2° dimanche de Pâques.
Ac 2, 42-47 ; 1P 1, 3-9 ; Jn 20, 19-31
Sacré
Thomas ! Pour nous, chrétiens d’aujourd’hui, il occupe une place
bien à part dans l’équipe des apôtres. Parmi les Douze, il y a d’un
côté les « stars », les incontournables, ceux dont les noms
nous viennent en premier : Pierre, Jacques et Jean. De l’autre
côté, il y a les obscurs, ceux dont on n’a aucune trace. Que sait-on de
Jude ? de Nathanaël, appelé aussi Barthélémy ? de Simon le
Zélote ? de l’autre Jacques, le fils d’Alphée ? Et au milieu,
pourrait-on dire, il y a ces apôtres dont les évangiles nous donnent
quelques rares éléments de la personnalité. Thomas est un de ceux-là.
Sacré
Thomas ! Il est vraiment à part ! D’ailleurs, c’est justement
le sens du mot « sacré » : « à part »,
« séparé du reste, de l’ordinaire ». Comme le dimanche est un
jour sacré, à part, pas comme les autres jours. Thomas est un disciple
à part, et il est perçu comme celui des 12 qui nous ressemble le
plus : « Moi, je suis comme Saint Thomas, je ne crois que ce
que je vois », entend-on parfois. Aujourd’hui, dans notre société
occidentale cartésienne, on a besoin de preuves, de concret :
voir, toucher, sentir, ressentir… Tout ce qui n’est pas visible est
suspect. Ce qui n’est pas perceptible par au moins l’un de nos 5 sens
ne peut être pris au sérieux. Du reste, le centre d’imagerie médicale
et de radiologie de Clisson ne s’appelle-t-il pas « centre St
Thomas » ? ce nom suggère que, pour comprendre notre mal,
pour nous forger une certitude sur la maladie qui nous fait souffrir,
nous avons besoin de voir quelque chose ; d’avoir, en quelque
sorte, des preuves. Voir pour comprendre, voir pour croire.
Mais, si
l’on s’y arrête un peu plus longuement, cette histoire de Thomas peut
nous conduire beaucoup plus loin, bien au-delà d’un simple épisode,
d’une péripétie de l’évangile. « Si je ne vois pas dans ses mains
la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l’endroit des clous,
si je ne mets pas ma main dans son côté, non, je n’y croirai
pas ! » Ce doute qu’exprime Thomas est bien légitime,
pourrait-on dire. Mettons-nous à sa place ! ce qu’on lui raconte
est tout de même bien extraordinaire, in-croyable ! Jésus, le
maître que Thomas a vu mort sur une croix, et mis au tombeau, il serait
à présent vivant ? Comment peut-on croire une chose
pareille ? Beaucoup de nos contemporains ont la même attitude
vis-à-vis de la résurrection de Jésus. C’est pour cette raison que
Thomas apparaît comme le modèle de l’incroyance, de la non-foi. Parce
que la Résurrection dépasse notre compréhension. C’est humainement
impossible. Mais on confond alors croire et comprendre. Personne ne
comprend la résurrection. Pourtant beaucoup y croient, et parmi eux,
bon nombre de scientifiques, de philosophes, de gens très intelligents,
mais aussi des personnes sans instruction. Parce que croire ne
nécessite pas de comprendre, ni de voir, d’avoir des preuves
matérielles. St Paul, dans la seconde lecture, nous parlait de Jésus en
ces termes : « lui que vous aimez sans l’avoir vu, en qui
vous croyez sans le voir encore ». Du reste, qu’ai-je besoin de
croire, si je vois ? cet objet devant moi, je le vois. Je n’ai pas
besoin d’y croire, puisque je le vois, et nous le voyons tous. Non
seulement voir n’aide pas à croire, mais il en dispense. Non, la foi,
croire, n’est pas liée à ce que l’on voit, ni à ce que l’on comprend.
Un petit enfant comprend-il l’amour de sa mère ? Certainement pas.
Et pourtant, il y croit !
Croire, avoir la foi… Le mot
« foi » a la même racine que les mots confiance, fiancé.
