« Moi, j’appartiens à Paul, moi à Appolos,
moi, à
Pierre, moi, au Christ ». « Qu’il n’y ait pas de
divisions
entre vous » écrit St Paul à ses amis de Corinthe. On le voit,
la
division des chrétiens ne date pas d’aujourd’hui… « Que tous
soient un,
afin que le monde croie que tu m’as envoyé » Jn, 17, 20 La
prière du
Christ l’exprime clairement : l’unité des disciples est nécessaire
pour
que le monde croie. En cette semaine universelle pour l’unité des
chrétiens, nous sommes invités à prier avec sincérité, « pour
l’unité
que Dieu voudra, par les moyens qu’il voudra. » La Semaine
de
prière pour l’unité
des chrétiens
est une manifestation œcuménique annuelle
qui
rassemble des chrétiens
de toutes les confessions. Pendant
huit jours, les chrétiens
du monde entier
prient d’un même cœur pour demander la grâce de l’unité, afin de répondre
à la
prière du Christ. Le mot œcuménisme
désigne l’effort des chrétiens
pour parvenir à une unité
entre les différentes Églises et communautés chrétiennes. Ne pas
confondre,
comme le font la plupart des journalistes, dialogue œcuménique et dialogue
inter-religieux. Le dialogue avec les musulmans n’est pas de l’œcuménisme,
mais
du dialogue inter-religieux, œcuménisme c’est entre chrétiens.
Les séparations entre chrétiens sont anciennes, dès 451
après le Concile de Chalcédoine se sont séparées les Églises dites des 3
Conciles, et elles subsistent depuis : par exemple l'Église
apostolique
arménienne, des Églises coptes et Ethiopiennes, l’Église syro-malankare
orthodoxe, et j’en passe. Puis en 1054 les Églises orthodoxes dites des 7
Conciles se sont séparées. En 1520 ce furent les protestants, eux-mêmes
dès le
départ séparés entre Calvinistes et Luthériens, qui eux-mêmes se divisent
depuis
lors en multiples branches, plus d’une dizaine. N’oublions pas les
anglicans.
Soyons donc conscients que des siècles de séparation n’ont guère de
chance, à
vue humaine du moins, de se traduire par une réunification en quelques
décennies.
L’impression que donne l’œcuménisme aujourd’hui à
certains,
est que plus on avance, plus la ligne d’horizon de l’unité paraît reculer
: du
côté orthodoxes, les rencontres au sommet, sincères (avec le patriarche
Bartholomée) ou politiques (l’œcuménisme d’aéroport avec le patriarche
russe)
ne changent rien concrètement dans les rapports entre les Églises toujours
aussi distantes ; les orthodoxes s’ingénient toujours avec autant
d’intransigeance à trouver des motifs d’affirmer leur spécificité au fur
et à
mesure que les catholiques s’ingénient à trouver des points communs. Et de
toute manière ils ne sont pas prêts à l’œcuménisme entre orthodoxes comme
on
l’a vu au moment du concile de Crète de 2016. Ils viennent même de se
diviser à
nouveau en créant un patriarcat ukrainien, avec force expulsions de
religieux, annexions
d’églises et de monastères. Tout récemment, le patriarche de Moscou a
excommunié celui de Constantinople, Bartholomée 1er, qui a
reconnu
cette nouvelle Église ukrainienne autocéphale, lequel patriarche de
Constantinople a répliqué en sens inverse. Coté protestants la
« Déclaration
commune sur la justification par la foi » publiée en 1999 par des
représentants de l'Église catholique et de deux fédérations d'Églises
protestantes, n’a pas beaucoup changé de choses, d’autant que toutes les
communautés protestantes ne s’y reconnaissent pas. Lorsqu’il était alors
le Cardinal
Ratzinger Benoit XVI écrivait dans un document intitulé « Les progrès
de
l'œcuménisme » : « nous ne connaissons ni le temps, ni
le
lieu de l’unité. Il en découle un double mouvement pour l'action
œcuménique.
Une ligne devra être celle d'une recherche pour trouver toute l’unité ;
pour
imaginer des modèles d’unité ; pour éclairer les oppositions à propos de
l'unité. Non seulement dans les discussions savantes, mais surtout
dans la
prière et la pénitence. Dans tous les cas, il doit être clair que
l'unité,
ce n'est pas nous qui la faisons, mais aussi que nous ne pouvons pas
toujours
rester les bras croisés. Ce qui importe ici, c'est d'accueillir toujours
à
nouveau l'autre en tant qu'autre dans le respect de son altérité. Nous
pouvons
être unis, même en étant divisés. » Plus tard, Benoit XVI
disait aussi
le 23 septembre 2011 à Erfurt dans l’ancien couvent de Martin
Luther :
« L’œcuménisme doit éviter de n’être qu’un plus petit commun
dénominateur entre chrétiens ou une affaire de théologiens et de
spécialistes.
Et en conséquence, la recherche de l’unité des chrétiens se vit d’abord
dans la
prière. On fait de l’œcuménisme à genoux. » Autrement dit, ne
nous
décourageons pas, prions, agissons pour l’unité, mais ne nous inquiétons
pas du
temps qu’il faudra pour retrouver l’unité. Faisons confiance à Dieu pour
cela. Dans
ce dialogue œcuménique, n’oublions pas qu’il ne faut pas s’obstiner à
convaincre, mais simplement de dire ce qu’est notre foi en toute vérité. “Je
ne
suis pas chargé de vous le faire croire mais seulement de vous le dire”
affirme paisiblement sainte Bernadette Soubirous.
Enfin, travaillons d’abord à supprimer nos propres
dissensions
entre nous catholiques de sensibilités différentes. Ne rejetons pas ceux
qui
préfèrent la messe tournée vers l’Orient comme depuis les débuts du
christianisme, ni ceux qui la préfèrent face au peuple. Ne rejetons pas
ceux
qui aiment la messe chantée en grégorien, ni ceux qui préfèrent des
musiques
rythmées avec les djembés, guitares, harmonicas et autres instruments. Ne
critiquons
pas ceux qui communient dans la bouche, ni ceux qui préfèrent bénéficier
de l’indult,
permettant aux évêques d’autoriser par exception de communier dans la main
dans
leur diocèse. Soyons frères avec ceux qui préfèrent la messe de Paul VI et
en français,
comme avec ceux qui préfèrent celle traditionnelle et en latin. Avant de
travailler à l’union avec les orthodoxes et les protestants, balayons
devant
notre porte en étant UN dans le respect de nos diverses sensibilités.
« Moi,
j’appartiens à Paul, moi à Appolos, moi à Pierre », non,
nous sommes tous au Christ. Nous devons être UN.
Patrice DELESALLE, diacre permanent
22 dimanche 2023