5ème dimanche de Pâques Année A
Qui croit en moi
« Que votre cœur ne soit pas bouleversé (…)
Celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes parce que je pars vers le Père. »
Ah bon ? C’est étonnant, cette parole…
Moi, je crois en Jésus, et en Dieu le Père, et aussi en l’Esprit Saint…mais je n’ai pas le souvenir d’avoir fait des miracles : je n’ai pas guéri les lépreux, ni transformé l’eau en vin, ni multiplié les pains, ni …
Et cependant, si Jésus affirme à ses disciples : «Celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes parce que je pars vers le Père » cela veut dire qu’il s’adresse également... à nous !
Dans le chapitre de l’Évangile de Jean que nous venons de lire :
Nous sommes au soir de la Cène, le jeudi Saint. Jésus livre son Testament à ses disciples.
Il leur a lavé les pieds. Il leur a annoncé sa Passion, son retour vers le Père.
Au cours du repas où il a institué l’eucharistie, Il a donné le cœur du cœur de son message : Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. Ce commandement de l’amour fait écho à cette autre Parole forte sur la réalisation des œuvres de miséricorde : tout ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait .
On dit souvent que l’on peut rencontrer Dieu dans les petites choses, les petits gestes de la vie.
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette formulation !
- Ce n’est pas une petite chose que d’agir en solidarité, au nom de la foi, auprès des plus faibles : les « sans droits », les « sans toit », tous les « sans … »
- Ce n’est pas une petite chose pour des époux que d’être fidèles au sacrement de mariage, malgré les épreuves de la vie, la maladie, le handicap du conjoint,
- Ce n’est pas une petite chose pour des parents que de soutenir par amour un enfant qui a pris un chemin de traverse,
- Ce n’est pas une petite chose que de s’engager à prendre soin de la Création, et à défendre la Vie de sa conception à son terme naturel, à l’encontre de l’orientation de la société,
- Ce n’est pas une petite chose que d’oser faire un premier pas sur le chemin du pardon et de la réconciliation, quand j’ai été offensé...ou quand j’ai blessé un frère…
On pourrait multiplier à l’infini les exemples, et toute la diversité des œuvres de miséricorde que suscite chaque jour l’Esprit Saint, et pas seulement chez les bons chrétiens…
Ce ne sont pas des petites choses, c’est même parfois héroïque !
Et au-delà de nos seules forces...
Sainte Faustine, qui a été canonisée par Jean-Paul II en l’an 2000, invitait à distinguer les 3 degrés de la miséricorde. « Le premier, c’est l’acte miséricordieux, quel qu’il soit. Le second, c’est la parole miséricordieuse : si je ne peux pas aider par l’action, j’aiderai par la parole.
Le troisième, c’est la prière : si je ne peux témoigner la miséricorde ni par l’action, ni par la parole, je le pourrai toujours par la prière.
J’envoie ma prière même là où je ne peux aller physiquement. »
Nous comprenons alors peut-être mieux la promesse de Jésus :
Celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes parce que je pars vers le Père. »
En donnant l’exemple du lavement des pieds et en instituant l’eucharistie, Jésus révèle à nouveau son intimité avec le Père : Il est Le Fils, en un sens unique : tout ce qu’Il a accompli durant sa vie, ce sont les œuvres du Père.
Tel Fils, tel Père, dit-on…
Jésus se soumet librement à la volonté du Père. En offrant sa vie sur la croix, il détruit la mort.
Par sa résurrection, Jésus rejoint son Père, et Il passe alors dans une présence au monde totalement autre, universelle, éternelle.
C’est proprement « incroyable » pour ses disciples, comme pour nous. Et c’est le cœur de notre foi.
Jésus n’est plus limité dans le corps mortel que ses disciples ont connu, ni par les 33 années qu’il a vécues en tant qu’homme en Palestine. Jésus n’était pas un gourou, un homme sage du passé.
Le Christ ressuscité, assis à la droite du Père, est plus grand que durant sa vie terrestre : et il va envoyer l’Esprit Saint, pour être à l’œuvre en nous et avec nous dans le monde, pour prolonger et démultiplier son œuvre, c’est à dire l’œuvre de Dieu : nous libérer de nos esclavages, de nos prisons, morales, spirituelles, affectives : les détenus savent ce que c’est que d’attendre une libération.
Une oraison de cette semaine s’adresse ainsi au Seigneur : « Toi qui relèves la nature humaine bien au-dessus de sa condition originelle, souviens-toi de cette œuvre de ton amour ».
L’œuvre du Christ, c’est celle du Père, et c’est aussi la nôtre si nous la prolongeons dans la foi.
C’est pourquoi Saint Pierre nous dit que nous sommes devenus à notre tour les pierres vivantes d’un édifice plus grand que notre petite personne : nous sommes l’Église, le Corps vivant du Christ.
Comme au soir du jeudi saint, par le sacrement de l’eucharistie que nous allons célébrer, nous entrons dans l’intimité du Christ, nous communions à sa personne : « Le corps du Christ »
Nous vivons en Lui, comme Il vit par le Père.
Dès aujourd’hui, nous regardons avec son regard, nous parlons avec sa bouche : les Sacrements sont la force qui nous est donnée aujourd’hui pour faire les œuvres de Dieu. Sacrée responsabilité !
L’eucharistie ne devrait jamais être une routine, mais plutôt une route vers Dieu. Jésus nous invite à un déplacement vers le Père : Jésus est le chemin ; on pourrait dire que l’eucharistie est pour nous « le raccourci » vers le Père : venir à la Messe, « ça vaut le déplacement ! »
Alors, que notre cœur ne soit pas bouleversé par toutes les difficultés de la vie, par les crises que traversent l’Église et la société civile, par ce qui paraît encore obscur à notre foi, et ce qui heurte notre compréhension.
La vie chrétienne est un itinéraire pour aller vers la maison du Père, où il y a de nombreuses demeures, préparées pour chacun de nous.
Amen
Emmanuel MERIAUX
Église Saint Louis de Montfort à Saint-Herblain
7 mai 2023