25° dimanche du Temps Ordinaire.
« Mes pensées ne sont pas vos pensées
», déclare le Seigneur par la voix du prophète Isaïe. Nous en avons une
superbe illustration par la parabole qui nous est proposée dans
l'Evangile, cette histoire de patron qui a une drôle de façon de gérer
son personnel : le même salaire pour tous, quelque soit la durée du
travail accompli... C'est pas juste, à nos vues humaines. On peut
comprendre la colère du délégué syndical qui vient protester, au nom de
tous les ouvriers qui ont supporté le poids d'une longue journée de
travail dans la vigne... Mais la justice de Dieu n'est pas
calculatrice, comme la nôtre; c'est une justice amoureuse. A travers
cette parabole, Jésus, comme il le fait souvent, cherche à
provoquer ses auditeurs pour déstabiliser nos logiques trop humaines,
et déplacer notre regard sur Dieu, sur nous-mêmes, et sur nos frères.
Je vous propose 3 lectures possibles de cette parabole, qui ne
s'excluent d'ailleurs pas l'une l'autre, mais au contraire, se
complètent.
La première lecture, d'ordre économique et social. « Mon ami, je ne te fais aucun tort.»
Bien sûr, cette parabole n'est pas une leçon de gestion des
ressources humaines. Pourtant, regardons l'attitude de ce Maître de la
vigne, qui n'est autre que Dieu, lui-même : il respecte le contrat
signé avec ses ouvriers, mais il tient compte d'abord du besoin de
chacun pour rémunérer ses salariés. Il y a là d'évidence quelque chose
à méditer pour notre société. Nous la savons en crise profonde. Notre
monde est malade : il souffre d'un appétit exacerbé et dévorant, qui
nous pousse à vouloir toujours plus, comme si nos désirs étaient
insatiables. D'où cette aggravation des inégalités, et cette
priorité absolue donnée au toujours plus : plus d'argent, plus de
consommation, plus de relations, plus d'heures travaillées jusqu'à s'en
abrutir,... au point parfois même d'accuser ceux qui ne peuvent pas
suivre, et qui sont laissés sur le bord du chemin, de ne pas faire les
efforts nécessaires pour mériter l'aide que la société consent à leur
donner pour qu'ils puissent survivre... « Pourquoi êtes vous restés là, toute la journée, sans rien faire ? Parce que personne ne nous a embauchés.»
Acceptons de déplacer notre regard, et de ne pas considérer d'abord les
mérites de chacun, mais comme le fait le Maître de la vigne, de
regarder quel est notre besoin, et quel est celui de nos frères...
notre société ne s'en porterait pas plus mal, et pourrait peut-être
inventer des chemins nouveaux pour sortir d'une crise qui paraît
n'offrir à beaucoup que des horizons bien sombres !
La seconde lecture, d'ordre ecclésial et pastoral. « Allez, vous aussi, à ma vigne, et je vous donnerai ce qui est juste.»
Nous sommes en période de rentrée, et l'Eglise appelle, comme chaque
année. Nous avons besoin d'ouvriers pour travailler à cette vigne
qu'est notre paroisse... Certains parmi nous sont déjà embauchés depuis
longtemps dans la catéchèse, la préparation des liturgies, l'accueil,
l'accompagnement des malades, l'EAP, et tous les autres services
nécessaires à la vie de notre paroisse. Nous faisons tous tout ce que
nous pouvons, de notre mieux. Parfois nous sommes usés, fatigués...
D'autres ont entendu l'appel plus tard, parfois très récemment, et sont
prêts à s'y mettre avec enthousiasme, mais aussi avec un peu
d'hésitation, n'osant pas encore se lancer... Les ouvriers déjà
au travail dans la vigne sont heureux, bien sûr, d'accueillir ces
nouveaux collègues; mais sommes-nous vraiment prêts à leur faire de la
place, à nous laisser bousculer par des façons de faire différentes,
qui peuvent nous agacer, nous déranger ? N'avons-nous pas parfois envie
de dire nous aussi : « ces derniers venus n'ont fait qu'une heure, et tu les traites comme nous, qui avons enduré le poids du jour et de la chaleur !»
Là aussi, acceptons de déplacer notre regard, de laisser bousculer nos
habitudes et nos façons de faire. Il y a du travail pour chacun, à la
vigne du Seigneur... et pas un travail en chacun pour soi, mais bien
tous ensemble, en communauté, pour Dieu, pour l'Eglise, et pour nos
frères!
La troisième lecture, d'ordre plus spirituel, sur notre rapport à Dieu, notre chemin de foi. « Le Maître sortit de nouveau vers midi, puis vers 3 heures, et encore vers 5 heures.»
Elle devrait nous réjouir, cette parabole ! Car à travers l'image du
Maître de la vigne, elle nous redit l'amour inlassable de Dieu pour
l'homme, de ce Dieu qui ne cesse de venir nous appeler, à toute heure
du jour, à tout âge de notre vie, pour nous inviter à l'aimer et à le
suivre. En plus, soyons vraiment honnêtes avec Dieu, et avec nous-mêmes
: ne sommes nous pas tous, finalement, des ouvriers de la onzième heure
? C'est lorsque nous l'oublions que notre regard devient mauvais. « Vas-tu regarder avec un oeil mauvais parce que moi, je suis bon ? »
Accepte-donc de déplacer ton regard sur Dieu... et aussi sur toi-même.
Cherche le Seigneur, tant qu'il se laisse trouver... il te tend la
main, il t'appelle, inlassablement, chaque jour de ta vie. Reviens vers
le Seigneur, Sa bonté est pour tous. Le Seigneur est tendresse et
pitié, lent à la colère et plein d'amour.
Ainsi nous pourrons de mettre en pratique ce conseil exigeant que nous donne l'Apôtre Paul : « Quant à vous, menez une vie digne de l'Evangile du Christ.»
Amen
Loïc LAINÉ, diacre permanent.
Sommaire année A
Accueil