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21° dimanche ordinaire.

Is 22, 19-23 / Ps 137 / Rm 11, 33-36 / Mt 16, 13-20

« Pour vous qui suis-je ? » Belle question ! Imaginons qu’un jour quelqu’un, même un ami très proche, nous demande : « pour toi, qui suis-je ? » Que répondrions-nous ? Nous serions sans doute très embarrassé. Pas facile de mettre des mots pour dire avec justesse ce qu’est pour nous un ami, un parent... Les mots sont souvent très insuffisants pour exprimer entièrement ce que nous connaissons d’une personne. Car on voudrait y mettre plus que du simple descriptif, et dire aussi quelque chose de la relation particulière que nous avons avec l’autre. D’ailleurs, la question elle-même appelle beaucoup plus que juste un prénom et un nom. Ce n’est pas un simple « qui suis-je ? », une sorte de devinette, mais « pour vous, qui suis-je ? ».
Inversement, imaginons-nous maintenant en train de poser nous-mêmes cette question à quelqu’un qui nous connaît bien : « pour toi, qui suis-je ? » Quelle réponse attendrions-nous ? Si dans les faits, on ne pose jamais cette question à un ami, c’est sans doute parce qu’elle nous paraît superflue, voire déplacée. En général, ça va sans dire, on se connaît tellement... Mais peut-être aussi est-ce parce que cette question est extrêmement risquée. Si on la posait, il nous faudrait assumer la réponse, et elle pourrait ne pas être exactement ce que l’on espérait. La déception, la désillusion, serait alors très grande, surtout de la part de quelqu’un qui nous est cher. C’est donc une question qu’on préfère généralement éviter.
Pourtant, c’est cette question risquée que Jésus pose à ses amis. Mais puisqu’il est un maître en matière de communication, il la pose en deux temps. D’abord, il prépare ses disciples, en parlant de lui-même à la troisième personne, et en transposant la question de manière plus globale : « Le Fils de l'homme, qui est-il, d'après ce que disent les hommes ? ». Ainsi, les disciples n’ont pas à s’impliquer, il leur suffit de rapporter ce qu’ils ont entendu. La réponse attendue ici est objective.
Arrêtons-nous un instant tout de même sur les réponses à cette première question. C’est curieux, les gens ne disent pas de Jésus ce qu’il est, lui : par exemple, le fils de Joseph, ou un prédicateur, ou un homme extraordinaire... Non, tous font référence à un homme du passé : Celui qui vient en premier, c’est bien-sûr le plus récent, celui qui est encore dans les mémoires, qui est mort depuis peu : Jean-Baptiste. En effet, Jésus et Jean-Baptiste ont plusieurs points communs, dans leur façon de prêcher, d’annoncer le royaume.
La seconde réponse, c’est Elie. Pour les juifs de l’époque, Elie, c’est l’archétype du prophète, c’est la référence : « Ze prophète ! ».
Ils vont pourtant citer un autre prophète : Jérémie. Pourquoi Jérémie, et pas Ezechiel, Osée, Amos, Elisée, Daniel ou Isaïe ?
Il se trouve que Jérémie est le seul personnage important de l’Ancien Testament qui soit célibataire. Le célibat était un état très rare, exceptionnel, dans la culture proche-orientale. Or Jésus lui-même devait sans doute interroger par son choix du célibat, qui faisait de lui un homme très à part, comme c’était le cas pour le prophète Jérémie. C’est donc à un Jérémie ressuscité que les juifs vont penser pour dire qui est Jésus.
Mais revenons à la question de Jésus : « Pour vous, qui suis-je ? »

Cette question, nous la posons aussi aux parents qui demandent le baptême pour leur enfant. Lors des soirées de préparation, quand nous abordons le « credo », il est demandé aux parents de dire qui est Jésus pour eux. La plupart du temps, on remarque que ces parents sont un peu embarrassés. Comme ils se sentent généralement assez loin de l’Eglise, et qu’ils pratiquent peu, ils essaient de retrouver dans leurs lointains souvenirs de catéchisme quelle peut bien être « la bonne réponse », celle qu’on aurait apprise un jour au caté. Ils cherchent là aussi une réponse objective. Mais déjà, même cette réponse objective n’est pas si évidente. Même pour nous, d’ailleurs, pratiquants habituels. Comment définir Jésus ? Un homme qui a vécu en Palestine il y a deux mille ans ? Un prédicateur ? Un guérisseur ? Un prophète ? Le fils de Dieu ? Un envoyé de Dieu ? Dieu lui-même ? Une réponse objective à la simple question « qui est Jésus ? » n’est déjà pas si neutre, car elle nous oblige déjà à un acte de foi. Elle nous force à nous dévoiler. Elle dit quelque chose de nous-même, qui nous situe très différemment si nous répondons « un homme qui a vécu en Palestine » ou « le Fils de Dieu ».
Mais la question que pose Jésus à ses disciples, et donc bien-sûr à nous-même aujourd’hui, va encore plus loin : « pour vous, qui suis-je ? » La réponse attendue ici est subjective : « pour vous... ». Jésus ne demande pas une définition de lui-même, mais il pousse ses interlocuteurs à se définir eux-mêmes, à se positionner, à faire un choix, à exprimer où en est leur foi en lui. Non pas en récitant un chapitre du catéchisme, mais, comme pour un ami, en disant quelque chose de la relation qui nous lie à lui. Avec le risque de réduire cette relation à des mots, qui sont toujours pauvres et insuffisants.
A cette question donc, c’est Simon-Pierre qui se risque à une réponse : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ». Et cette réponse de Pierre, qu’on appelle « la profession de foi de Pierre », amène Jésus à son tour à proclamer sa confiance en Pierre, à qui il confie aussitôt la charge de  l’Eglise.  Il lui confie même les clés du royaume, comme le Seigneur l’avait fait en son temps pour Eliakim, comme nous l’avons entendu dans la première lecture, lui signifiant ainsi la responsabilité suprême de diriger son peuple.
Ce qui est valable pour Simon-Pierre vaut  aussi pour nous. La réponse que nous ferons à cette question « pour vous, qui suis-je ? » nous engage personnellement et collectivement. Selon notre réponse, Dieu nous confiera ce que nous serons capable de porter. Jamais plus.
Alors, laissons-nous interroger par le Christ dans cette question. « Pour moi, qui est Jésus ? » Prenons le temps, ce dimanche, ou cette semaine, de formuler notre réponse personnelle et vraie, avec des mots peut-être, mais surtout avec l’élan de notre cœur, qui s’exprime dans la vérité de nos actes, dans le concret qui constitue le quotidien de nos vie.


Daniel BICHET, le 24 Août 2014
Gorges et Maisdon sur Sèvre




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