25° dimanche du Temps Ordinaire.
Chers frères et sœurs dans le Christ,
A première vue, l’évangile d’aujourd’hui peut être
déroutant voire choquant pour nous. A première lecture, il met à mal
notre sens aigu de la justice. Je voudrai méditer avec vous cet
évangile provoquant. C’est une des paraboles où Jésus compare le
Royaume des Cieux à une vigne. C’est une parabole de saison. Plusieurs
parmi vous ont sans doute déjà participé à des vendanges, devenant à
cette occasion des saisonniers dans nos vignobles alsaciens.
Je voudrai évoquer d’abord une petite anecdote dont
j’ai été le témoin il y a bien des années. J’avais participé aux
vendanges à Andlau dans les vignes que possédaient les frères de
Matzenheim et à l’invitation de mon frère Gabriel, religieux. Nous
étions quelques familles à y participer. Les uns coupant les grappes
avec les sécateurs, d’autres portant les hottes pleines de raisins
coupés pour les vider dans une benne. Nous étions tous là de bonne
heure le matin. Sauf le frère du frère économe, Alphonse, qui
était alors curé de Duppigheim. Il arrivait ostensiblement à l’heure de
l’apéritif au moment de se mettre à table pour le copieux repas
de midi, prétextant ou d’une messe ou d’une heure de catéchisme ou
d’une homélie à préparer. Les mauvaises langues s’étaient alors
indignées disant, en aparté, « Une fois de plus, le curé vient quand le
travail est fini mais profite du repas comme les autres qui sont venus
vendanger tôt ce matin ! »
Il est vrai que notre société fonctionne beaucoup au
mérite. Avec une vision comptable des rapports humains, dans
l’entreprise bien sûr, mais aussi ailleurs. Les chefs d’entreprise, les
DRH, les comptables seraient poursuivis en justice pour non-respect du
code du travail s’ils avaient la même pratique que le maître du
domaine. Les syndicalistes, les salariés seraient sans doute choqués,
scandalisés, criant à l’injustice et iraient au prudhomme. Notre
société est prompte à distribuer des récompenses en ayant bien soin
de comptabiliser les années de service. Que de médailles
fleurissent sur les boutonnières pour exprimer la reconnaissance pour
services rendus ! Nos mentalités sont imprégnées par cette vision avant
tout quantitative.
Or, chers sœurs et frères, Dieu ne fonctionne pas
comme nous au mérite ; L’amour de Dieu est gratuit. Il ne se fractionne
pas au nombre de jours ou d’années passées à son service. Rappelez-vous
l’histoire du bon larron qui durant sa vie a commis nombre de délits,
de larcins. Mais sur la croix, à l’heure de sa mort, il s’est
repenti et a accueilli l’amour de Jésus qui lui a ouvert aussitôt les
portes du paradis. Dieu ne fonctionne pas au mérite mais à la gratuité
de son amour. Il a d’autres critères que nous. Nous ne pouvons mesurer
son amour avec nos instruments de mesure. Isaïe nous le rappelle dans
la 1ère lecture : « Mes pensées ne sont pas vos pensées et mes chemins
ne sont pas vos chemins. ».
Le maître de la vigne passe un contrat oral avec les
ouvriers de la première heure : leur salaire est fixé à un denier
c’est-à-dire une pièce d’argent. Nous comprenons la surprise de ceux-ci
à l’heure du paiement lorsqu’ils ne reçoivent pas plus que les derniers
arrivés ! Notre logique humaine, notre sens de la justice sont
mis à mal. Nos rapports sociaux sont à base de contrat de toutes sortes
: contrats de travail, contrats de mariage, contrats d’assurance,
contrats d’entreprises etc... avec des clauses contraignantes de part
et d’autre. C’est l’exigence même de notre justice qui veut que chacun
soit rétribué selon son travail ! Encore que cette exigence de justice
– malheureusement - ne prévale pas partout !
Le salaire qui vient de Dieu, c’est son inlassable
amour pour tous, quelle que soit notre ancienneté. Un amour qui dépasse
nos conceptions humaines. Avec lui pas besoin de pointer. C’est lui qui
est venu vers nous. C’est lui qui a fait le premier pas. C’est lui qui
a conclu une alliance avec nous. C’est lui qui a fait don de son fils
Jésus. Et c’est ce fils qui a épousé notre condition humaine, par
amour, gratuitement. Son amour de Père va aussi bien aux fils prodigues
qu’aux fils qui ont toujours suivi ses commandements. La seule
contrainte pour nous : ouvrir nos cœurs et nos esprits à son amour pour
que ses pensées deviennent nos pensées. Pour convertir nos vies à son
commandement d’amour. Pour que son Esprit Saint nous inspire les gestes
concrets de la fraternité et du partage.
Dieu nous embauche chacune et chacun pour travailler
dans sa vigne. Il nous engage, via ses ministres, à tout âge de
notre vie. Chacune et chacun avec ses compétences. Chaque service
d’Eglise ou sociétal est précieux aux yeux de Dieu. Son amour
comble aussi bien ceux qui remplissent un grand service de
responsabilité que ceux qui, humblement, rendent de petits services.
Quel que soit notre rang, quelle que soit notre fonction, nous sommes
égaux aux yeux de Dieu. Son amour sans mesure n’a que faire des
diplômes, des étiquettes, des titres ou des richesses. Dans nos
communautés ayons autant d’égards envers les derniers arrivés qu’envers
les anciens. Ayons autant de respect pour les plus petits d’entre nous
que pour les hauts responsables, car comme il est écrit dans
l’évangile de Marc (avec une nuance par rapport au verset de St
Matthieu) : « Beaucoup de premiers seront derniers, et les derniers
seront les premiers ».
Chers sœurs et frères, ouvriers de la première ou de
la onzième heure, ouvrières et ouvriers de tous horizons, enfants du
même Père, suivons le conseil exigeant de Saint Paul dans la seconde
lecture : « ...menez une vie digne de l’Evangile du Christ ». En
répondant positivement à l’appel d’embauche de Dieu, « puissions-nous
être unis à la divinité de Celui qui a pris notre humanité » Notre
conversion permanente à son Evangile vaut signature de « contrat ».
AMEN
Arsène BUCHHOLZER, diacre permanent.
HEILIGENBERG, le 24 septembre 2017
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