Rm 1, 1-7 ; Mt 1, 18-24
Joseph… L’un de ces
personnages des Evangiles qui ne parlent jamais. Non qu’il soit muet,
mais aucune parole de Joseph ne nous est rapportée dans aucun texte des
4 évangiles. Ce qu’il a pu dire n’a donc pas d’importance. Car Joseph
est un homme qui ne parle pas mais il entend, il écoute, il obéit et il
agit. N’est-ce pas le plus important, au fond ?
Joseph entend. Il entend l’ange lui annoncer cette étrange nouvelle. Il
aurait pu ne pas tenir compte de cette annonce, faite pendant un songe,
c’est-à-dire au cours de ce sommeil mystérieux, si fréquent dans la
Bible, et qui permet à Dieu de parler aux hommes.
Joseph écoute. Il ne se contente
pas d’entendre, passivement. Il se met à l’écoute, il écoute ce que
l’ange lui dit. A-t-il tout compris de la signification de cette
annonce ? Pas sûr. Mais quelle importance ? Il écoute, et il fait
simplement confiance, sans nécessairement comprendre ; c’est exactement
une démarche de foi.
Joseph obéit. « tu lui donneras le nom de Jésus. » C’est bien ainsi
qu’il l’a appelé. Et « Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange
lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse. »
Joseph agit. Il ne dit rien, il ne pose pas de question, il ne négocie
pas. Il agit simplement, pour accomplir la volonté de Dieu, pour faire
advenir Son Royaume.
Joseph écoute, entend, obéit, agit. Il nous est ainsi montré comme un
modèle de foi. Pas comme un héros, il n’a accompli aucun exploit. Comme
un modèle d’autant plus facile à imiter, qu’il est modeste et sans
qualité extraordinaire. Il est comme nous, on peut sans peine
s’identifier à lui, il semble à notre portée. Ce qui fait de lui un
modèle, c’est qu’il a simplement su comprendre ce que Dieu attendait de
lui. On dirait aujourd’hui qu’il a simplement accompli sa vocation.
Accomplir sa vocation, c’est réussir sa vie.
Cet homme dont on ne sait rien, à part qu’il était charpentier dans un
pays où les maisons n’ont pas de charpente, et qu’il était un des
nombreux descendants du roi David, de la tribu de Juda. Cette tribu de
Juda avait donné son nom à la Judée, région où elle s’est établie, avec
Bethléem pour ville principale. C’est à peu près tout ce qu’on a comme
information sur ce Joseph.
C’est pourtant sur cet humble
personnage, tout-à-fait quelconque et ordinaire, que Dieu va faire
reposer sa Révélation ultime. C’est à lui qu’il fait confiance ; car si
Joseph a fait confiance à Dieu, nous l’avons dit, c’est d’abord parce
que Dieu, le premier, lui a fait une formidable confiance en lui
demandant d’accueillir Marie.
Ce n’était pas gagné d’avance ! Demander à un homme d’accueillir chez
lui une femme qui porte un enfant dont il n’est pas le père !
Mettons-nous un instant à la place de Joseph ! Et pourtant, Dieu ose
lui faire cette demande. Parce qu’il a confiance en lui. Dieu fait
confiance à Joseph. L’évangile d’aujourd’hui nous dit d’ailleurs que
Joseph était un homme juste. Comprenons un homme dont la vie est
ajustée à la volonté de Dieu. Un homme en qui Dieu a confiance, sur qui
Dieu peut s’appuyer. L’enjeu est tout de même considérable : il s’agit
pour Joseph d’accueillir chez lui cette femme, et d’élever avec elle
rien moins que le fils de Dieu !
