15° dimanche du Temps Ordinaire.
C’est un semeur un peu particulier que Jésus nous
décrit. Avez-vous remarqué ? Il sème n’importe où ! Au bord du chemin,
sur un sol pierreux, même dans les ronces ! Drôle de semeur…
Ici, Jésus explique sa parabole,
ce qui est exceptionnel dans les Evangiles : habituellement, il choisit
suffisamment bien sa parabole pour que ses auditeurs puissent la
comprendre comme une évidence, et l’explication est alors inutile. Mais
ici, Jésus semble tenir particulièrement à ce que ses disciples
comprennent bien. Pourtant, cette parabole ne semble pas si énigmatique
que ça ! Jésus nous avait habitué à de plus compliquées ! Alors,
pourquoi expliquer spécialement celle-ci, et seulement à ses disciples,
pas à la « foule immense » au bord du lac ?
En fait, la question des
disciples « pourquoi leur parles-tu en paraboles ? » est un prétexte
que se donne l’évangéliste Matthieu pour placer le propos central de
son récit. La réponse de Jésus est longue et insistante, avant qu’il ne
finisse par donner l’explication de la parabole. Il s'appuie sur le
prophète Isaïe : « Ils regardent sans regarder, ils écoutent sans
écouter et sans comprendre [...] leurs yeux ne voient pas, leurs
oreilles n’entendent pas, leur cœur ne comprend pas, ils ne se
convertissent pas... ». Jésus fait bien ici la distinction entre ses
disciples et la foule. Ses disciples, ce sont ceux qui le suivent, ceux
qui écoutent et comprennent ses paroles, ceux qui laissent leur cœur se
convertir au contact de Jésus, contrairement à cette foule qui est
lente à comprendre. Mais il ne la condamne pas pour autant. Il se
lamente sur elle, plutôt. Car la volonté du Père, c’est que tout homme
se convertisse et croie à la parole d’amour que le Fils est venu
révéler.
Or, Jésus constate amèrement que
c'est loin d'être le cas. Beaucoup de personnes qui entendent la Parole
ne l'accueillent pas comme il le souhaiterait. C'est justement ce que
dit cette parabole du semeur : Les différents lieux où le grain est
semé correspondent aux circonstances qui font que la foule « écoute
sans comprendre ». Il y a ceux qui entendent la Parole et n'y prêtent
aucun intérêt, parce qu'elle ne parle pas à leur cœur encombré par
d'autres préoccupations ; ou ceux qui accueillent la parole avec joie,
lors d'événements marquants comme un baptême, un grand rassemblement,
une rencontre… mais qui ne changent rien à leur façon de vivre au
quotidien. Ceux encore qui n'ont pas suffisamment de racines, de
connaissance de Dieu pour laisser la parole porter son fruit.
Mais Jésus nous dit que malgré
tout cela, Dieu continue inlassablement de semer la Bonne Nouvelle de
son amour partout, dans les cœurs prêts à l'accueillir comme dans les
cœurs les plus endurcis et les plus fermés. Car Dieu croit toujours en
l'homme. Il l'a créé pour lui donner son amour, et il espère toujours
sa réponse, de toute éternité, en tout temps et en tout lieu.
C'est pourquoi il a suscité, tout
au long de l'histoire des hommes, d'autres semeurs de sa Parole.
J'étais à Assise la semaine passée, et nous avons redécouvert St
François qui a été un de ces « semeurs » d'Evangile, dans une époque
très troublée, où l’Église elle-même était plus un sol pierreux que la
bonne terre du champ, au milieu d'un monde où les ronces étaient aussi
abondantes qu'aujourd'hui.
Dans ce sol pierreux, au bord du
chemin et au cœur de ces ronces, François a su semer l'Evangile comme
un message d'amour et de paix, qui s'adresse à tous sans distinction.
On récolte encore aujourd'hui les fruits de ce que Dieu a semé par
l'intermédiaire de François, et on peut voir encore dans le monde
entier des vocations à la vie franciscaine naître dans les coeurs de
jeunes hommes et de jeunes filles de tout milieu, de toutes conditions.
Pourtant, l'action de St François n'avait rien de spectaculaire, de
démonstratif. S'il a pu porter autant de fruits, c'est par la
simplicité radicale de sa vie, par son témoignage édifiant, par son
action patiente toujours inspirée par la paix qu'il recevait de sa
proximité avec Jésus.
