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23° dimanche ordinaire.



23° ordinaire.

« Si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul et montre-lui sa faute ».
Ça n’a l’air de rien, mais ce que nous demande Jésus n’est pas si facile. Lorsqu’une personne a commis un faute qui a des conséquences sur les autres, sur le bon déroulement de la vie sociale, sur la vie familiale, sur la vie tout court, bref quand quelqu’un a commis un péché, que faisons-nous le plus fréquemment ? Il est souvent plus facile de médire de lui, de dénoncer sa mauvaise conduite autour de nous, de le montrer du doigt. Et il faut bien le reconnaître, ça ne fait pas avancer les choses. Ça n’évite pas les conséquences de la faute ; ça ne favorise pas la bonne entente entre les personnes ; ça ne permet pas à l’auteur de la faute d’en prendre conscience, ce qui le prive du désir de vouloir réparer, ou éventuellement de se repentir et de désirer changer. Notre penchant naturel serait plutôt de juger le fautif. Or, Jésus nous dit par ailleurs, dans le même évangile de Matthieu au début du chapitre 7 : « Ne jugez pas afin de n’être pas jugés. Car c'est de la façon dont vous jugez qu'on vous jugera, et c'est la mesure dont vous vous servez pour les autres qui servira de mesure pour vous. » Et il continue avec l’image de la paille et de la poutre : « qu’as-tu à regarder la paille qui est dans l’œil de ton frère ? et la poutre qui est dans ton œil, tu ne la remarques pas ? » Voilà sans doute pourquoi il est si difficile de suivre le précepte de Jésus dans l’évangile d’aujourd’hui. Si je vais parler seul à seul à mon frère qui a péché et que je lui montre sa faute, je risque fort, en retour, de me voir reproché mon propre péché, car je ne suis pas, moi-même, irréprochable. Je suis moi-même pécheur ! Et ce frère pourra sans doute me répliquer en me faisant voir la poutre qui est dans mon œil ! Alors, comment faire ? Car St Paul dans sa lettre aux Romains nous le rappelle aussi aujourd’hui : « tu aimeras ton prochain comme toi-même. L’amour ne fait rien de mal au prochain ». Et il est vrai qu’aller dire à quelqu’un qu’il a commis une faute, ça peut être très mal perçu, en tout cas pas perçu comme un geste d’amour ! le plus souvent, ce sera ressenti comme un jugement. Et pourtant, quel parent, parce qu’il aime son enfant, ne le reprendra pas lorsqu’il a mal agi ? Quel père, quelle mère, ne passera pas un peu de temps avec son enfant pour lui montrer sa faute, pour l’aider à prendre conscience du mal qu’il a pu faire ; pour lui montrer les conséquences de son geste, pour lui expliquer peut-être aussi comment réparer, et comment changer son comportement pour ne plus reproduire cette erreur ? Ce qui est admis et même approuvé de la part d’un père ou d’une mère, dans le cadre de la famille, pourquoi est-ce si mal accepté en-dehors de ce cadre familial ? Peut-être parce qu’on oublie l’importance des mots que Jésus emploie : « Si ton frère a commis un péché… ». Ton frère. Ce n’est pas qu’une façon de parler, qu’un terme général pour désigner les autres. En Dieu, nous sommes frères. Véritablement frères. Si tous, nous pouvons appeler Dieu « notre Père » comme Jésus nous l’a recommandé, c’est bien que nous sommes frères, puisque nous avons le même Père. Et c’est donc bien dans le cadre d’une famille que nous nous situons. Il s’agit bien de correction fraternelle : corriger son frère, c’est autre chose que juger quelqu’un. C’est beaucoup plus fort. La solidarité entre chrétiens, ou plus largement, la solidarité dans la famille humaine, suppose que nous soyons en lien les uns avec les autres. Et si je suis lié à quelqu’un, si ce quelqu’un fait le mal, les conséquences de ce mal vont forcément déborder sur moi. Je ne