28° dimanche du Temps Ordinaire.
Deux paraboles en une !
Saint Mathieu a rapproché dans un même récit deux paraboles très
différentes que Jésus a racontées à des moments différents, et pour
délivrer un message différent. Il y a l’histoire de ce banquet avec ses
invités qui n’en sont pas dignes, et finalement ce sont les pauvres qui
prennent place autour de la table. St Luc aussi la raconte dans son
évangile. Et il y a l’histoire de cet homme qui n’a pas le vêtement de
noces. Autre parabole, autre message...
De même que St Mathieu fait du « 2 en 1 » dans son récit, de même
l’Église nous propose d’entendre aujourd’hui dans la liturgie de ce
28ème dimanche, non pas deux, mais quatre textes où il est plus ou
moins question d’un banquet, ou en tout cas des plaisirs de la bouche :
le livre du prophète Isaïe avec ses « viandes grasses et ses vins
capiteux » ; le psaume 22 avec sa « coupe débordante » ; la lettre aux
Philippiens où St Paul nous apprend qu’il a été formé « à être rassasié
et à souffrir la faim » ; et enfin l’évangile avec ce banquet de noces.
Quatre textes qui parlent d’abondance, mais qui, en réalité, nous
parlent du salut, de l’amour de Dieu pour nous. Et ce salut dans la
Bible prend souvent la forme d’un repas, d’un bon repas, un repas
plantureux : un banquet. Plus précisément, un banquet de noces. Les
noces du fils du roi, comme dans la parabole. Comprenons : l’alliance
du fils de Dieu, le Christ, avec l’humanité tout entière, qui est
célébrée dans un banquet où chacun de nous est invité.
Ce qui ressort à l’écoute de ces différents textes, c’est la
bienveillance de Dieu envers les gens simples, les petits, les faibles,
les pauvres.
Car si, comme le dit Isaïe, « le Seigneur préparera sur la montagne un
festin pour tous les peuples », Jésus nous fait bien comprendre que
finalement, ce sont les gens simples qui en seront les bénéficiaires. «
Les mauvais comme les bons », précise-t-il. Les personnes trouvées sur
les chemins par les serviteurs du roi ne sont, a priori, pas pire ni
meilleures que les premiers invités. La bonté ou la méchanceté ne
semble pas être un critère pour discerner qui est digne d’être invité
ou non, d’être sauvé ou de ne pas l’être. Le critère qui semble
déterminant, c’est plutôt celui de la disponibilité.
Les premiers invités n’ont pas daigné honorer l’invitation, et « s’en
allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce ». Pas disponibles.
Ils ont mieux à faire. C’est leur seul problème. C’est simplement ce
manque de disponibilité qui fait dire au roi que les invités au repas
des noces de son fils n’en sont pas dignes.
Et du coup, il invite tout le monde ! les premiers venus, donc n’importe qui, « les mauvais comme les bons ».
Ce n’est pas à ses disciples que Jésus raconte cette parabole, mais «
aux grands prêtres et aux pharisiens ». Ces personnages importants,
religieux, comprennent bien que les premiers invités, ce sont eux, les
membres du peuple d’Israël pour qui le repas a été préparé. Ce sont
eux, les notables, les gens respectables, ceux qui croient que leur
statut suffit à les rendre dignes du Salut de Dieu. Alors quand Jésus
continue son récit avec la colère du roi et le remplacement des invités
par des gens ordinaires, ils sont furieux, évidemment ! Mettons-nous à
leur place !
Eh bien justement, à leur place, nous y sommes ! c’est aussi à nous,
aujourd’hui, ici dans notre paroisse Ste marie du Val de Sèvre, que
cette parabole s’adresse. Nous aussi, nous pourrions nous croire déjà
sauvés, automatiquement, du fait que nous sommes croyants, et même
pratiquants ; du fait que nous sommes, en quelque sorte, des proches du
Christ, comme l’étaient les invités du roi. Et puis, nous sommes
d’honnêtes gens, nous cherchons à suivre le Christ, à faire sa volonté,
ça nous demande même parfois de gros efforts… Que dirions-nous si on
nous disait que les incroyants, ou même les délinquants, les criminels,
nous remplaceront dans le banquet du Royaume ?
Oui, elle doit nous interpeler nous aussi, cette parabole. Mais il ne
faudrait pas l’interpréter de manière trop littérale. En réalité, à
travers cette parabole, Jésus veut nous alerter sur le regard que nous
portons, sur nous-mêmes et sur les autres. Plus largement, il nous
rappelle que nous ne sommes pas meilleurs que les autres. Il interroge
notre humilité et notre attitude vis-à-vis de ceux que nous ne voyons
pas, qui sont loin de nous pour toutes sortes de raisons. Ceux que nous
ignorons, qui sont nos frères et nos sœurs en humanité et qui ne savent
pas qu’ils sont, eux aussi, les invités du roi. Ils ne connaissent même
pas le roi ! Ils sont « en dehors », « aux croisées des chemins »,
comme dans la parabole. C’est à nous de les inviter, de leur faire
découvrir qu’ils sont dignes d’être invités, qu’ils sont aimés de Dieu.
Ça s’appelle l’évangélisation.
Cette interpellation que Jésus adressait il y a deux mille ans, elle
retentit encore aujourd’hui, en perticulier par la parole du pape
François.
Vous le savez, il a écrit en 2015 cette fameuse encyclique « Laudato
Si’ » que l’on a peut-être trop qualifiée de simplement « écologique ».
Mais en réalité, il y écrivait déjà que l’écologie intégrale n’est pas
qu’une affaire de jolies fleurs et de petits oiseaux, d’une planète à
protéger, d’un environnement à préserver, mais qu’elle concerne et
inclut toute personne humaine, et donc qu’elle nécessite de porter un
soin tout particulier aux pauvres, aux exclus et aux laissés pour
compte de nos sociétés.
Peut-être de peur de ne pas avoir été bien compris sur ce point, il
insiste puissamment en publiant ces jours-ci une nouvelle encyclique «
Fratelli tutti », « tous frères ». Le titre cette fois-ci ne laisse pas
de place au doute : nous sommes tous frères !
Alors, frères et sœurs, regardons autour de nous, au loin mais aussi à
notre porte. Sortons de nos églises, de nos maisons, de notre zone de
confort, peut-être de nos suffisances, et allons sur les chemins
annoncer le Salut de Dieu pour tous les hommes ; portons-leur, de la
part du Père plein de bonté, ce carton d’invitation à la table des
noces de son Fils.
Le Projet Paroissial Missionnaire qui prend forme petit à petit peut
être une belle opportunité pour nous mettre en route. Saisissons-la,
regardons comment nous pouvons nous y intégrer, chacun avec ce qu’il
est, et vivons ensemble cette fraternité dont l’Évangile nous rappelle
l’urgence.
Alors, comme dans la parabole, « la salle de noces sera remplie de convives ».
Amen !
Daniel BICHET, diacre permanent
11 octobre 2020
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