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4° dimanche ordinaire.

Présentation de Jésus au Temple

        Pendant quelques instants, soyons des contemporains de Marie et de Joseph qui portent un bébé de 40 jours, qui pénètrent dans le Temple de Jérusalem, pour accomplir avec fidélité les préceptes de la Loi juive. Nous ne connaissons pas ce couple et ce nouveau né. Il y en a d’autres, probablement, dans le Temple. En témoins de l’événement, nous n’avons bien sûr aucune conscience ni aucune connaissance des événements à venir : qui est ce nouveau-né, quelle sera sa vie, ordinaire pendant 30 ans, exceptionnelle par la suite, comme si cela devait arriver seulement en 2044... Et nous entendons alors la voix de Siméon et d’Anne proclamer qu’ils ont vu et reconnu le don de Dieu à l’humanité. Comment aurions-nous accueilli en témoins leur parole et leur attitude ? Surprise ? Sourire ? Incrédulité ? Aurions-nous été comme les scribes, docteurs de la Loi et sacrificateurs du moment, aveugles à la visite de Dieu dans sa demeure ? Sans doute, car l’événement que Luc nous décrit dans l’Evangile, ne peut être vécu que dans la foi, c'est-à-dire dans une intériorité qui met en mouvement, qui nous fait avancer, qui nous fait sortir, sous l’impulsion de l’Esprit Saint. C’est cela la foi, une intériorité qui nous extériorise. C’est bien ce qui arrive à Siméon et Anne. Il y a 40 jours, les bergers se sont déplacés pour reconnaître Dieu fait homme dans un lieu perdu de pauvreté. Aujourd’hui, ce sont deux « anawim », littéralement en hébreu « ces pauvres et humbles de cœur, et que Dieu aime », Siméon et Anne qui le reconnaissent dans sa propre demeure, là où il habite déjà, le Temple. Car c’est bien le Seigneur qui, porté dans les bras de Marie, entre dans son Temple. Seuls deux vieillards aux yeux déjà presque éteints, vont le reconnaître là où il se donne à contempler : dans l’humilité d’un enfant offert simplement à nos regards.
        Tout le récit de la présentation de Jésus au Temple est empreint de cette « visitation » de Dieu. Une rencontre qui n’a rien de formel : tout se passe dans la simplicité d’une parole, d’un échange de regard, d’un sourire, d’un geste respectueux, dans lesquels Dieu et l’homme s’approchent. La solennité de ce jour nous introduit au mystère de l’incarnation (mystère dans le sens : jamais fini de découvrir, toujours à scruter), une incarnation qui aujourd’hui se manifeste toujours, par notre rencontre avec Dieu, dans sa maison même, l’Eglise.
        Cette rencontre, Dieu l’a préparée de longue date. La première lecture nous en livre un témoignage, à un moment difficile, parmi bien d’autres, de l’histoire tourmentée des relations entre Israël et son Seigneur : le prophète Malachie écrit quelques temps après le retour des juifs de l’exil de Babylone, au 5ème siècle avant JC. Le Temple a été reconstruit, tout semble aller. Les rituels des sacrifices sont exécutés à la lettre. Et pourtant, Malachie s’insurge contre le pouvoir politique et religieux qui ne respecte ni les hommes, ni les pauvres, ni même le culte qu’il juge superficiel. Il annonce que soudain viendra dans son Temple le Seigneur que vous cherchez. Siméon devait connaître cette annonce de Malachie. Il devait la guetter. C’était peut-être son ultime raison de vivre. Mais ce nouveau-né, à quoi est-il donc appelé ? Malachie nous dit qu’il s’installera pour fondre, purifier et affiner, que son offrande à lui sera juste. Dire qu’une offrande est juste signifie qu’elle est le signe d’une authentique relation entre celui qui offre et celui qui accueille l’offrande.
        Une relation vraie, d’amour, entre Dieu et l’humanité, entre Dieu et chacun/chacune d’entre nous : c’est bien cela, que nous recherchons en venant aujourd’hui dans cette église. Et pour que cette relation soit vraie, salvifique – qu’elle nous sauve –, rien de moins que la venue de Dieu parmi nous : l’offrande absolue de Dieu. C’est le message de la lettre aux Hébreux que nous avons écoutée en seconde lecture : Jésus a voulu partager cette condition humaine, afin de nous rendre libre, de réduire à l’impuissance toute mort. Et pour cela, comme l’écrit Malachie 5 siècles auparavant, il a fallu qu’il fonde, qu’il affine, qu’il purifie. Voyez comme les textes de l’Ancien et du Nouveau Testaments se font admirablement écho ! Ceux que le Dieu-fait-homme vient aider, dit l’auteur de la lettre aux Hébreux, ce ne sont pas les anges, ce sont les fils d’Abraham, et nous en sommes tous.
Alors, comme nous y invite le Psaume prié ensemble ce jour, élevons les portes et les frontons de notre église intérieure. Méditons encore sur cet admirable échange entre Dieu et l’humanité, que les paroles de Siméon célèbrent. Ces paroles que la liturgie des Heures, lors des complies au seuil de la nuit, nous invite à redire chaque soir. Et au lieu d’être des simples témoins de l’événement que Luc prend soin de nous décrire, comme je vous y invitai au début, soyons Siméon et Anne dans notre vie humaine et notre vie de croyant. « Maintenant, ô maître souverain… » : d’habitude, cet adverbe « maintenant » conclut un récit historique. Ici, il oriente notre vie de croyant sur les chemins de l’espérance. C’est un départ pour chacun de nous. Ce « maintenant » signifie nous rendre disponibles et ouverts à l’Esprit Saint, c'est-à-dire l’Esprit que Dieu nous communique pour que nous puissions vivre. Comme Siméon et Anne, nous sommes venus en ce lieu où le Seigneur nous rassemble. Dans la modestie de nos cheminements, nous sommes venus appelés par l’Esprit qui parle au plus profond de notre cœur. Laissons alors une place au Christ à nos côtés, rencontrons-le vraiment. Dieu n’est pas présent parce que nous le voyons, mais parce qu’Il est présent, nous qui croyons, nous pouvons l’accueillir, le contempler. C’est ce qu’a vu Siméon dans ce bébé, dans les bras de sa mère. Il a vu le salut. Le salut, c'est ce qui donne sens et issue ultimes à notre vie.
        « Maintenant, ô maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix, selon ta Parole ». Je vous invite, après chaque eucharistie et au seuil de chaque nuit, à prononcer cette parole, à l’élever vers Dieu comme un encens, comme une offrande de votre vie quotidienne à celui qui en est la source. Ne limitons pas le sens du verbe « s’en aller » à notre seule mort, mais élargissons ce sens à notre vie toute entière : oui, vraiment, Jésus, quand nous t’accueillons, quand nous t’avons reçu dans la Parole, dans l’Eucharistie, tu nous donnes de pouvoir aller en paix selon ta Parole. Aller en paix dans le monde, dans notre quotidien, dès demain, c’est déjà quelque chose d’essentiel pour nous-mêmes, mais c’est aussi ce qui aidera notre prochain, notre semblable, à se relever. Voilà le sens de notre vie chrétienne. Ainsi vous serez, nous serons, à notre manière, chaque soir, Siméon et Anne, en disant : « Maintenant, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix, selon ta Parole. »


Christophe DONNET
Diacre permanent, Diocèse de St-Etienne
2 février 2014

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