16° dimanche du Temps Ordinaire.
Terre d’Irak, où Dieu a semé la grande aventure de son Peuple, en la personne d’Abraham !
Terre de Palestine, où Jésus a semé le bon grain de l’amour!
Terre d’Israël où la Parole a germé !
Qu’en est-il ? Haine, violences, guerre, meurtres ! Comment ne pas
croire que l’ivraie y a été semée et étouffe la Parole, cette espérance
de récolte d’une humanité pacifiée ?
Qu’en est-il de ce Royaume de Dieu dont parle Jésus ?
Cette parabole de l’ivraie nous arrache à la désespérance. Elle nous invite à la lucidité.
Alors, dans l’histoire de ce champ du monde où en sommes-nous ?
Certes, l’Evangile a atteint les régions les plus éloignées du globe.
Certes, l’Evangile a pénétré les diverses civilisations humaines.
Mais, où en sommes-nous, vraiment ?
Telles des vagues sur le rivage de l’Histoire, le message chrétien
apparaît tantôt progressant, voire dominant ; mais, tantôt succèdent
des périodes où toute avancée semble étouffée par l’ivraie.
Lorsque Jésus annonce le Royaume de Dieu sous forme de paraboles, il
est conscient que son message est en partie étouffé par ses opposants ;
les uns au nom d’un judaïsme pur et dur, les autres au nom d’un
nationalisme anti-romain, appelant à la violence, déjà !
A l’espérance du semeur (c’était dimanche dernier), Jésus joint la patience du moissonneur.
Lorsque, dans son évangile, Matthieu rapporte cette parabole, dite de
l’ivraie, ses auditeurs et premiers lecteurs sont alors plongés dans un
monde où les religions en place et les courants d’idées menacent
d’étouffer l’Eglise naissante.
Et qu’en est-il aujourd’hui ?
Sans remonter dans l’histoire, ou sans regarder ce qui se passe au
loin, peut-être avons-nous l’impression qu’il en est de même,
aujourd’hui, dans notre société occidentale. Les grands mouvements de
pensée qui ont marqué les siècles récents ont engendré une société qui
s’est sécularisée, matérialisée. L’Eglise semble avoir de la difficulté
à faire sa place dans le champ du monde, à se faire entendre.
Je pourrais mentionner les inquiétudes qui nous gagnent de nos jours.
Par exemple, l’Eglise exerce-t-elle autant d’influence que jadis sur
l’évolution de la société ? Sa parole est-elle écoutée ?
Entendue ?
Et qu’en est-il des fruits du Concile Vatican II ? La semence du
Concile était à peine en terre que déjà l’ivraie de la contestation, du
rejet, était semée. Des courants intégristes rejetaient toute
modernité, toute adaptation de l’Eglise au monde, tout effort vers
l’œcuménisme ! Si la pression se fait moins forte actuellement,
le risque d’un repli sur soi demeure. Soyons vigilants.
Et que dire aussi de l’influence de l’Islam en notre société
occidentale et aussi bien sûr en Afrique ? Alors, concurrence,
empiètement, bouleversement culturel ?
Soyons patients. L’Esprit du Christ veille sur son Eglise. Comme le
rappelle Saint Paul dans sa lettre aux Romains : « L’Esprit lui-même
intervient pour nous par des cris inexprimables. » (Rm 8, 26).
Mais, c’est dans le pré-carré de l’Eglise, dans le nôtre que je
regarde. C’est dans notre propre foi, dans notre propre pratique, notre
mode de vie. Car c’est là que l’ivraie peut se montrer la plus
pernicieuse ! Elle porte le nom de tiédeur, de laisser-aller, de
matérialisme ambiant, de repli sur une Eglise aux volets clos, et
peut-être de manque d’espérance. Alors, peu à peu on prend de la
distance, on part sur la pointe des pieds.
Or, la Parole de Dieu, Parole vivante, est semée, croît, se multiplie,
ne sera pas étouffée par l’ivraie. Le jour de la moisson, l’ivraie sera
rejetée et le grain engrangé. La Parole de Dieu n’est-elle pas le
Christ ? Et le Christ n’est-il pas ressuscité ?
Et Jésus continue d’instruire ses auditeurs et donc nous-mêmes. Le Royaume des cieux est comparable…
Comparable,
« A une graine de moutarde semée dans un champ » (Mt 13, 31)
« À du levain enfoui dans la farine » (33)…
La Parole de Dieu a été semée, enfouie au cœur de notre humanité, en
Jésus, Fils de Dieu fait homme. De siècle en siècle, de proche en
proche, elle a été reprise, actualisée.
Parole officielle de l’Eglise, mais aussi parole semée par tous les
disciples, dont nous, peut-être, dans nos relations habituelles, ou
dans nos engagements. Nous avons parfois l’impression que notre action
est insignifiante ou sans grande portée.
Rappelons-nous, alors, ces deux paraboles du Royaume : la plus petite
des semences qui devient un arbre et la mesure de levain qui fait lever
trois grandes mesures de farine.
Il n’y a pas de petites actions, de petits témoignages. Si nous
savions, peut-être serions-nous étonnés de la portée de nos paroles, de
nos gestes, de nos témoignages !
Si au cours de cette eucharistie nous nous approchons de la table du
Seigneur, c’est que nous sommes persuadés qu’à travers l’humble hostie,
c’est la vie du Christ qui se communique et fait lever toute la pâte de
notre humanité.
Amen.
Georges AILLET, prêtre
20 juillet 2014
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