12° dimanche ordinaire.
Année A 21/06/08
Jérémie,
dans la première lecture, avait prononcé des paroles risquées, qui
dérangent. Des paroles que l’on qualifierait aujourd’hui de
« politiquement incorrectes ». Alors la foule gronde,
l’opinion publique menace : « Dénoncez-le ! Allons le
dénoncer ! » Et le psaume que nous venons de chanter reprend,
comme en écho : « c’est pour toi que j’endure l’insulte, que
la honte me couvre le visage. On t’insulte, et l’insulte retombe sur
moi ». Oui, déjà, voici plus de 27 siècles, il n’était pas
toujours confortable de proclamer la vérité contre les opinions
majoritaires, contre la pensée et la pratique du plus grand nombre,
contre la pensée unique… (C’est toujours vrai de nos jours !).
Ceux qui osaient dire ces vérités qui fâchent s’exposaient à l’insulte
dans le meilleur des cas, et parfois jusqu’à la mise à mort. Mais dans
l’évangile d’aujourd’hui, Jésus dit à ses disciples, qu’il vient tout
juste d’envoyer en mission « comme des agneaux au milieu des
loups » : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps,
mais ne peuvent pas tuer l’âme. Craignez plutôt celui qui peut faire
périr dans la Géhenne l’âme aussi bien que le corps. »
Je ne
peux pas éviter, aujourd’hui, de faire le lien entre toutes ces paroles
que nous venons d’entendre et que la liturgie nous propose, et
l’événement qui se tient en ce moment même, à quelques centaines de
mètres de cette église. Je veux parler de ce fameux
« Hellfest », traduisez « festival de l’enfer ». On
a beaucoup dit, écrit ou murmuré autour de cet événement. On a pu lire
et entendre tous les bienfaits d’un tel rassemblement, de dimension
internationale, dans notre vallée de Clisson. « Ces petits jeunes
sont, somme toute, bien sympathiques. Bien polis, même, faisait
observer une commerçante. Et puis, la musique, c’est une affaire de
goût. Après tout, s’ils aiment ça. De plus, ça fait grimper le chiffre
d’affaires des commerces locaux, il faut savoir ce que l’on
veut… ». Certes. Tout cela, c’est bien vrai. Ce n’est sûrement pas
la forme qui pose problème. L’organisation est plutôt de bonne qualité,
il n’y a pas eu de graves débordements, tout au plus quelques
désagréments, voire quelques nuisances, quelques exaspérations…
Mais
pour nous, chrétiens, c’est sur le fond qu’il faut être vigilants.
Quitte à tenir des propos politiquement incorrects, quitte à prendre
l’opinion publique à rebrousse-poil. Dans notre société où tout se
vaut, où tout est bien, du moment que l’on est sincère ; dans ce
relativisme ambiant et mortifère, dénoncer des attitudes et des
comportements dangereux, tout comme le faisaient le prophète Jérémie et
le psalmiste de jadis, est risqué. « On t’insulte, et l’insulte
retombe sur moi ». C’est bien ce que vivent les Chrétiens
d’aujourd’hui, à écouter les paroles des chansons de certains de ces
groupes de musique. Bien sûr, me direz-vous, ces paroles sont le plus
souvent en anglais, et la plupart des festivaliers ne les comprennent
pas. Ils sont surtout venus pour la musique et pour l’ambiance.
Cependant, est-il plus honorable de se faire insulter dans une langue
étrangère que dans sa langue maternelle ? Et les symboles utilisés
dans les décors et la mise en scène, ne sont-ils pas, justement, les
symboles que nous connaissons, qui nous parlent, que nous comprenons,
symboles auxquels nous sommes attachés, mais symboles détournés,
retournés, tournés en dérision, et qui sont même parfois objets de
haine destructrice ? Oui, ce qui se passe tout près d’ici ne peut
pas ne pas nous atteindre et nous blesser.
Pourtant, à vrai dire, le
problème n’est pas là. Que les croyants soient insultés, moqués ou
tournés en dérision, ce n’est pas une nouveauté, ce n’est pas non plus
si inquiétant que cela. La liste des martyrs est longue ! C’est le
lot de tous les prophètes, et Jérémie, dans la première lecture, en est
le témoin. Ce qui est sans doute plus inquiétant, c’est cet acharnement
consensuel à dédramatiser, à banaliser, à relativiser. Toute cette
ambiance est présentée comme du simple folklore, tout au plus de la
provocation, comme il y en a toujours eu de la part de certains
artistes. C’est certainement vrai pour une immense majorité des
participants au festival, sur la scène comme parmi les spectateurs.
Mais c’est oublier tout de même les quelque 5 ou 6 groupes dont
l’intention est clairement et ouvertement de faire la promotion du
satanisme. Car le satanisme, ce n’est pas du folklore, ce n’est pas de
la simple provocation. On en connaît les effets sur les esprits de nos
adolescents les plus fragiles. On voit bien les ravages qu’il peut
provoquer chez eux : sentiments morbides, exaltation de la mort,
de la souffrance, de la désespérance. Le satanisme, on a bien des
traces de ses activités : messes noires, incendies de monuments
religieux, profanation de tombes… Ce ne sont tout de même pas des faits
anodins, ce ne sont tout de même pas de simples jeux innocents
d’adolescents, ni de banales activités culturelles. On ne peut pas
faire semblant d’ignorer tout cela, on ne peut pas nier l’existence du
satanisme sous prétexte de ne pas déranger ce qui est établi. Je ne
sais plus qui a dit un jour ceci : « Voilà la plus grande
victoire de Satan: Il a convaincu le monde que lui, Satan, n'existe
pas. » Alors, quand jésus, dans l’Evangile d’aujourd’hui, nous
rappelle : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais ne
peuvent pas tuer l’âme. Craignez plutôt celui qui peut faire périr dans
la Géhenne l’âme aussi bien que le corps. » nous comprenons bien
de qui il parle. Et nous voyons bien ce que signifie « faire périr
l’âme aussi bien que le corps ». Alors, n’ayons pas peur de dire,
simplement, sans haine, sans violence, sans volonté d’interdire à tout
prix : Satan, le satanisme, ça existe, et c’est un danger. N’ayons
pas peur de simplement rappeler, dans les débats qui ont lieu autour de
ce festival, et où nous serons peut-être interpellés ; n’ayons pas
peur de dire simplement la vérité qui nous a été révélée par Jésus, le
Christ : La parole de Dieu est une parole qui sauve, et qui sauve
l’humanité tout entière. Ne nous trompons pas de combat. Comme
chrétiens, nous ne sommes pas missionnés pour régenter la vie sociale,
pour interdire ou pour autoriser, mais pour annoncer la Parole de Dieu.
C’est
pourquoi l’Eglise de Nantes, par la main de son pasteur, notre évêque,
a signé un communiqué de presse que la plupart des journaux ont publié
intégralement, que d’autres ont tronqué ou commenté, et que je vous
invite vivement à lire, si ce n’est déjà fait.
« Tout ce qui
est voilé sera dévoilé, tout ce qui est caché sera connu, ce que je
vous dis dans l’ombre, dites-le au grand jour. Ce que vous entendez
dans le creux de l’oreille, proclamez-le sur les toits » même au
prix de la persécution.
Enfin, ce que chacun de nous peut faire
d’utile, au cours de cette eucharistie, par cette eucharistie, mais
aussi après, une fois rentrés à la maison, seul ou en famille, c’est
prier pour tous ces jeunes ou moins jeunes habillés de noir, qui sont
venus de toute l’Europe, et qui sont nos frères.
Amen.
Daniel BICHET, diacre permanent.
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