Le contexte :Funérailles de Monique H., avocate honoraire
EVANGILE : Mt 25, 31-46
Homélie :
Cette parabole, c’est bien celle du jugement dernier, le
jugement universel. Le Christ-Roi vient dans la gloire pour le
jugement, il siège sur son trône. Mais sur quelles attitudes concrètes
serons-nous jugés quand nous paraîtrons devant lui ? Il commence par
séparer, comme aux premiers temps de la création : Dieu sépare le jour
et la nuit, la terre et le ciel, la lumière et les ténèbres. Il sépare
pour mieux distinguer, faire la clarté. C’est ainsi que Dieu créa et
que maintenant il va séparer pour introduire dans la nouvelle création.
Vous vous souvenez de la parabole du bon grain et de l’ivraie, qui
évoque la patience de Dieu, attendant notre conversion, et ce n’est
qu’au moment de la moisson qu’il séparera pour engranger le bon grain
et brûler l’ivraie « dans un feu qui ne s’éteindra pas ».
Dans la séparation, le Seigneur fait comme le berger le soir
venu. Les brebis sont l’image du juste, elles vont d’un côté, tandis
que les chèvres sont rangées à la gauche. Ce qui doit retenir notre
attention, c’est le critère sur lequel le Seigneur opère la séparation
et l’étonnement de tous de se trouver là où il est, aussi bien d’un
côté que de l’autre.
On peut comprendre l’importance, l’urgence que le Seigneur veut
attacher au jugement. Ce qui va séparer, diviser les uns des autres
c’est la manière dont ils auront aimé les petits, les souffrants, la
manière dont ils se seront comportés face à la souffrance de leurs
proches. Il n’y a pas plusieurs positions : c’est d’une clarté
étonnante, c’est tout ou rien, on a aimé ou on n’a pas aimé….pas de
position intermédiaire
L’étonnement sera général chez tous : Seigneur quand est-ce que nous
t’avons vu nu, quand est-ce que nous t’avons aidé, vêtu, quand est-ce
que nous ne t’avons pas visité ? C’est sur ces souvenirs que le
Seigneur va nous ramener, et pas sur nos dévotions, ni le souvenir de
notre première communion qui nous a fortement marqué, ni de ces moments
de ferveur qui ont été décisifs dans notre vie chrétienne.
Nous aurons beau racler le fond de notre mémoire, aucun souvenir ni de
trace d’un Seigneur affamé, déguenillé, malade ou enchaîné. Jamais nous
n’aurions pensé qu’il serait présent dans ces endroits où on ne le
cherche pas, on ne l’imagine pas, parmi les exploités, les
analphabètes, les sans logis, les drogués, les inutiles, les orphelins,
les vieux abandonnés, les fous, les voleurs, les prisonniers….C’est
choquant, on dirait qu’il met tout par terre : l’image de la religion
que nous nous sommes faite est bien ébranlée : alors que reste-il ? Que
faut-il faire ?
Et c’est dans tous les laissés pour compte de notre société que le
Seigneur se reconnaît, et se veut solidaire et présent, c’est là qu’il
nous invite à le rejoindre et le reconnaître : « chaque fois que vous
l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que
vous l’avez fait » mais il faut aussi entendre : « chaque fois que vous
ne l’avez pas fait à l’un de ces petits, à moi non plus vous ne l’avez
pas fait ».
Alors pourquoi encore nos messes, nos prières, la lecture de la Parole
de Dieu…s’il suffit de donner un vêtement au Relais ou chez Emmaüs, une
pièce au joueur d’accordéon près de la poste, un paquet de pâtes au
chômeur du rez-de-chaussée et j’en passe de nos petits actes quotidiens.
Et pourtant c’est par l’écoute de sa Parole qui ne cesse de nous appeler à marcher dans ses pas, à être doux et humbles
Toute notre vie de foi, notre vie de prière nous ouvre au Christ présent dans chaque homme. Entendez Jean Chrysostome :
« Tu veux honorer le corps du Christ ? ne le méprise pas lorsqu’il est
nu, tu recouvres sa table de nappes brodées d’or et tu ne lui donnes
pas l’abri dont il a besoin..
« Penses-tu qu’il en est ainsi pour le Christ, lorsqu’il erre vagabond,
étranger, à la recherche d’un abri. Et tu négliges de l’accueillir, tu
t’en vas embellir le pavé, les murs
« tu suspends des lustres avec des chaînes d’argent, et tu refuses d’aller le voir enchaîné dans sa prison
« Lors donc que tu ornes l’église, ne néglige pas ton frère qui
est dans l’affliction : ce temps-ci est plus précieux que cette maison
là »
L’esprit nous fait découvrir que la sainteté ne saurait être sans
engagement au service de la justice, ni sans solidarité avec les
pauvres et les opprimés
« A quoi cela sert-il, mes frères, si quelqu’un dit « j’ai la foi
», s’il n’a pas les œuvres ? La foi peut-elle le sauver ? Si un frère
ou une sœur sont nus, s’ils manquent de leur nourriture quotidienne, et
que l’un d’entre -vous leur dise : « Allez en paix, chauffez-vous »,
sans leur donner ce qui est nécessaire à leur corps, à quoi cela
sert-il ? Ainsi en est-il de la foi : si elle n’a pas les œuvres, elle
est tout à fait morte. » (Jc 2,14-17)
A la suite de Mère Térésa et de tant d’autres, chacun peut dire : «
Jésus est présent dans le corps brisé, dans la vie brisée de ces gens
qui souffrent. Ma façon de servir Jésus, c’est de les servir »
Dans le cours de toute existence le oui et le non sont inextricablement
mêlés. Parfois nous répondons à l’appel des hommes et parfois nous
refusons. Viendra le jour où, pour chacun, le Fils de l’homme démêlera
le oui et le non. Dieu séparera en chacun le oui et le non. Pour
chacun, tout acte d’amour demeurera pour l’éternité. Et le reste sera
jeté dehors, brûlé pour toujours.
Croyons que tout acte d’amitié pur et désintéressé a une portée
immense. En attendant ce jour, comme avocat, comme chrétien, répondons
à l’appel des hommes le plus souvent possible. Ne nous dérobons pas au
prisonnier, à l’affamé de pain, de justice ou d’amitié, à l’assoiffé de
compréhension, de paix, de tendresse. Et, parmi tous les pauvres de la
terre, n’oublions pas de nous compter nous-mêmes. Car chacun de nous, à
certaines heures, est lui-même assoiffé, prisonnier, dépouillé, démuni.
Ayons aussi compassion de nous-mêmes. Comptons-nous aussi au nombre des
pauvres que Dieu aime.
Seigneur, voici Monique. Accueille-la, pardonne-lui ce qu’elle n’a pas
fait et ne regarde que sa charité, son amour, son dévouement et sa foi !
Gérald PRIVÉ
Saint Nazaire le 12 août 2016