13° dimanche du Temps Ordinaire.
« Au Bon Accueil ». Une
requête sur cette suite de 3 mots dans un moteur de recherche bien connu donne «
environ 19 200 000 résultats » ; café, restaurant, bar, hôtel,
brasserie, ils sont très nombreux à arborer fièrement ce nom sur leur
enseigne : « Au Bon Accueil ». J’en suis sûr, vous en connaissez au
moins un !
De fait, pour un établissement
destiné à recevoir des clients, touristes, consommateurs, voyageurs, la
qualité de l’accueil marquera la première impression. On a envie d’y
être bien accueilli ! Cette qualité d’accueil sera d’ailleurs
déterminante pour la pérennité de l’entreprise : on n’aura pas envie de
retourner dans un lieu où on a été mal accueilli…
La première lecture d’aujourd’hui
nous raconte justement une belle histoire d’accueil. Celui de cette
femme, riche mais apparemment stérile, habitant le village de Sunam,
qui se met en quatre pour accueillir le prophète Elisée.
Sunam est un village au pied du mont Tabor, sur une terre très fertile,
à mi-chemin entre la Samarie et la côte, à environ une heure de marche.
Un lieu de passage du prophète qui parcourt le pays de ville en ville.
Elisée a apprécié le zèle de cette femme à l’accueillir. A tel point
qu’il lui annonce une nouvelle étonnante, comme une sorte de récompense
: elle aura un fils. La suite de cette histoire, qui nous est racontée
dans le deuxième livre des Rois, nous apprend qu’en effet,
lorsqu’Elisée revient l’année suivante, la prophétie s’est réalisée.
Que nous apprend cette histoire ? Comme c’est le cas pour toutes les
histoires racontées dans la Bible, il y a derrière cet épisode un
message à propos de l’histoire du Salut.
Le Dieu révélé par la Bible n’est
pas comme les autres dieux des autres religions. Ce n’est pas un Dieu
lointain, pour lequel il faudrait faire des sacrifices pour ne pas le
fâcher ou pour en obtenir une récompense. L’un des intervenant le
rappelait dimanche dernier, lors de la Journée Eucharistique
Missionnaire au petit port, à Nantes : « Toutes les religions du monde
instituent par des rites les efforts de l’homme pour monter jusqu’à
Dieu ; seule la religion chrétienne nous révèle un Dieu qui descend
jusqu’à l’homme. » la seule chose que l’homme ait à faire est de
l’accueillir.
Oui, Dieu vient habiter parmi nous ; il vient vivre chez nous, avec
nous. Comme le prophète Elisée dans cette histoire. On nous dit qu’il
était de passage à Sunam. C’est sur l’insistance de cette femme qu’il
était resté manger, et qu’il en avait ensuite pris l’habitude. Mais la
Sunamite ne se contente pas de le recevoir à sa table. Elle insiste
auprès de son mari pour lui laisser une place plus grande encore, en
lui faisant bâtir une chambre, avec un lit, une table, un siège et une
lampe, pour qu’il puisse s’y retirer, c’est-à-dire pour qu’il s’y sente
chez lui.
Comme Elisée de passage à Sunam,
Dieu vient nous visiter. C’est vrai pour chacun de nous, aujourd’hui.
C’est vrai ici et maintenant. Chacun peut, ou non, se réjouir de cette
visite. Mais libre aussi à chacun d’aller plus loin, de ménager à Dieu
un accueil plus marqué, en le priant de rester pour un repas, en lui
demandant de revenir, ou plus encore en l’invitant à faire chez nous sa
demeure : lui préparer une chambre où il pourra demeurer.
C’est alors qu’arrive la fameuse « récompense ». Revenons sur ce terme.
On comprend bien dans cette histoire que la Sunamite ne soigne pas
l’accueil du prophète juste pour obtenir une récompense. Elle semble se
faire simplement une joie d’accueillir cet homme de Dieu, sans
arrière-pensée. La « récompense » que lui propose Elisée n’est pas la
réponse à une demande de cette femme. Elle n’a rien demandé. La fin du
verset 16 qui termine la lecture d’aujourd’hui nous dit même qu’elle ne
croit pas du tout la parole d’Elisée. Non seulement elle ne le croit
pas, mais elle lui demande même de ne pas lui mentir, que ce n’est pas
digne de son rang de prophète. Son accueil est donc totalement
désintéressé.
Dans l’évangile d’aujourd’hui,
Jésus lui-même emploie ce mot « récompense » : « Qui accueille un
prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète ;
qui accueille un homme juste en sa qualité de juste recevra une
récompense de juste. » Nous comprenons alors que le mot « récompense »
veut marquer l’idée de « conséquence ». Le bon accueil réservé à un
homme de Dieu, donc à Dieu lui-même, a pour conséquence la « récompense
» de Dieu, c’est-à-dire la vie éternelle ; non-pas comme un dû suite à
une bonne action, mais comme un don gratuit, accueilli par avance dans
le concret de l’accueil, comme par exemple celui de la Sunamite
vis-à-vis d’Elisée, ou de n’importe quelle personne qui accueille un
juste en sa qualité de juste.
Aujourd’hui, être accueillant est
une belle qualité, à laquelle chacun est sensible… surtout chez les
autres. Notre niveau d’exigence dans l’accueil que l’on reçoit est
souvent bien supérieur à l’accueil que l’on est capable de donner
soi-même. Nous sommes tous capables de bien accueillir nos proches, nos
amis, ceux qui nous sont sympathiques, ou encore nos clients… L’accueil
se fait alors souvent dans la joie. Mais comment pratiquons-nous
l’accueil des autres ? Par exemple, comment accueillons-nous nos frères
qui arrivent chez nous parce qu’ils fuient leur pays, parfois avec leur
famille, que ce soit pour échapper aux persécutions, aux violences, à
la guerre ou à la misère… Que décidons-nous de faire concrètement pour
ces gens, qui sont nos frères et nos sœurs, dans le Christ Jésus, « les
plus petits d’entre les miens » comme il les appelle ? à quelle action
concrète désirons-nous nous associer, à quelle démarche sommes-nous
prêts, individuellement et collectivement, pour accueillir cette
humanité souffrante, fragilisée, désemparée, parfois terrorisée ? « Qui
vous accueille, m’accueille ; et qui m’accueille accueille Celui qui
m’a envoyé » nous redit Jésus, aujourd’hui. Acceptons-nous simplement
d’être dérangés, un peu ou beaucoup, par le rappel de cette nécessité,
l’accueil du frère, dans lequel tout chrétien reconnaît le visage du
Christ ?
Il ne s’agit pas pour nous de
chercher à obtenir une récompense, mais simplement de nous ouvrir à la
joie qu’il y a à partager, à découvrir l’autre, à l’accueillir, à
s’enrichir de nos différences. C’est de cette joie dont Jésus nous
parle, cette « récompense » comme conséquence de notre accueil : la vie
éternelle. La vie éternelle, c’est le don que Dieu veut faire à chacun
de nous. Il nous appartient d’accueillir ce don. Nous aurons alors la
joie, et peut-être un jour la surprise, de voir qu’il est aussi écrit
au-dessus de la porte du paradis : « Au bon accueil ».
Amen !
Daniel BICHET, diacre permanent.
Clisson et Gorges, le 2 juillet 2017
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