5° dimanche ordinaire.
Is 58, 7-10 ; Ps 111 ; 1 Co 2, 1-5 ; Mt 5, 13-16
5°T.O – A
Ayons du goût ! Donnons du goût ! Jésus ne nous a pas dit : « soyez
nombreux ! » mais plutôt « soyez le sel qui donne du goût ! » La petite
quantité qui fait toute la différence. Quelques minuscules grains de
sel répartis dans un grand plat, et c’est toute la nourriture dont la
saveur est exaltée !
Ayons du goût ! et donnons au monde le bon goût qui plaît à Dieu !
Comment donner au monde ce bon goût ?
On a d’abord cru, après-guerre, dans les années cinquante, soixante,
soixante-dix, que les chrétiens, qui à l’époque étaient encore
nombreux, et même majoritaires en France et en Europe occidentale,
devaient, comme le sel justement, s’enfouir dans le monde pour le
raviver de l’intérieur. Fausse bonne idée. Ça n’a pas vraiment marché,
comme on le voit : cette période d’enfouissement a coïncidé avec le
début de la chute vertigineuse du nombre de croyants, du nombre de
prêtres. Ce n’est peut-être pas un hasard. Sans doute qu’à vouloir nous
focaliser sur le verset 13 – « vous êtes le sel de la terre » – nous
avions oublié le verset 14 : « vous êtes la lumière du monde ». Et à
trop vouloir être sel, nous avons négligé d’être lumière. Et la
lumière, elle, n’est pas faite pour être enfouie, mise « sous le
boisseau ; On la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux
qui sont dans la maison ».
Être le sel de la terre, c’est aussi être la lumière du monde. Et ce
n’est pas incompatible ! Chrétiens disséminés dans un monde sans Dieu,
comme le sel dans la nourriture, mais en n’oubliant pas de rester
lumière pour ce monde, c’est-à-dire de l’éclairer. Donner du goût et
éclairer, éclairer pour donner du goût. Sinon, le sel perd sa saveur, «
il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les
gens » nous dit Jésus.
Être sel de la terre et lumière du monde, c’est une mission essentielle
que Jésus nous a confiée. Cet essentiel compte parmi les « 5 essentiels
de la vie chrétienne » que nous avons à vivre de manière équilibrée
pour entretenir notre foi. 5 essentiels qui sont aussi le moteur du
projet de renouvellement de notre vie paroissiale. (rappel : Fraternité
– Prière – Service – Formation – Évangélisation).
Dans lequel de ces 5 essentiels se situe donc « être sel de la
terre et lumière du monde » ? Dans l’évangélisation. Pas de chance,
c’est cet essentiel-là qui fait le plus peur ! Dans les
différentes sessions de la « petite école des 5 essentiels », les
échanges entre nous ont révélé que cet essentiel, l’évangélisation, est
celui qui provoque le plus de réticence à mettre en pratique. La prière
? on connaît, on sait à peu près ce que c’est et comment ça marche. La
fraternité ? c’est presque naturel, c’est humain ! Le service ? oui, on
voit de quoi il s’agit ; il faut parfois se forcer un peu, mais on y
arrive ! La formation ? l’écoute de la parole, on l’a tous déjà fait au
moins un peu, on a quelques souvenirs du caté, et on écoute bien à la
messe…
Mais l’évangélisation ! ça évoque très souvent chez nous des images
négatives, comme celle des « témoins de Jéhova » qui viennent nous
importuner jusqu’à nos portes ; ça évoque des « gros mots » comme
prosélytisme, conversion forcée, ou même endoctrinement… Stop !
Évangéliser, ce n’est pas donner des leçons de caté à chaque personne
que l’on rencontre. Évangéliser, c’est annoncer l’Évangile, qui veut
dire bonne nouvelle. Et cette nouvelle c’est que Dieu nous aime et nous
veut du bien. Il nous sauve ! Pour annoncer cette nouvelle, il n’y a
pas que les mots. Il y a notre vie entière. Évangéliser, c’est
témoigner du Christ en vivant les 4 autres essentiels.