Joseph apprend en même temps, par
ce songe, quatre nouvelles inouïes : Tout d’abord, la femme « qui lui
avait été accordée en mariage » attend un enfant. Deuxièmement, cet
enfant n’est pas de lui. Troisièmement, cet enfant « vient de l’Esprit
Saint » lui dit l’ange. Et quatrièmement, cet enfant sera celui «
qui sauvera son peuple de ses péchés ». Il s’agit donc de ce fameux
messie, celui que l’on attend depuis des générations et des
générations, dans ce tout petit peuple juif perdu au milieu de si
grandes nations, mais pourtant peuple élu, choisi par Dieu. Une seule
de ces annonces aurait suffit à terrifier n’importe quel homme. La
responsabilité qu’implique chacune de ces nouvelles est écrasante. Mais
Dieu ose quand-même.
Dieu ose toujours. Dieu appelle
toujours. A toute époque, comme il a appelé Joseph, Abraham et Moïse,
comme il appelé tous ses prophètes, qui ont tous commencé par dire «
mais qui suis-je pour que tu m’envoies ? Pourquoi moi ? Je ne suis pas
digne... ». Dieu appelle Joseph à participer à la venue de son règne.
Mais ça ne s’est pas terminé à
Joseph ! Aujourd’hui encore, Dieu appelle. Et même si nous ne sommes
pas forcément « des justes » comme il est dit de Joseph, Dieu nous
appelle quand-même. Et il nous appelle tous ! Nous avons sans doute
envie de répondre, comme les prophètes : « Mais qui suis-je pour que tu
m’envoies ? Pourquoi moi ? Je ne suis pas digne... ». Pourquoi cette
fausse modestie ? Pourquoi prétendrions-nous que nous ne sommes pas
dignes ? Par le baptême, nous participons à la dignité du Christ, nous
a dit le prêtre qui nous a baptisé. Il n’est pas nécessaire d’être une
personne extraordinaire pour être digne de la confiance de Dieu. Le
baptême suffit. Dès lors que nous avons reçu le baptême, nous sommes
envoyés en mission auprès de nos frères humains. C’est automatique !
C’est ça notre vocation. Et nous avons toute la vie pour y répondre.
Alors oui, c’est vrai, il est
difficile de discerner notre vocation. Parce qu’elle peut prendre des
formes multiples, et parce qu’elle évolue. Elle n’est jamais
définitive. On n’est jamais installé dans sa vocation, puisque Dieu
appelle sans cesse.
Le songe de Joseph n’est pas une
faveur spéciale, que Dieu lui fait pour être sûr qu’il comprenne bien
sa vocation. Joseph a entendu l’appel, et comme il avait un cœur
ouvert, il a compris et il a accueilli cet appel. Nous aussi, nous
recevons des signes tout au long de notre vie. Ce ne sont pas forcément
un songe comme pour Joseph, ou un buisson ardent qui brûle sans se
consumer comme pour Moïse. Mais ces signes, nous ne les voyons pas
toujours, probablement parce que notre cœur n’est pas assez ouvert pour
y discerner l’appel de Dieu. Et puis, avouons-le, nous n’avons pas
forcément très envie d’entendre cet appel permanent de Dieu. Il est
plus confortable d’ignorer les multiples signes qu’il nous envoie.
Parce que répondre favorablement à un appel de Dieu nous déplace, nous
dérange, nous oblige à quitter nos habitudes, notre confort, à lâcher
nos sécurités. Le « principe de précaution » qui régit désormais notre
existence de citoyen occidental est un principe qui flatte notre
paresse, notre timidité, qui nous conforte dans notre repli sur soi,
qui nous enferme dans notre peur du risque, mais qui ne nous rend pas
plus heureux, finalement.
C’est pourquoi le pape François
nous invite aujourd’hui à sortir, à prendre le risque de la rencontre.
Il se fait la voix de Dieu qui a appelé Joseph autrefois, et qui nous
appelle encore aujourd’hui. Ecoutons cet appel comme Joseph a su le
faire. Imitons Joseph qui entend, qui écoute, qui obéit et qui agit.
Amen !
Daniel BICHET, diacre permanent
Clisson et St Hilaire de Clisson,
le 18 décembre 2016