16° dimanche ordinaire.
20 juillet 2008
Encore une histoire de semeur…
Dimanche
dernier, Jésus nous proposait cette parabole du semeur qui sème sur
tous les terrains : dans la bonne terre, mais aussi dans les
ronces ou sur les chemins pierreux. Tous les terrains ne sont pas bons,
mais ce que sème le semeur, c’est du bon grain. Si la récolte n’est pas
aussi abondante qu’on peut espérer, ce n’est pas la qualité du grain
qui est en cause, mais celle du terrain qui le reçoit et qui est plus
ou moins prêt à l’accueillir et à le faire fructifier. Nous avons tous
bien compris, nous le savons depuis le catéchisme, le semeur, c’est
Jésus lui-même, qui sème la Parole de Dieu dans tous les cœurs, même
ceux qui ne sont pas préparés à accueillir cette bonne nouvelle, à
l’entretenir pour qu’elle donne du fruit.
Aujourd’hui, cette autre
parabole nous redit que le grain semé est bon : « Le royaume
des cieux est comparable à un homme qui a semé du BON grain dans son
champ ». S’il pousse ensuite de la mauvaise herbe, ce n’est pas le
semeur qui en est à l’origine : « Or, pendant que les gens
dormaient, son ennemi survint : il sema de l’ivraie au milieu du
blé et s’en alla ». Dans le texte grec d’origine, le mot qui
désigne la mauvaise herbe, ici traduite par le mot
« ivraie », est le mot « zizanion », qui a donné
l’expression « semer la zizanie, la discorde. » C’est donc de
nuit, en cachette, sans se faire remarquer, que l’ennemi, le semeur de
zizanie, aussi désigné par le terme « diabolos », le
calomniateur, intervient. On comprend donc ici encore que Dieu est à
l’origine du bien, et seulement du bien. C’est d’ailleurs une
particularité de notre foi : contrairement aux autres religions de
cette époque, pour qui les dieux créaient le mal autant que le bien,
pour les juifs des temps bibliques déjà, Dieu ne peut créer que le
bien. Rappelons-nous le poème de la Création, dans le livre de la
Genèse : après avoir créé l’univers, puis la terre et tous ses
habitants, « Dieu vit que cela était bon ». De même, Job, ce
fameux personnage de l’ancien testament, frappé par tous les malheurs
du monde, refuse de voir en Dieu l’auteur du mal et de la souffrance
qui l’accable. Jésus nous le rappelle ici : le Maître n’a semé que
du bon grain. La mauvaise herbe a été semée par son ennemi. Le mal
n’est pas une créature de Dieu.
Pour autant, il ne faudrait pas nier
l’existence du mal : Il est bien présent dans notre monde, parmi
nous, tout près de nous, et aussi en nous. Il côtoie le bien, et il
n’est pas toujours si simple de trancher entre les deux. Il n’y a pas
d’un côté le bien, et de l’autre le mal, clairement séparés par une
cloison infranchissable. Il n’y a pas d’un côté un champ dans lequel ne
pousserait que le blé, fruit du bon grain semé par le maître, et, de
l’autre côté du chemin, un champ dans lequel ne pousserait que de
l’ivraie. Les deux, le bien et le mal, poussent ensemble dans le champ
de notre monde, et aussi dans le champ de notre cœur. Alors, quand les
serviteurs se proposent d’enlever l’ivraie d’au milieu du blé, le
maître le leur interdit, « de peur qu’en enlevant l’ivraie, vous
n’arrachiez le blé en même temps ». Cette volonté de faire le tri
entre le mal et le bien, c’est une de nos grandes tentations. Mais qui
sommes-nous pour discerner avec certitude entre ce qui est bien et ce
qui est mal ? Certains groupes humains, à toutes époques, et dans
toutes les religions, sont tentés par l’élitisme : constituer un
groupe de « purs », et vivre séparément des
« impurs ». Purs, impurs, selon nos critères bien évidemment
humains, et donc évidemment arbitraires. En faisant cela, l’homme se
prend pour Dieu. En décidant du bien et du mal, il retombe dans le
péché originel. Quel est-il, ce péché originel, raconté par les auteurs
bibliques à travers ce fameux récit symbolique d’Adam et Eve ?