Par exemple : le service, puisque les textes que nous avons entendus
aujourd’hui nous rappellent tous l’injonction de nous mettre au service
des plus pauvres : « Partage ton pain avec celui qui a faim, accueille
chez toi les pauvres sans abri, couvre celui que tu verras sans
vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable » nous demande Isaïe dans la
première lecture. C’est une belle façon d’évangéliser, puisque c’est
mettre en pratique la Parole de Dieu. Mais le service seul ne suffit
pas. S’il n’est pas appuyé sur une relation à Dieu (la prière), sur une
connaissance de sa Parole (la formation) et si les personnes que l’on
sert ne sont que des assistés et non des frères et des sœurs
(fraternité), alors notre vie chrétienne est très incomplète ; elle est
bancale, déséquilibrée, et finalement, desséchée. Chacun des cinq
essentiels ne se suffit pas à lui-même. Il nécessite d’être vécu avec
les quatre autres, et si possible avec la même intensité. On ne peut
pas se donner bonne conscience en se disant « bon, je vois que je vis
déjà très bien 3 des 5 essentiels, c’est pas si mal. Je vais laisser
les 2 autres à des spécialistes, moi je ne peux pas faire plus ». Au
contraire, sortons de notre « zone de confort », lançons-nous des défis
à nous-mêmes, stimulons nos potentiels, nous n’en serons que plus
épanouis, plus heureux. Équilibrer dans notre vie chrétienne les cinq
essentiels, c’est simplement équilibrer notre vie, tout court.
Je voudrais illustrer cela par une anecdote vécue, qui révèle bien tout
le chemin que nous avons encore à faire pour une vie chrétienne
équilibrée, à la suite du Christ.
« Un jour, quelque part », comme dirait St Luc, un groupe de chrétiens
préparait un dîner paroissial festif à destination de personnes
isolées, en difficulté, des pauvres et des migrants de passage.
Évangéliser par les actes. Belle initiative ! Mise en œuvre de 2 des 5
essentiels : la fraternité et le service. Lors d’une des réunions de
préparation avec tous les bénévoles, la question s’est posée de mettre
au point le mot d’accueil. Quelqu’un a proposé de commencer par une
petite prière. Cette idée a provoqué un véritable tollé. A l’issu d’un
débat assez vif, il a été décidé que finalement, il n’y aurait pas de
prière « pour ne pas indisposer les invités qui ne sont pas croyants ».
Autrement dit, on est prêts à donner de notre temps et de nos moyens
pour apporter un petit moment de joie à des personnes en difficulté,
des personnes fragiles et pauvres ; et c’est très beau ! Mais on
refuserait de leur annoncer ce qui donne la vraie joie, ce qui, pour
nous, est le plus important de notre vie ? Leur donner à manger des
nourritures terrestres, en les privant intentionnellement de
nourritures spirituelles ? On veut bien être le sel pour donner du
goût, mais en mettant la lumière sous le boisseau ?
Si l’Évangile est une bonne nouvelle, de quel droit le garderions-nous
pour nous seuls ? est-ce violer leur conscience que de dire à ceux qui
ne connaissent pas le Christ qu’il les aime et veut les sauver, autant
que nous-mêmes ? Serions-nous jaloux ? N’est-ce pas au contraire les
mépriser que de les juger a priori incapables ou indignes d’entendre le
message de Jésus ?
Jésus nous demande d’être lumière pour le monde. Alors, frères et
sœurs, n’ayons pas peur de cette lumière qui vient de lui. Au
contraire, plaçons-la « sur le lampadaire, pour qu’elle brille pour
tous ceux qui sont dans la maison. »
Amen !
Daniel BICHET, diacre permanent
Monnières, Gétigné et Clisson, le 9 février 2020
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