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33° dimanche ordinaire.


Intendants fidèles de la Création ?

Imaginons que le Dieu créateur, celui qui dans le Livre de la Genèse s'arrête à la fin de chaque jour pour regrarder son oeuvre, et voir que cela était bon... et même très bon, au soir du 6ème jour, quand il a créé l'homme et la femme... imaginons donc que ce Dieu, notre Dieu, vienne au soir de ce long 7ème jour qu'il nous a laissé pour remplir et dominer la terre, et qu'il nous demande compte de ce que nous avons fait de l'oeuvre qu'il nous a confiée. Que pourrait répondre l'homme, aujourd'hui ?  « Seigneur, tu m'as confié cinq talents ; voilà, j'en ai gagné... » Difficile de compléter la réponse...
Nous avons pu longtemps nous émerveiller sur la beauté de la Création, avec  les paroles d'un François d'Assise, le saint Patron des écologistes.... et sur le travail fait par l'homme pour dominer cette Création : les progrès de la science, de la technique, et de la civilisation. Mais aujourd'hui, nous connaisssons  tous les risques auxquels nous ont conduit les excès de notre société ; nous prenons conscience des limites de notre planète, et des menaces qui pèsent sur  son équilibre, et la survie même de la Création. Nos média font largement écho à ces préoccupations, et nos politiques commencent à s'en saisir avec un peu de sérieux. Ce qui s'est partagé ce WE, dans cette église, est un bon exemple de la prise de conscience en train de s'opérer très largement dans l'opinion publique. Il est heureux que les chrétiens ne soient pas absents de ce chantier, vital pour l'avenir de notre monde.  Ils ont à s'y engager, comme citoyens de ce monde où se construit déjà le Royaume de Dieu, et comme témoinsde ce Royaume qui n'adviendra qu'à la venue du Seigneur.
Comment peut-on résumer la spécificité de l'engagement des chrétiens sur ce terrain des enjeux écologiques et environnementaux ? J'essaierai de le faire en 3 points.
D'abord, c'est un engagement qui ne date pas d'hier. La pensée de l'Eglise a accompagné la prise de conscience progressive par l'homme, dans le dernier tiers du 20ème siècle, de la gravité des enjeux écologiques, avec l'affirmation très nette  dès 1971que « Toute atteinte à la Création est un affront au Créateur ». C'est Jean-Paul II surtout, tout au long de son pontificat, qui joindra sa grande voix à d'autres pour alerter ses frères, et à travers eux les responsables politiques et l'humanité toute entière, des risques que font peser sur la Création la destruction insensée du milieu naturel (message pour le 1er janvier 1989). Beaucoup de chrétiens dès cette époque se sont d'ailleurs engagés dans des mouvements écologiques. Je parle volontairement de chrétiens, et non de catholiques, car nos frères protestants et orthodoxes nous ont  souvent devancés sur ces terrains d'action, et les prises de parole ont ensuite été largement oecuméniques. Des mouvements d'église se sont saisis de ces préoccupations, comme le CCFD ou Pax Christi, en France. Benoît XVI veut en faire une des priorités de son pontificat, et une encyclique sociale est annoncée depuis plusieurs mois, qui devrait se saisir notamment de cette question. Donc, contrairement à une idée qui circule parfois, les cathos ne se sont pas désinteressés du terrain écologique. Ils s'y sont engagés, encouragés par le Magistère romain et les évêques, aux côtés de leurs frères en humanité. Mais ils s'y sont engagés à leur façon, avec leur sensibilité propre.
En effet, et ce sera mon second point, l'engagement des cathos a toujours voulu lier questions écologiques et questions humaines. C'est Jean-Paul II qui a le mieux résumé ce positionnement, en parlant d'une écologie humaine. Autrement dit, défendre la nature, c'est aussi défendre l'homme, et le combat écologique ne doit pas être dissocié du combat pour la justice sociale. Même si, comme l'a déclaré Mgr Barbarin : «  Le combat écologique est plus difficile que le combat social car on s’y bat contre tous, à commencer par soi. »
Cette remarque de l'archevêque de Lyon nous conduit à mon troisième point:  pour l'Eglise, la racine de la crise écologique est à rechercher dans ce que Jean-Paul II appelait «  une erreur anthropologique », une mauvaise conception de l'homme. La crise écologique est le signe d'une crise profondément morale, liée aux manquements au respect de la vie et de la dignité de la personne humaine, touchant finalement à tous nos comportements individuels et collectifs. On pourrait ajouter aujourd'hui que la crise financière est un symptôme supplémentaire de cette grave crise morale de notre société, qui place comme valeur suprême la rentabilité financière à court terme, au détriment de tout le reste, homme et nature compris.
Alors, pour terminer, que pouvons nous faire ?
D'abord, ne cédons au désespoir et au catastrophisme ambiants. « Il n’est pas trop tard. Le monde créé par Dieu possède d’ incroyables pouvoirs de guérison. En une seule génération, nous pourrions guider la terre vers l’avenir de nos enfants. » déclaraient Jean-Paul II et le patriarche  Bartholomaios I en 2002. Et 5 ans après,  Benoît XVI : «  Avant qu’il ne soit trop tard, nous devons faire des choix courageux qui recréeront une alliance forte entre l’homme et la Terre. »
Ensuite, n ous convertir.
Convertir nos coeurs pour modifier notre rapport à la nature et à nos frères.
Convertir nos comportements, pour inventer un nouveau style de vie, une nouvelle façon d'être présents au monde, davantage tournés vers l'être que vers l'avoir, vers plus d'être que plus d'avoir... « Chacun est appelé à repenser fondamentalement ses habitudes de vie, qu’il s’agisse de nourriture –frugalité, modération– des moyens de transport, des achats de biens d’équipement… » écrivaient les évêques de France en 2000. Résonnace étonnante avec St Paul aux Thessaloniciens: «  Alors, ne restons pas endormis comme les autres, mais soyons vigilants et restons sobres. »
Jean-Claude PIERRE nous donnera tout à l'heure/nous a donné hier soir et ce matin des exemples très intéressants de toutes ces initiatives qui montrent qu'au niveau individuel, comme au niveau de  la société civile et politique, des progrès sont possibles.. A nous de les mettre en pratique, de les faire connaître, de les soutenir, chaque fois que nous le pouvons, comme citoyens et comme chrétiens. A nous de travailler à la construction d'une société qui mette en priorité, de façon conjointe, la solidarité écologique et la solidarité économique et sociale... N'oublions pas que c'est aujourd'hui la journée nationale du Secours Catholique !
Devenons ainsi des intendants fidèles, qui cessent  de dominer la nature en maîtres tyranniques et destructeurs, mais se comportent en aménageurs, en ménageurs, en co-créateurs... non pas seulement des gardiens d'une réserve naturelle à remettre à Dieu en son état initial au soir du 7ème jour - c'est finalement l'option du 3ème intendant, celui qui n'a pas su faire confiance à son Maître - mais bien en acteurs conscients et responsables d'une Création que Dieu nous a confiée pour l'achever.
A chacun de nous de se mettre vite à la tâche, dans sa vie concrète et comme acteur économique et social, pour que Dieu puisse dire à notre humanité, au soir du 7ème jour : « Très bien, serviteur bon et fidèle... entre dans la joie de ton maître. »               
AMEN

Loïc LAINÉ, diacre permanent.

A l'occasion de la Matinée pour Dieu: Quelle terre voulons-nous laisser à nos enfants?
Orvault, 15/16 novembre 2008

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