33° dimanche du Temps Ordinaire.
En recevant les informations
chaque jour, avec leur lot de conflits qui durent comme en Syrie et en
Irak, au Soudan, en Palestine, avec leur lot de violence aveugle que
révèlent chaque attentat terroriste en France ou à l’étranger, avec la
misère qui semble sans cesse gagner du terrain (les sans abris sont de
plus en plus nombreux et de plus en plus jeunes), on a envie de crier :
« Alors, c’est pour quand ? Seigneur, quand reviendras-tu instaurer ton
Royaume de Justice et de Paix ? » C’est probablement à une
interrogation comme celle-ci que répond St Paul dans la 2ème lecture de
ce jour : « Frères, au sujet de la venue du Seigneur, il n’est pas
nécessaire qu’on vous parle de délais ou de dates. » Pourquoi ? Pour au
moins deux raisons :
1ère raison : le temps
n’appartient qu’à Dieu. Et avec une humilité qui peut nous étonner,
Jésus lui-même reconnaît ne pas savoir : « ce jour et cette heure, nul
ne les connaît, ni les anges des cieux, ni le Fils, ni personne, sinon
le Père et lui seul. » Jésus accepte de ne pas savoir… il fait
confiance à son Père ; même à l’heure extrême, celle de Gethsémani,
alors que le combat entre la lumière et les ténèbres, entre l’amour et
la haine est à son paroxysme, il fait confiance. Nous n’avons plus qu’à
en faire autant !
2ème raison : ce temps dépend
aussi de nous. C’est St Pierre qui le dit : « Le Seigneur ne tarde pas
à tenir sa promesse, alors que certains prétendent qu’il a du retard,
mais il fait preuve de patience envers vous, ne voulant pas que
quelques uns périssent mais que tous parviennent à la conversion. » Et
un peu plus bas, il ajoute : « vous qui attendez et qui hâtez la venue
du jour de Dieu… » Voilà de quoi nous renvoyer à nos responsabilités :
mystérieusement, nous collaborons à la venue du Jour de Dieu. Ce n’est
pas moi qui le dit, c’est St Pierre ! C’est d’ailleurs ce qui fait la
grandeur de nos vies : elles sont la matière première du Royaume. Dieu
ne le réalise pas sans nous. Et c’est bien dans cet état d’esprit qu’il
nous faut accueillir la parabole des talents.
Avant de vivre sa Passion, Jésus
donne des consignes à ses disciples en leur ouvrant des perspectives
sur la fin des temps, c’est à dire sur le sens de l’histoire.
Aujourd’hui, nous vivons dans ce temps de l’Église, entre la mort et la
résurrection du Seigneur et son retour glorieux. Le Maître est parti en
voyage, mais il n’a pas laissé ses serviteurs les mains vides. Il leur
a laissé toute sa fortune. Chacun a reçu selon ses capacités, et même
celui qui n’a reçu qu’un talent a quand même reçu l’équivalent de
quinze à vingt ans de salaire, soit 35kg d’or ! çà fait rêver ! Mais
justement, ce n’est pas le moment de rêver ; c’est le moment de faire
des choix, de prendre des décisions et d’agir, car le temps, c’est de
l’argent. Le maître n’attend pas qu’on lui rende scrupuleusement ce
qu’il nous a confié, comme le croyait le 3ème serviteur, il attend que
nous soyons responsables des biens qu’il nous a confiés , que nous
prenions des initiatives, que nous nous engagions en prenant des
risques, en un mot, que nous fassions preuve de liberté. Car le départ
du Maître donne à chacun des serviteurs la liberté. Voilà la confiance
qu’il nous fait.
Mais ce 3ème serviteur, bon à
rien, jeté dehors dans les ténèbres, qu’avait-il fait de mal ? Il n’a
pas tué, il n’a pas volé, il n’a même pas escroqué son Maître. Alors,
que lui reprochait-on au juste ? D’avoir eu peur, tout simplement :
«J’ai eu peur et je suis allé enterrer ton talent dans la terre. » Face
à la confiance du maître, il ne trouve pas mieux que de répondre par la
méfiance. Du coup, le maître ne lui confie même plus cet unique talent.
Or, la méfiance de ce 3ème serviteur est d’autant plus injuste que le
maître a bien pris soin de proportionner l’effort demandé à chacun
selon ses capacités. A la limite, le 3ème serviteur donnerait presque
une leçon à son maître : est-ce juste de me demander plus que tu ne
m’as donné à garder ?
Alors, pour entrer dans la
spirale de confiance qui a fait agir les 2 premiers serviteurs, que
devons nous faire ? Il nous faut faire fructifier les talents qui nous
ont été confiés. Dans le langage courant les talents sont synonymes de
dons, de compétences, et nous ne pouvons les développer qu’au service
des autres. Le Seigneur nous les a confiés pour que nous puissions
hâter la venue de son Règne.
Aujourd’hui, le Secours
Catholique nous propose des moyens concrets pour faire avancer le
Royaume de Dieu. En luttant contre tous les maux qui ont pour nom
précarité, absence de logement, perte d’emploi, désocialisation,
solitude, pauvreté, et toutes les causes de marginalisation et
d’exclusion, le Secours Catholique donne corps à l’amour fraternel du
Christ pour tout homme, sans distinction de race, de condition ou de
religion. Il agit en notre nom, mais il ne peut pas agir sans nous.
Pour construire un monde plus juste et plus solidaire, chacun doit
apporter sa pierre, ou plutôt ses talents.
Et comme ce dimanche est la 1ère
journée mondiale des pauvres voulue par notre pape François, je voudrai
lui laisser la parole finale : « N'oublions pas que pour les disciples
du Christ, la pauvreté est avant tout une vocation à suivre Jésus
pauvre. C'est un chemin derrière lui et avec lui, un chemin qui conduit
à la béatitude du Royaume des cieux. Pauvreté signifie un cœur humble
qui sait accueillir sa propre condition de créature limitée et
pécheresse pour surmonter la tentation de toute puissance, qui fait
croire qu'on est immortel. La pauvreté est une attitude du cœur qui
empêche de penser à l'argent, à la carrière, au luxe comme objectif de
vie et condition pour le bonheur... Faisons nôtre, par conséquent,
l'exemple de St François, témoin de l'authentique pauvreté. Précisément
parce qu'il avait les yeux fixés sur le Christ, il a su le reconnaître
et le servir dans les pauvres. » « Toujours actuelles, résonnent
les paroles du saint évêque Chrysostome : « Si vous voulez honorer le
corps du Christ, ne le méprisez pas lorsqu'il est nu ; n'honorez pas le
Christ eucharistique avec des ornements de soie, tandis qu'à
l'extérieur du temple vous négligez cet autre Christ qui
souffre du froid et de la nudité. »
Jean-Jacques BOURGOIS
St Michel et Ste Marie sur Mer
Le 19 novembre 2017
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