33° dimanche ordinaire.
La parabole des talents.
Avouez que cette parabole a quelque chose d’agaçant et qu’on ne peut
s’empêcher de faire un rapprochement avec des slogans de la politique
contemporaine sur le « travailler plus » et la spéculation frénétique,
qui nous rendrait plutôt sympathique le serviteur économe qui ne
cherche pas à faire de l’argent. Pourtant, ce n’est pas de cela dont il
est question, alors essayons plutôt de tourner notre cœur vers cet
important message du Christ, car cette parabole, comme celle de
dimanche dernier (les cinq jeunes filles insensées et les cinq
prévoyantes) parle du retour de Jésus à la fin des temps.
Alors ce « maître » dont il est question, on peut penser sans se tromper qu’il représente Jésus.
Il part en voyage.
Puis, nous avons trois serviteurs :
A chacun de ses serviteurs le maître donne des talents. Un talent,
c’est, dans ce récit, plus qu'une somme d'argent : Jésus nous
désigne nos responsabilités et nos capacités, des choses
que Dieu nous a données et que nous avons reçues.
Qu’est-ce que le Seigneur attend de nous sinon que nous soyons engagés
à son service pour faire valoir nos talents – selon nos capacités ?
Dieu ne vous demandera pas pourquoi vous n'êtes pas allés sur la lune
s'il ne vous a jamais dit "va sur la lune". Dieu ne nous demande pas
pourquoi nous n'avons pas fait telle chose s'il ne nous a pas demandé
de le faire, surtout si nous n'avons pas le talent pour le faire.
Un point de départ pour réfléchir sur notre service, nos dons et
comment les utiliser est d’essayer de répondre à la question :
"Qu'est-ce que j'aime faire ? Quelles sont les choses pour lesquelles
je suis bon ?" Si nous commençons ainsi, nous pouvons avoir une idée
claire de la façon dont nous pouvons servir le Seigneur : les malades,
le catéchisme, la paroisse, les jeunes, la prière etc…
Le maître a donc donné un total de huit talents à ses serviteurs : cinq
talents à l'un, deux à l'autre et un au troisième... Si c'était moi,
j'en aurais donné neuf - trois à chacun pour simplifier le
problème.
Mais on sent bien qu’il a agi comme cela pour une raison évidente
: Il connaissait ses serviteurs et les capacités de chacun d’eux
: Dieu connaît chacun de nous, il sait ce que nous avons au fond de
notre cœur, il sait comment nous allons réagir.
Dieu a donné à chacun des dons uniques, propres à chacun. Cela veut
dire que nous n'avons pas besoin de nous comparer entre nous. Je suis
qui je suis, avec mes possibilités et mes capacités parce que Dieu me
les a données. Vous n'êtes pas moi et je ne suis pas vous. Vous n'êtes
pas mieux que moi et je ne suis pas mieux que vous. Personne ne peut
tout faire, mais chacun peut faire ce que le Seigneur lui donne à faire.
Et puis, un jour le maître revient de son voyage et c’est une surprise.
Les serviteurs à qui il a donné 5 et 2 talents viennent le voir, les poches pleines.
Tous les deux ont fait valoir leurs talents et ils ont même doublé la somme qui leur avait été remise.
Le maître félicite ses serviteurs et il les récompense : "Je te confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton maître."
Il nous semble que le serviteur qui a commencé avec 5 talents a fait
mieux que celui qui a commencé avec 2 talents. Mais nous remarquons que
tous les deux reçoivent les mêmes félicitations de la part du maître.
"C'est bien, bon et fidèle serviteur."
Comme je le disais tout à l’heure, Dieu ne nous compare pas les
uns avec les autres. Il demande seulement que nous fassions de notre
mieux avec ce qu'il nous a donné.
Finalement le troisième serviteur arrive pour rendre compte à son maître.
Dès le début, il se défend. "Seigneur, je savais que tu es un homme
dur, qui moissonnes où tu n'as pas semé." Il lui rend le talent qui lui
avait été donné : "voici, prends ce qui est à toi." Il sait bien qu'il
a mal agi. Il va être puni pour ce qu'il n'a pas fait. Où se
trouve le problème alors ?
Le serviteur croyait bien connaître son maître et il a visiblement eu
peur. Il n'a donc pris aucun risque. Il a fait un trou dans la terre et
il y a enfoui le talent que le maître lui avait confié, et, plutôt que
de prendre des risques, même d'échouer, il n'a rien essayé.
Cette parabole est très forte, même sévère. C'est un sérieux
avertissement. Elle nous dit que notre foi doit être mise en pratique
pour être véritable, elle nous dit que la foi, ça n’est rien si on la
garde dans un trou de son cœur en se gardant bien de la montrer, de la
faire germer et grandir : avez-vous essayé de faire germer des
cristophines* dans du béton ? Saint Jacques nous l’a dit dans sa lettre
( 2, 17) : "Il en est ainsi de la foi; si elle n'a pas les œuvres, elle
est tout à fait morte." La vie des autres, la vie du monde, c’est le
bon terreau dans lequel doivent germer les bons fruits, les bons
légumes qui nous font vivre.
Nous vivons dans un pays catholique et nous croyons parfois que notre
salut est donné parce que nous faisons ce que demande l'Église – on
fait baptiser nos enfants, on les conduit à leur première communion,
nous allons au sacrement de pénitence pour Pâques, nous allons
régulièrement à la messe – bien sûr, c’est bien ! mais toutes ces
choses, que valent-elles si on ne va jamais à Jésus pour demander sa
miséricorde, humblement, avec sincérité, en lui disant simplement :
Jésus, j'ai besoin de toi, guide moi, aide moi à mettre tes pas dans
les tiens, révèle-moi les talents que tu as semés dans mon cœur,
qu’est-ce qui te serait agréable ?.
Les paroles de Jésus dans cette parabole sont dures. Le serviteur
qui n’a pas fait fructifier son talent est jeté dans les ténèbres
extérieures, en enfer : et l'enfer nous confisque la présence de Dieu
pour toute l'éternité, pour l’éternité, nous ne connaitrons pas l’amour
infini de Dieu.
Il ne faut pas nous juger les uns les autres, il ne faut pas critiquer
les services des uns par rapport aux autres, les capacités des uns par
rapport aux autres. Il faut, au contraire, nous encourager
les uns les autres. Laissons les jugements et les critiques à
l’appréciation du Seigneur : ne restons pas endormis, la bouche
ouverte, mais le cœur ouvert, les mains ouvertes, soyons une offrande à
la création.
Glorifions Jésus pour les siècles des siècles !
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(*) la "cristophine" ou
"christophine" est un légume en forme de poire qui pousse sur une
liane, très prisée en gratin ; elle est sans aucune calorie (sa chair a
le goût de la courgette cuite).
Gérald PRIVE
Diacre permanent - Paroisse Saint Thomas du DIAMANT (Martinique)
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