5° dimanche ordinaire.
Is 58, 7-10 ; Ps 111 ; 1 Co 2, 1-5 ; Mt 5, 13-16
Ce dimanche, les textes que nous
propose la liturgie s’accordent pour mettre en valeur, une fois de
plus, l’humilité du croyant qui se met au service des plus pauvres,
dans la simplicité et la discrétion, au nom de sa foi.
« Partage ton pain avec celui qui
a faim » nous recommande le prophète Isaïe. « Recueille chez toi le
malheureux sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement. » Dans
notre monde marqué par un individualisme qui progresse sans cesse, et
où les différences entre les plus riches et les plus pauvres ne cessent
de croître, ces paroles qui datent pourtant de près de trois mille ans
sont toujours aussi nécessaires. Ce ne sont pas de simples conseils de
bonne conduite, ni des préceptes moraux. Ces mots s’adressent à tout
croyant, pour lui dire et lui rappeler qu’en agissant ainsi, il est
dans la vérité, il avance dans le sens de la volonté de Dieu. « Ta
justice marchera devant toi, et la gloire du Seigneur t'accompagnera »
La volonté de Dieu, c’est
que l’homme connaisse le bonheur, qu’il accède à la vraie vie, qu’il
parvienne à la vie en Dieu. Pour y parvenir, il doit s’attacher à faire
l’unité, à faire en sorte que l’humanité soit unie, que chacun y trouve
sa place, comme ce sera le cas dans le Royaume de Dieu qui est notre
destination finale. Le psaume d’aujourd’hui dit à peu près la même
chose qu’Isaïe : « L'homme de bien a pitié, il partage ; À pleines
mains, il donne au pauvre » et la conséquence de ces actes, comme une
récompense : « à jamais se maintiendra sa justice, sa puissance
grandira, et sa gloire ! »
Ces deux textes très semblables dans leur contenu – le psaume 111 et le
chapitre 58 d’Isaïe – sont des éléments fondateurs de ce qu’on appelle
la « doctrine sociale de l’Eglise ». Les principes de cette doctrine
s’appuient sur la parole de Dieu, à travers des textes comme ceux-là et
beaucoup d’autres. La révélation de Dieu aux hommes, que nous décrit
toute la Bible dans des formes très diverses, précise en l’affinant de
plus en plus, page après page, qui est Dieu, et en même temps qui est
l’homme. Une lecture continue des Écritures fait apparaître un fil
conducteur assez évident, qui est la préférence de Dieu pour les plus
humbles, les plus petits, les plus pauvres, les malades.
C’est ce que met justement en
évidence la Doctrine Sociale de l’Eglise, dans laquelle s’inscrit
clairement l’« option préférentielle pour les pauvres ». La Doctrine
Sociale de l’Eglise n’est pas un ajout supplémentaire au credo, comme
une sorte de volet social de la foi chrétienne, ni une option
facultative proposée aux croyants qui se sentiraient plus « de
sensibilité sociale ». Ce n’est pas non-plus une idéologie, ni un
programme politique à mettre en œuvre. La doctrine Sociale de L’Eglise,
c’est un ensemble de principes destiné à guider la conduite de chaque
personne. Elle concerne tous les aspects de la vie en société, et elle
s’appuie sur quelques principes majeurs comme la dignité de la personne
humaine, le bien commun, la solidarité.
Ces principes proviennent directement de la contemplation de la
personne du Christ Jésus, Fils de Dieu. Contemplation qui n’est pas
simplement adhésion à des principes humains, à un discours
philosophique ou moral. Contemplation qui accueille l’action de Dieu à
travers chaque personne, chaque événement. Pour mieux le comprendre, St
Paul nous dit dans la deuxième lecture : « ma proclamation de
l'Évangile n'avait rien à voir avec le langage d'une sagesse qui veut
convaincre ; mais c'est l'Esprit et sa puissance qui se manifestaient,
pour que votre foi ne repose pas sur la sagesse des hommes, mais sur la
puissance de Dieu. » De même, s’attacher à appliquer en toute
circonstance la doctrine sociale de l’Eglise, c’est vivre au milieu de
ce monde non pas en mettant en pratique quelques règles morales, mais
en acceptant humblement de laisser la puissance de Dieu se déployer à
travers nos pauvres actions humaines. Comme le sel permet au plat
d’exprimer tout son goût.
C’est une des raisons qui font
dire à Jésus, dans l’Évangile d’aujourd’hui : « Vous êtes le sel de la
terre ». Ce n’est pas seulement à ses disciples qu’il s’adresse, mais
plus largement, à l’ensemble des croyants, et donc à nous-mêmes.
Pourquoi nous compare-t-il à du sel ? Le sel n’est pas le tout du plat
que nous mangeons. Il ne remplace pas le savoir-faire du cuisinier,
mais il met en valeur son plat. A condition d’être bien réparti dans la
nourriture, chaque grain de sel, dispersé, extrêmement discret, permet
à l’ensemble du plat d’exprimer toutes ses qualités. Dans un plat, la
quantité de sel nécessaire est infime par rapport à la quantité des
aliments. Nous-mêmes donc, qui sommes croyants, nous n’avons pas besoin
d’être majoritaires dans le monde. Même en petit nombre, nous avons
notre part à sa construction, à son fonctionnement. Nous pouvons y
apporter notre grain de sel ! Puisque ce n’est pas notre action en
elle-même qui peut apporter Dieu au monde, mais c’est Dieu lui-même qui
se donne à travers notre petitesse. Jésus ne nous demande pas d’être
nombreux, mais d’avoir du goût.
Cependant, dans le même passage,
Jésus nous dit aussi : « vous êtes la lumière du monde ». Ça pourrait
paraître contradictoire : à la fois la discrétion du sel, et la
visibilité de la lumière, qu’il nous recommande même de porter bien
haut sur un lampadaire. Mais en fait, de quelle lumière s’agit-il ? il
ne s’agit pas d’une lumière qui existe pour elle-même, mais d’une
lumière pour éclairer, pour mettre en valeur ce qui l’entoure. Jésus
poursuit : « De même, que votre lumière brille devant les hommes :
alors en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre
Père qui est aux cieux. »
C’est par le bien que nous
faisons que nous sommes lumière du monde, non-pas lumière qui nous met
en valeur nous-mêmes, mais lumière qui met en valeur l’action de Dieu,
car c’est bien Lui en définitive qui agit, et nous ne sommes que des
serviteurs qui tenons les lampes dirigées vers Lui.
En gardant dans notre cœur comme
un idéal de vie les principes de la Doctrine sociale de l’Eglise, en
participant à notre place à la marche du monde, au milieu de tous nos
frères humlains,
Soyons le sel de la terre, pour lui donner du goût ;
Soyons la lumière du monde, pour lui donner du sens.
Amen !
Daniel BICHET, diacre permanent
Gétigné et Clisson, le 9 février 2014
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