Rien non plus ne le prédestinait à devenir ce semeur d'Evangile. Sa vie
avant sa conversion était celle de beaucoup de nos contemporains, pour
qui la Parole de Dieu n'est plus audible, tant elle est étouffée par la
multitude de divinités construites par nos sociétés déchristianisées
qui se cherchent des raisons de vivre. Ce retournement que François a
vécu prouve que tout est toujours possible, et que ceux que nous
croyons perdus pour Dieu peuvent toujours être un jour touchés par la
grâce.
J'ai pris l'exemple de St
François, parce qu'il est l'un des plus connus et des plus marquants.
Mais l'histoire des hommes est jalonnée de millions d'autres semeurs
d'évangile, à toutes les époques et dans tous les milieux de vie. Ces
hommes, ces femmes, ce sont les saints et les saintes de nos
calendriers, reconnus et répertoriés, mais aussi ces millions de saints
et saintes anonymes qui ont « porté du fruit, à raison de cent,
soixante ou trente pour un ». Les saints des sols pierreux, les saints
du bord du chemin, les saints du milieu des ronces, à travers lesquels
Dieu continue encore et toujours à semer sa Parole, car la patience de
Dieu est sans limite, est sa parole est efficace, elle porte toujours
du fruit.
C'est ce que nous rappelle la
première lecture, dans le Livre d'Isaïe : « Ainsi parle le Seigneur :
La pluie et la neige qui descendent des cieux n'y retournent pas sans
avoir abreuvé la terre, sans l'avoir fécondée et l'avoir fait germer,
pour donner la semence au semeur et le pain à celui qui mange ; ainsi
ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat,
sans avoir fait ce que je veux, sans avoir accompli sa mission. » Le
psaume 64, lui aussi, nous rappelle l'action continuelle de Dieu qui
veut faire de ce monde une terre fertile qui porte du fruit :
« Tu visites la terre et tu
l'abreuves,
tu la combles de richesses ; les ruisseaux de Dieu
regorgent d'eau,
tu prépares les moissons. Ainsi, tu prépares la terre,
tu arroses les sillons ; tu aplanis le sol, tu le détrempes sous les
pluies,
tu bénis les semailles… »
Pour autant, le message très
insistant de Jésus dans le texte de ce jour n'est pas de faire de nous
des semeurs. Le Semeur, soyons clair, il n'y en a qu'un, c'est Dieu.
L'intention de Jésus en inventant
cette parabole et en l'expliquant en détails, point par point, c'est
que nous prenions conscience de notre liberté.
Notre cœur, le sol que nous
offrons au semeur, est peut-être dur, fermé, impénétrable pour la
Parole comme l'est le sol pierreux. Il est peut-être au contraire très
ouvert, et la Parole peut alors germer dans un premier temps, mais les
tentations de ce monde, nos préoccupations, nos activités ou nos
loisirs finissent par l'étouffer. Notre cœur peut aussi être
enthousiaste à l'écoute de la Parole de Dieu, mais notre ignorance ou
notre refus de connaissance, de formation, par la lecture de la Bible
et la fréquentation de Jésus par la prière, empêche cette parole reçue
de germer et de porter du fruit. Il s'agit donc pour chacun de nous
d'être conscient de la liberté que Dieu nous laisse, de lui présenter
un cœur semblable à une bonne terre, ou bien à un sol pierreux ou
envahi de ronces. Car les fruits que nous porterons ou pas dépendront
de cette liberté. Dieu aura beau semer et semer encore, aucun bon fruit
ne mûrira sans notre libre consentement. Tout dépend du sol sur lequel
tombe le grain du semeur.
Alors puisque Dieu insiste tellement, laissons-nous ensemencer par sa
Parole. Faisons-lui confiance, et présentons-lui un cœur en pleine
terre, bien dégagé de toute ronce, et bien préparé par l'engrais de la
prière et de la lecture de la Parole de Dieu, afin que germe en nous
cette Parole, et qu'elle donne par nous du fruit, chacun selon sa
mesure : cent, soixante ou trente pour un.
Amen !
Daniel BICHET, diacre permanent
Gorges et Maisdon sur Sèvre,
le 13 juillet 2014
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