24° dimanche du Temps Ordinaire.
Ben Sira 27,30-28,7 ; Rom 14,7-9 ; Mt 18,21-35
Nous vivons aujourd’hui dans un monde de violence…
Violence faite à la nature par une exploitation désordonnée des
ressources naturelles… Violence faite aux animaux dont on ne respecte
plus la vie et le bien-être…
Violence faite aux hommes et au femmes les plus faibles du monde ou de la société…
Bien sûr, nous ne sommes pas directement responsables des cyclones ou des incendies.
Bien sûr nous ne sommes pas directement responsables de la disparition des espèces.
Bien sûr, nous ne sommes pas directement responsables des guerres et des migrations.
Sommes-nous pour autant vraiment innocents ?
Depuis plusieurs semaines, de dimanche en dimanche, nous progressons
dans la lecture de l’évangile de Matthieu. Depuis dimanche dernier,
nous sommes entrés dans la dimension communautaire de ce discours
Aujourd’hui, la Parole de Dieu nous interpelle sur notre capacité à
construire ensemble un monde juste et fraternel. Plus précisément, elle
nous interpelle sur la nécessité et les bienfaits du pardon pour « un
mieux-vivre ensemble ». Nous le savons bien, dans une vie collective,
les dangers les plus fréquents, ce sont les incompréhensions et les
tensions qui faussent les relations, provoquent des violences, parfois
des blessures et des ruptures. C’est souvent vrai au sein des couples,
pourtant fondés au départ sur un amour réciproque. C’est vrai dans de
nombreuses familles, où l’on voit naître des brouilles qui créent des
rancunes parfois tenaces. C’est vrai aussi dans nos églises. Déjà au
temps de Paul qui écrit aux chrétiens de Corinthe : « Puisqu’il y a
entre vous des jalousies et des rivalités… je n’ai pas pu vous parler
comme à des spirituels. » Aujourd’hui, c’est encore sensible dans nos
communautés paroissiales… Chacun prend parti pour Apollos ou pour Paul,
pour Pierre ou pour Jacques… et la zizanie s’installe.
Deux cents ans avant Jésus, Ben Sira nous alerte déjà contre les
dangers de ce qu’il appelle des choses abominables comme la rancune, la
colère ou la vengeance.
Pour nous convaincre de la nécessité de pardonner, il joue sur
plusieurs registres. Il nous met face à nos propres contradictions de
croyants. Je cite : « Si un homme n’a pas de pitié pour son semblable,
comment peut-il supplier Dieu pour ses péchés à lui ? »
Il utilise nos peurs de l’inconnu : celle de notre sort final et de notre mort.
Il brandit même la menace d’une vengeance du Seigneur.
Pourtant, il ne doute pas de l’alliance de Dieu. Pour lui, le pardon du
prochain et la prière de l’homme sont les conditions nécessaires pour
obtenir le pardon de Dieu.
En bon juif, Pierre croyait sans doute à la nécessité du pardon. Mais
il en connaît aussi la difficulté. D’où sa question à Jésus : « Combien
de fois dois-je pardonner ? Jusqu’à sept fois ? » Jésus répond en deux
temps. D’abord « du tac au tac » : « Je ne te dis pas jusqu’à sept
fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois ». Autant dire toujours.
On peut imaginer la stupéfaction de Pierre qui ne s’attendait pas à une
réaction aussi vive. Puis, plus posément, à l’aide d’une parabole,
Jésus complète son enseignement sur le pardon. On peut y entendre au
moins trois éléments essentiels :
- D’abord l’homme n’a pas en soi la capacité de
pardonner. Pour nous, le pardon a quelque chose d’inhumain. La fin de
la parabole nous le rappelle : même pardonné, le serviteur reste
inflexible vis-à-vis d’un de ses compagnons. Il n’a pas su puiser dans
la miséricorde reçue de son roi… ce qui lui aurait permis de pardonner
à son tour. Le pardon est vraiment un des gènes de Dieu, il est un
élément constituant de sa sainteté. Le psaume nous l’a rappelé : « Le
Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour ».
- Ensuite, toujours dans la parabole, c’est le Roi
qui prend l’initiative d’effacer la dette de son serviteur qui le
supplie. Dans une autre parabole que nous connaissons bien, celle du
fils prodigue, c’est le Père qui guette le retour de son fils, et
l’accueille avec tendresse…
- Ce qui peut enfin nous frapper c’est l’énormité du
pardon de Dieu. La somme effacée est colossale. Comme pour les 70 fois
7 fois, les 10 000 talents ne sont qu’un nombre symbolique pour
signifier l’infinie miséricorde de Dieu. Pour Lui, rien n’est
impossible pour celui qui accueille son pardon.
Il serait nécessaire de compléter cet enseignement du Christ, en
cherchant dans les évangiles comment Jésus lui-même nous a montré le
chemin du pardon. Il pardonne ses péchés à un homme paralysé que des
amis avaient amené pour obtenir sa guérison. Il pardonne à une
pécheresse qui se jette à ses pieds. Il pardonne à une femme prise en
flagrant délit d’adultère. Au moment de sa passion, il s’adresse à son
Père en disant : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils
font. » Sur la croix, il ouvre ses bras au bandit crucifié à ses
côtés. Le pardon est tellement fondamental dans la Bonne nouvelle
annoncée par Jésus au monde que, sur ses paroles : « Tout ce que vous
lierez sur la terre sera lié au ciel ; tout ce que vous délierez sur la
terre sera délié au ciel » l’Eglise en a fait le sacrement de
réconciliation, c’est-à-dire le sacrement du pardon reçu. Il nous donne
la force d’accueillir le pardon que Dieu nous donne sans limites et la
force de pardonner à notre tour. Nous retrouvons cette demande de
pardon et notre engagement à pardonner à notre tour avec les mots que
Jésus nous a proposés et que nous reprendrons tout à l’heure : «
Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont
offensés ».
Hubert PLOQUIN, diacre permanent
Le 13 septembre 2020
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