Croire, c’est faire confiance. Des fiancés se promettent l’un à l’autre
dans la confiance. Et chacun d’eux croit en l’autre. Le petit enfant
croit en l’amour de sa mère uniquement parce qu’il lui fait confiance.
La confiance, c’est le carburant de l’homme. On marche tous à la
confiance. Notre condition humaine est ainsi faite que nous ne pouvons
faire autrement. Nous ne comprenons pas tout, nous ne savons pas tout.
Nous sommes obligés de faire confiance à d’autres, à la vie. Nos
premiers pas, nous les avons fait en nous jetant dans les bras d’un
papa, d’une maman. Cette prise de risque n’est possible que dans la
confiance. Ce n’est pas parce que l’enfant comprend comment il marche,
qu’il peut effectivement marcher, mais bien parce qu’il a confiance. Eh
bien, la foi, c’est du même ordre. Nous croyons non pas parce que nous
avons vu, mais parce que nous faisons confiance à ceux qui nous l’ont
dit. Ainsi en est-il de tous les croyants du monde et de tous les
temps. Aucun d’eux n’a jamais vu Jésus, mais tous fondent leur foi sur
ce que d’autres leur ont dit. Ces Chrétiens des premiers jours dont
nous parlait la première lecture, on nous dit qu’ils « étaient
fidèles à écouter l’enseignement des apôtres. » On le voit, la foi
se base d’abord sur la confiance en une parole, écoutée fidèlement dans
une pratique régulière. Or, nous le savons bien, la pratique religieuse
dans notre pays aujourd’hui est en baisse. Mais n’y a-t-il pas là,
justement, une similitude avec l’attitude de Thomas dans l’évangile
d’aujourd’hui ? Le passage commence ainsi : « C’était
après la mort de Jésus, le soir du premier jour de la semaine ».
Le premier jour de la semaine, c’est-à-dire le dimanche. La communauté
des disciples est réunie, c’est dimanche, et Jésus vient à eux : St
Jean veut, à l’évidence, nous parler de la messe ! Or, ce jour-là,
Thomas n’est pas parmi la communauté, il ne peut donc pas rencontrer le
Seigneur. Il n’est pas dans la démarche de confiance. Et donc il ne
peut pas croire. Non seulement il ne croit pas, mais en plus il met en
doute la parole des apôtres, il ne leur fait pas confiance. Comme,
aujourd’hui, beaucoup de ceux qui sont en-dehors de l’Eglise ne croient
pas et mettent en doute sa parole. Parce qu’ils n’ont pas fait cette
rencontre. Parce qu’ils ne se donnent pas les moyens de cette
rencontre. Mais, le dimanche suivant – l’évangile nous dit « huit
jours plus tard » – Thomas cette fois-ci est bien là. Il est dans
la communauté. Il peut alors faire cette rencontre extraordinaire avec
son Seigneur ressuscité. Et d’incroyant qu’il était, il devient tout
d’un coup croyant, grâce à cette rencontre. Il devient même le premier
homme à reconnaître la divinité de Jésus en s’écriant : « mon
Seigneur et mon Dieu ! ». Avant lui, Pierre avait reconnu en
Jésus « le messie, le fils du Dieu vivant », et le centurion
romain « cet homme était vraiment le fils de Dieu ». Mais
Thomas, lui, voit en Jésus pas seulement le Fils, mais Dieu lui-même.
De plus, il aurait pu se contenter de dire « Je le crois à
présent, tu es le Seigneur Dieu ! » . Mais non, il va
beaucoup plus loin : il s’implique dans une relation, dans une
intimité avec Dieu : « Mon Seigneur et mon
Dieu ! ». Quelle profession de foi ! Quel
retournement !
Ce Thomas, si sympathique parce qu’il nous
semble à notre portée lorsqu’il doute, nous paraît-il si semblable à
nous-mêmes lorsqu’il dit sa foi avec une telle force ? sommes-nous
capables, comme lui, d’une telle profession de foi ? Avons-nous
suffisamment conscience de cette intimité, de la Présence de Dieu en
chacun de nous, d’une manière si personnelle, pour nous écrier avec
Thomas « Mon Seigneur et mon Dieu ! » ?
Oui, tout de même, sacré Thomas !
Amen !
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