3° dimanche de Pâques.
Ac 2, 14-33 ; Ps 15 ; 1P1, 17-21 ; Lc 24, 13-35
Cléophas et son compagnon sont donc sur le chemin
d’Emmaüs. Ce sont bien des hommes comme nous, avec leurs questions et
leurs doutes. Ils ont beaucoup de mal à comprendre ce qui s’est passé
ces trois derniers jours… ce qui est arrivé à Jésus. Tout cela tourne
en boucle dans leur tête. Dans ce fatras de souvenirs qui
s’entrechoquent et s’accumulent, rien ne prend sens. Il y a de la
déception et de la désespérance dans leur échange. Ils ont le cœur
triste.
Nous aussi, il nous arrive de connaître des périodes
de désolation et de tristesse, où l’on a l’impression de tourner en
rond, submergés par ce qui nous arrive. Rien ne semble pouvoir donner
sens à ce que l’on vit et encore moins donner un espoir. L’horizon est
bouché.
Entre le début et la fin de cet évangile, les deux
compagnons d’Emmaüs vivent un retournement complet. Leur cœur va
devenir brulant, et l’enfermement va faire place à l’ouverture et à la
joie communicative. Que s’est donc-t-il passé?
De fait, quand un inconnu les rejoint sur la route,
le moral est à zéro ; ils n’ont pas la tête des bons jours. Cependant,
ils font une place à cet inconnu et acceptent d’être questionnés par
lui : « De quoi causiez vous donc en marchant ? » Mieux, ils
s’arrêtent. Cette pause et la présence de celui qui les a rejoints les
aide à prendre du recul. Au lieu de ressasser et de tourner en rond,
ils adressent leur parole à quelqu’un… Ils précisent leur pensée,
parlent de Jésus comme «d’ un prophète puissant en œuvres et en
paroles, devant Dieu et le peuple » et disent leur espoir profond que «
c’était lui qui allait délivrer Israël »… Et puis il y a ces femmes qui
sont « allées de bonne heure au tombeau, et n’ayant pas trouvé son
corps, elles sont venues dire qu’elles ont eu une vision d’anges qui
disent qu’il est vivant ». Ces évènements pour eux sont importants, «
mais, pour l’instant, rien de tout cela ne trouve place dans leur
histoire. Pour eux çela ne fait pas encore sens » (E. Grieu), ça
n’éclaire pas encore leur vie… Que leur manque-t-il donc pour que leurs
yeux s’ouvrent, pour que leur cœur s’anime, pour que leur vie reprenne
sens ?
Jésus se rend bien compte de leur état : « Vous
n’avez donc pas compris ! comme votre cœur est lent à croire tout ce
qu’ont dit les prophètes ! Ne fallait-t-il pas que le Messie souffrît
tout cela pour entrer dans sa Gloire » ? Et l’Evangile nous dit, qu’en
partant de Moïse, il leur « expliqua, dans toute l’Ecriture, ce qui le
concernait ». Jésus les a longuement écoutés, maintenant il leur
explique, en les confrontant à l’Ecriture, le sens des derniers
évènements qu’ils ont vécus douloureusement. Jésus n’a rien de plus à
ajouter aux faits que les deux disciples lui ont décrits, mais il leur
propose une autre vision des évènements, qui apparaît dans la
confrontation et l’interprétation des textes de l’Ecriture. C’est une
démarche qui doit nous être familière, comme chrétiens : savoir
confronter notre vécu à la lumière de l’Evangile pour lui donner tout
son sens. C’est cette démarche que l’on appelle, dans les mouvements
d’action catholique « révision de vie ». Jésus nous donne ici l’exemple
même de la révision de vie, où l’on vient puiser à la source de la
Parole de Dieu pour éclairer nos vies et en découvrir le sens profond.
Alors le cœur triste des compagnons d’Emmaüs se réchauffe
progressivement pendant que Jésus leur parle et les accompagne.
Mais ils n’en sont pas encore à reconnaître que cet
inconnu qui fait route avec eux, c’est Jésus. Le soir tombant, Jésus
répond à leur invitation, rentre chez eux pour partager le repas. Au
cours du repas, Jésus « prit le pain, le rompit et le leur donna ».
L’invité devient le célébrant de la première Eucharistie après la
résurrection.
Alors leurs yeux s’ouvrirent, ils le reconnurent… Tout s’éclaire, les
évènements des trois derniers jours prennent sens. Leur vie reprend des
couleurs, leurs désirs sont comblés et ils reviennent à Jérusalem
partager leur joie avec les Apôtres qui leur disent « : « C’est vrai !
Le Seigneur est ressuscité : il est apparu à Simon Pierre. » A leur
tour ils racontaient ce qui s’était passé sur la route et comment ils
l’avaient reconnu à la fraction du pain. »
A travers les évènements de la passion et de la mort
de Jésus, puis de cette marche où Jésus se fait compagnon de route ;
les disciples d’Emmaüs sont passés par bien des émotions et des états
d’âme pour aboutir à un sentiment de joie et de plénitude quand ils
l’ont reconnu à la fraction du pain. Trois étapes ont été nécessaires
pour effectuer cette conversion : l’accueil de l’inconnu sur la route,
la confrontation avec la parole des prophètes, et la fraction du pain
lors du partage du repas.
C’est bien ces trois dimensions que nous avons à vivre dans la suite
des jours et, en particulier, dans ce moment privilégié de la messe
dominicale : nous venons à la messe rencontrer le Seigneur, mais c’est
bien lui qui nous retrouve sur nos chemins d’humanité ; nous
accueillons et approfondissons la parole de Dieu ; enfin nous
partageons le pain rompu pour la vie des hommes…
Yves Michonneau, diacre permanent
Paroisse St Léger-Ste Bernadette d’Orvault
4 mai 2014
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