« Vous pouvez manger de tous les fruits des arbres du jardin, mais
pas de celui-ci, qui est l’arbre de la Connaissance du Bien et du
Mal » dit Dieu à l’homme et à la femme. Et on connaît la
suite : Adam et Eve, tentés par le serpent, le semeur de zizanie,
le calomniateur, vont manger le fruit de cet arbre, tentant ainsi de
faire de la créature l’égal du Créateur. Mais le Créateur reste
définitivement le seul à connaître le Bien et le Mal. Certes,
nous pouvons bien avoir une idée de ce qui est bien et de ce qui ne
l’est pas. Nous sommes capables de jugement sur les événements, sur les
comportements, sur nos propres actes. Nous sommes bien capables de voir
pousser l’ivraie à côté des épis de blé. Et il est bon que nous en
soyons capables. Notre pape Benoît XVI, aux JMJ qui se tiennent en ce
moment même à Sydney, a rappelé aux jeunes du monde entier leurs
responsabilités dans le monde d’aujourd’hui et de demain. Il les a
aussi mis en garde contre les dangers auxquels ils sont plus que jamais
confrontés. Je le cite : « la consommation abusive d’alcool
et de drogues, l’exaltation de la violence, et la dégradation de la
sexualité. » Pour pouvoir choisir le bien, il faut être capable de
juger entre ce qui est bien et ce qui ne l’est pas. Et à travers ce
qu’il dit à ces jeunes, il nous rappelle à nous tous que notre vie de
chrétiens doit être justement orientée vers la recherche de ce qui est
vrai, bien et beau. Permettez-moi de le citer dans son discours
d’accueil, ce jeudi à Sydney :
« Votre existence
personnelle a été voulue par Dieu, bénie par Lui et il lui a été donné
un but ! La vie n’est pas une simple succession de faits et
d’expériences, même si de tels événements peuvent être utiles. Elle est
une recherche de ce qui est vrai, bien et beau. C’est précisément en
vue de tels objectifs que nous accomplissons nos choix, que nous
exerçons notre liberté et en cela, c’est-à-dire en ce qui est vrai,
bien et beau, nous trouvons le bonheur et la joie. Ne vous laissez pas
tromper par ceux qui voient en vous de simples consommateurs sur un
marché offrants de multiples possibilités, où le choix en lui-même
devient le bien, la nouveauté se fait passer pour beauté, l’expérience
subjective remplace la vérité.
Le Christ offre davantage ! Bien
plus, il offre tout ! Seulement Lui, qui est la Vérité, peut être le
chemin et donc aussi la Vie. »
Oui, soyons lucides pour
voir l’ivraie qui se cache parmi les épis de blé. Ne soyons pas
aveugles ! Faisons nos choix de vie en toute connaissance de
cause. Mais ne condamnons pas non plus trop vite les personnes que nous
pensons être à l’origine du mal, « de peur qu’en enlevant
l’ivraie, nous n’arrachions le blé en même temps ». Il ne
nous appartient pas de condamner. Car ce que le Maître de la moisson
nous met en garde de faire, ce n’est pas de discerner, de juger ce qui
est bien ou mal, mais de condamner. Dieu lui-même nous montre le chemin
de sa tendresse et de sa miséricorde, par l’auteur du livre de la
Sagesse que nous avons entendu tout à l’heure : « à ceux qui
ont péché, tu accordes la conversion ». Laissons donc l’ivraie
pousser à côté du blé, et attendons « la moisson ». Alors
apparaîtront clairement les fruits de ce qui aura été semé : d’un
côté, le blé, de l’autre, l’ivraie.
Amen !
Daniel BICHET, diacre permanent.
Sommaire année A
Accueil