peux pas en sortir indemne. De proche en proche, ce mal va atteindre également toutes les autres personnes qui me sont liées. Tous mes frères. Il est donc de mon devoir, pas seulement pour me protéger moi-même, mais par esprit de solidarité, de fraternité, de respect pour les autres frères, de montrer son péché à ce frère. Comme le guetteur dont il est question dans la première lecture : « Je fais de toi un guetteur pour la maison d’Israël » Non pas pour moi-même, ou pour surveiller mon prochain afin de le dénoncer dès qu’il fera une faute, mais pour la sauvegarde de la communauté, ce que l’on appelle le bien commun. Je dois rester vigilant, attentif au bien commun, et je dois me donner les moyens de le protéger, y compris en dénonçant le mal lorsqu’il advient, y compris en allant parler à celui qui l’a commis. S’il ne m’écoute pas ? Jésus nous dit : « prends encore avec toi une ou deux personnes afin que toute l’affaire soit réglée… ». Il s’agit donc d’insister ; de revenir à la charge. Je ne peux pas me contenter de dire : « il ne m’écoute pas, tant pis pour lui, c’est son affaire ! ». Non, puisque c’est mon frère, c’est aussi mon affaire, c’est aussi l’affaire de tous. Et je prends à témoin d’autres frères, car « quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux » nous rappelle Jésus. Et si ça ne suffit pas ? « Dis-le à la communauté de l’Eglise ». Alors, l’affaire devient publique. Le péché n’est pas une affaire privée.
L’Eglise, nous le savons, vient de traverser des moments sombres, avec la révélation de tous ces actes pédophiles perpétrés par des membres du clergé. La troisième étape de la démarche de correction fraternelle a fini par s’appliquer, même si ça a pris du temps ; même si les conséquences ont semblé à première vue déstabiliser l’Eglise, en réalité, ces affaires ont permis à l’Eglise de faire la vérité avec elle-même, avec les victimes, avec le monde. Sans aller jusqu’à ces cas extrêmes, et pour ne pas en arriver à ces extrémités, nous avons, nous aussi, à faire cet effort parfois coûteux du guetteur qui voit le mal arriver, et qui est ainsi capable de l’anticiper, ou en tout cas d’en minimiser les conséquences, en allant dire tout de suite sa faute à son frère pécheur.
Enfin, après toutes ces étapes, si finalement il n’écoute pas l’Eglise, « considère-le comme un païen et un publicain ». Qu’est-ce qu’un païen ? C’est quelqu’un qui est en-dehors de la communauté parce qu’il ne connaît pas Dieu. Qu’est-ce qu’un publicain ? C’est quelqu’un qui a choisi un métier qui le place de fait en-dehors de la communauté. Un choix qui l’« ex-communie ». Considérer quelqu’un comme un païen ou un publicain, c’est donc constater que ce frère qui a péché et ne veut pas le reconnaître, ne veut pas changer, se place de fait, volontairement en-dehors de la communauté. Constater n’est pas juger, c’est prendre conscience d’une réalité, d’un fait. C’est parfois douloureux, mais il faut parfois avoir ce courage de la vérité.
Cependant, si ce frère choisit de se situer, par son péché et son obstination, malgré mes démarches, en-dehors de la communauté, malheur à moi si je le méprise ! Malheur à moi si je le rejette ! Il me faut, au contraire, avoir pour lui une grande compassion. Je dois alors le recommander à l’infinie miséricorde de Dieu, car c’est pour les pécheurs comme lui que Jésus est venu jusqu’à nous. Il n’est pas venu pour les gens bien portants, mais pour les malades. Il n’est pas venu pour les justes, mais pour les pécheurs. Et pour sauver les pécheurs, il a besoin de notre correction fraternelle, mais aussi de notre compassion fraternelle.

Amen !

Daniel BICHET, diacre permanent.


4 septembre 2011,
Boussay et Clisson.

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