31° dimanche ordinaire.
Voilà
une série de textes qui ne peut pas laisser indifférents. Le prophète
Malachie s’adressant aux prêtres d’Israël : « Je maudirai les
bénédictions que vous prononcerez. Vous vous êtes écartés de la route…
» Puis Jésus dans l’évangile de Matthieu dresse un portrait au vitriole
des scribes et des pharisiens qui disent de belles paroles, rappellent
des règles de conduite pour le peuple mais ne les appliquent pas
eux-mêmes.
Comme toujours, prenons garde de ne pas nous laisser aveugler par ses
reproches faits aux prêtres, aux notables, aux savants de son époque,
en pensant que nous qui ne sommes ni prêtre, ni notable, ni savant,
nous ne serions pas concernés. Le début de ce passage nous rappelle que
Jésus s’adresse « aux foules et à ses disciples », c’est-à-dire à tout
le monde en général (les foules) et à ceux qui le suivent en
particulier (ses disciples). Et à la fin de ce passage, après
l’énumération de toutes les mauvaises conduites des pharisiens et des
scribes, Jésus termine par une série de recommandations, non-pas aux
pharisiens et aux scribes, mais à tous, c’est-à-dire à chacun de nous :
« Pour vous, ne vous faites pas donner le titre de rabbi, etc… »
Quelles sont donc ces recommandations ? Quels sont ces « pièges à
éviter », pour parler comme Marie-Noëlle Thabut dans l’analyse qu’elle
fait de ce passage ?
Premier piège : « ils disent et ne font pas ». La moindre des choses
est de pratiquer ce que l’on enseigne ; de se mettre en cohérence avec
ses idées. Comment faire confiance à une personne qui énonce des
théories, qui nous confie une opinion, qui nous parle de sa foi ou de
ses convictions, si ce qu’elle pratique ne correspond pas à ce qu’elle
dit ? On peut penser bien-sûr aux politiques, mais aussi à nous-mêmes,
quand nous avons à rendre compte de notre foi, ou simplement à exprimer
une opinion. Pratiquons-nous ce que nous professons ?
Deuxième piège : « Ils attachent de pesants fardeaux, difficiles à
porter, et ils en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne
veulent pas les remuer du doigt. » ici, Jésus nous met en garde devant
cette tentation de pratiquer l’autorité comme une domination et non
comme un service. Mais l’autorité n’est pas réservée à ceux qui ont
autorité sur nous : nos supérieurs hiérarchiques, les politiques, les
magistrat, les prêtres…
En réalité, si on y regarde bien, chacun de nous
peut avoir l’occasion d’exercer une autorité, même ponctuelle, dans nos
relations quotidiennes, avec nos collègues, nos amis, nos enfants et
petits-enfants… Considérons-nous que ce qui nous donne une certaine
autorité est une chance pour nous mettre au service des autres, ou une
aubaine pour les dominer ? L’autorité que nous avons reçue est-elle un
droit, ou bien nous oblige-t-elle à des devoirs ?
Le troisième piège, c’est celui de vouloir paraître : « Toutes leurs
actions, ils les font pour être remarqués des gens : ils élargissent
leurs phylactères et rallongent leurs franges… ». Dans notre société de
l’apparence, du paraître, il nous est difficile d’échapper à cette
tentation de donner une certaine image de soi, quitte parfois à se
cacher derrière un masque, pour ne laisser voir que ce qui peut plaire,
ce qui est à la mode. Ce travers peut aussi s’appliquer à ce que nous
disons, parfois même en contradiction avec ce que nous pensons, pour ne
pas paraître en décalage avec la bien-pensance du moment, avec la «
pensée unique » et le « politiquement correct » que les médias ne
cessent de distiller à travers leurs façons de traiter l’information.
Il y a enfin un quatrième piège que Jésus nous demande d’éviter : se
croire important, avoir le goût des honneurs : « ils aiment les places
d’honneur dans les dîners, les sièges d’honneur dans les synagogues et
les salutations sur les places publiques ; ils aiment recevoir des gens
le titre de Rabbi. » Se croire important permet de compenser la
tendance de notre société à vouloir tout niveler, à vouloir rendre tout
égal à tout prix. Tout et n’importe quoi, d’ailleurs. Mais ce besoin
légitime de se distinguer par le haut, de s’extirper de la masse
uniforme, peut nous amener parfois à adopter des comportements
dérisoires, et les réseaux sociaux, par exemple, peuvent servir de
support à ces dérives.
Pour autant, Jésus ne condamne pas les titres, les grades, les
décorations et autres récompenses. Il nous met simplement en garde de
ne pas confondre la personne et le titre qu’elle porte. Jésus ne dit
pas du mal des titres de Rabbi ou de maître, mais souhaite nous faire
comprendre que ce n’est pas la personne qui porte ce titre qui compte,
mais les valeurs que représente ce titre. Nous n’avons pas à en tirer
une gloire personnelle, mais à peser tout le poids de responsabilité
que cela implique.
Finalement, ce qui ressort de la lecture de tous les textes
d’aujourd’hui, c’est un éloge de l’humilité, une invitation à
l’humilité.
Le prophète Malachie nous remet à notre place, en nous rappelant que
nous n’avons qu’un seul et même père. L’oublier, c’est profaner
l’alliance que Dieu a conclue avec l’humanité, nous dit-il.
Le psaume 130 ensuite, avec cette magnifique image du petit enfant
contre sa mère, nous recommande tendrement de tenir notre âme « égale
et silencieuse », dans la plus grande humilité : « Seigneur, je n’ai
pas le cœur fier ni le regard ambitieux ; je ne poursuis ni grands
desseins,
ni merveilles qui me dépassent. Non, mais je tiens mon âme égale et
silencieuse ; mon âme est en moi comme un enfant, comme un petit enfant
contre sa mère. »
St Paul à son tour, dans la deuxième lecture, reprend cette image
maternelle d’affection et de douceur : « nous avons été pleins de
douceur avec vous, comme une mère qui entoure de soins ses nourrissons.
»
Et enfin Jésus conclue son message par cette invitation à rester humble
: « Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Qui s’élèvera sera
abaissé, qui s’abaissera sera élevé. »
Il ne s’agit pas ici de s’abaisser par principe, ni par plaisir, ni
même pour obtenir une récompense. Mais il s’agit de se rendre compte
des bienfaits de l’humilité, qui nous place en vérité vis-à-vis de
nous-mêmes, qui nous remet à notre place de fils de Dieu, de frère de
tous et de serviteur de nos frères.
L’humilité ne nous écrase pas ; au contraire, parvenir à l’humilité nous grandit.
Amen.
Daniel BICHET, diacre permanent
Clisson et St Hilaire de Clisson
5 novembre 2017
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