8° dimanche du Temps
Ordinaire.
Mt 6, 24-34
Frères et sœurs,
Une lecture rapide de l'évangile de ce dimanche nous induirait en
erreur. Jésus aurait-il condamné l'argent? Aurait-il invité à
l'indolence et l’oisiveté ? Aurait-il conseillé de ne pas prévoir et
gérer les dépenses de son budget ? La réponse est bien évidemment non !
Vous remarquerez que le mot argent, dans ce texte d’évangile, est écrit
avec une majuscule, ce qui signifie qu'il s'agit de l'argent
absolutisé. Car en lui-même, frères et sœurs, l'argent est nécessaire.
Mais lorsqu'il n'est plus au service de la vie des hommes et qu'il
devient profit injuste, il devient alors une idole !
« Nul ne peut servir deux maîtres » nous dit Jésus «vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent. »
Voilà la clé qui ouvre le sens de cet évangile.
Jésus ne condamne pas le fait d’avoir de l'argent. Lui qui, dans la
parabole des talents, a reproché au mauvais serviteur de ne pas avoir
fait fructifier son bien à la banque, ne condamne pas son usage, mais
bien l’asservissement à l’argent.
Cet esclavage de l'argent est le véritable cancer de nos sociétés. Sous
le rythme infernal de la course au gain et au luxe (démesuré), quand
l’argent est érigé en idole et commande toutes les options des êtres
humains, quand il encourage l’avidité et oriente tout le système
socio-économique, cela ruine notre monde et la société, condamne
l'homme, le transforme en esclave, détruit la fraternité entre les
hommes, oppose les peuples les uns aux autres et, comme nous le voyons,
met même en danger notre humanité et notre maison commune.
Le Pape François, dans la Joie de l’Evangile nous rappelle qu’ «
aujourd’hui, tout entre dans le jeu de la compétitivité à outrance et
de la loi du plus fort, dans un système économique mondial où le
puissant mange le plus faible. Un ordre mondial qui apporte
«souffrance» et absence de «dignité» et où on considère désormais
l’être humain comme un bien de consommation, qu’on peut utiliser et
ensuite jeter … Une des causes de cette situation, frères et sœurs, se
trouve dans la relation que nous avons établie avec l’argent, puisque
nous acceptons paisiblement sa prédominance sur nous et sur nos
sociétés. Nous avons créé de nouvelles idoles! L’adoration de l’antique
veau d’or (cf. Ex 32, 1-35) a trouvé une nouvelle et impitoyable
version dans le fétichisme de l’argent et dans la dictature de
l’économie sans visage et sans un but véritablement humain, qui réduit
l’Homme à un seul de ses besoins : la consommation … à outrance.
Derrière ce comportement se cachent, en effet, le refus de
l’éthique et le refus de Dieu.
« Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice », nous dit justement Jésus, « et tout vous sera donné de surcroît ».
Nous tous, ici réunis, nous croyons déjà au Christ. Mais aujourd’hui,
Jésus nous demande dans quelle mesure et jusqu’à quel point ! Quel est
notre empressement à chercher son Royaume ? Dans quelle mesure
poursuivons-nous la recherche de la justice, c’est-à-dire le succès aux
yeux de Dieu, à l’opposé du succès aux yeux du monde ?
Quand nos cœurs sont partagés, quand nous poursuivons la recherche du
bonheur à la fois dans notre relation d’amitié avec le Christ et dans
nos succès trop mondains, souvent hypocrites et égoïstes, nous
finissons par tout perdre, car nous ne pouvons servir ces deux maîtres.
Jésus vient à nous pour nous libérer de toutes les obsessions qui ne
font que nous égarer. Il veut nous rendre disponibles pour l’essentiel,
pour le Royaume de Dieu et sa justice. Cette justice, ce n’est pas
seulement l’équité mais aussi la sainteté. Ce qui est premier, frères
et sœurs, ce n’est pas ma belle situation, ma belle voiture, mes beaux
habits, ma splendide demeure … le seul vrai trésor c’est Jésus lui-même
; il ne demande qu’à remplir notre vie de son amour.
« Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent
l’apparence, mais Dieu regarde le cœur. » Ce n’est pas moi qui le dit,
mais le Prophète Jérémie !
C’est une des raisons pour laquelle Saint Paul insiste dans la 2ème
lecture, pour que l’on ne nous regarde que comme des auxiliaires du
Christ et des intendants des mystères de Dieu. Or, tout ce que l’on
demande aux intendants, c’est d’être trouvés dignes de confiance.
C’est cet appel à la confiance que nous entendons dans l’Évangile :
« Ne vous faites pas tant de soucis pour votre vie, ni pour le corps au
sujet des vêtements… Ne vous faites pas tant de soucis pour demain… »
Jésus nous dit de cesser de nous inquiéter de tout ce qui nous tracasse
: les choses matérielles, les choses futiles du monde, les possessions,
les trophées, tout ce qui peut être acheté avec l’Argent. Le Christ
nous dit donc de ne pas nous préoccuper (jusqu’à nous rendre malade) de
notre compte en banque, de notre Livret A, de nos hypothèques, de notre
carrière, de nos succès … Il nous avertit que tout cela reste éphémère
et ne peut combler notre cœur, et que, si nous nous en soucions
excessivement, ces choses peuvent nous séparer de Dieu et nous ôter la
paix du cœur.
S’abandonner, frères et sœurs, à la Providence est un chemin de
sainteté, de dépouillement, de purification … Ça n’a rien à voir avec
la démission … Il ne s’agit pas en effet de s’asseoir et de dire : «
Dieu fera tout dans ma vie, je n’ai qu’à me laisser porter ». Ce serait
caricaturer l’abandon.
L’abandon, c’est la grâce de l’aujourd’hui de Dieu. Un adage dit de
manière imagée : « Le pain d’hier est rassis. Celui de demain n’est pas
cuit … merci mon Dieu pour le pain d’aujourd’hui » !!
S’abandonner, c’est aussi accepter de vivre avec son péché, son mal,
ses souffrances, ses révoltes. L’abandon n’a pas à déserter la dure
bataille du quotidien … Toutes nos difficultés, nos échecs, nos tracas
nous brisent au quotidien, alors que vécus dans un esprit d’abandon,
deviennent source de paix … l’abandon suppose ainsi l’amour et la
confiance en Dieu …
Cela doit être notre premier souci et non pas le dernier, frères et sœurs !
Si nous cherchons d’abord le Royaume de Dieu, tout nous sera donné de surcroît. C’est la promesse de Jésus.
Et il tient toujours ses promesses :
« Est-ce qu’une femme peut oublier son petit enfant, ne pas chérir le
fils de ses entrailles ? nous dit le prophète Isaïe. Même si elle
pouvait l’oublier, moi, le Seigneur, je ne t’oublierai pas. »
Notre vie est dans les mains de Dieu. Il est notre Père, un Père qui
aime chacun de ses enfants et qui veut leur bonheur ; il tient à nous
comme à son bien le plus précieux. Il prend soin des oiseaux du ciel et
revêt les fleurs des champs. C’est pour nous un appel à agir du mieux
que nous le pouvons et puis, pour tout le reste, de nous confier à Lui
et le contempler toujours davantage. Amen.
Patrick CHAHLA, diacre permanent
Gétigné et St Lumine de Clisson, le 26 février 2017
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