Homélies pour des funérailles


retour vers l'accueil

Le contexte :

Homélie pour les obsèques de Léonie

Textes choisis :
1 Jean 4,7-11  /  Ps 22  / Luc 12,35-40

 
        Chère famille en deuil,
        Sœurs et frère en Christ, sœurs et frères en humanité, réunis autour de la dépouille de Léonie dans cette église d’Urmatt où elle venait régulièrement tant que sa santé le lui a permis, nous voulons confier Léonie à la miséricorde de Dieu et laisser résonner en nous cette parole de Dieu que nous venons d’écouter.
        La lettre de St Jean s’adressait probablement à une communauté divisée, égarée sur des chemins d’interminables discussions théologiques. Elle s’adresse à nous aujourd’hui : pour nous ramener à la réalité essentielle de notre foi chrétienne. A savoir : que Dieu est amour, et que tout ce qui est amour en nous, vient de Lui. Chaque fois que nous aimons, « non pas par des paroles et des discours,  mais par des actes et en vérité » nous nous mettons au diapason de Dieu. C’est ce qui est exprimé dans les premiers mots de cette hymne du Moyen âge : « Ubi caritas et amor, Deus ibi est » qu’on peut traduire par : « Là où sont charité et amour, Dieu est présent ». De par sa grande foi et son attention aux autres, Léonie avait sans doute compris et vécu cela.
        C’est Dieu qui a fait le premier pas en envoyant son Fils Jésus qui a pris notre chair et est mort par amour pour nous. Cet amour sans mesure de Dieu pour nous, s’est manifesté dans la vie et la mort de son Fils Jésus. Il n’est que de lire les évangiles – autant avec son cœur qu’avec ses yeux – pour nous émerveiller du regard d’amour que Jésus pose sur toutes celles et tous ceux qu’il rencontre : des personnes aussi différentes que l’aveugle Bartimée, la femme adultère, le riche publicain Zachée, Marie Madeleine, fidèle entre les fidèles, le centurion de l’armée romaine, ses amis Lazare, Marthe et Marie, la Samaritaine, le jeune homme riche, les Apôtres, le bon larron etc... Tous sont devenus témoins et diffuseurs de cet amour manifesté en Jésus et qui prend différentes formes liées aux situations particulières rencontrées. Cet amour est multicolore. Il est tantôt guérison, pardon, indulgence, réconfort, compassion, tendresse, lumière, sagesse...
        Dans l’évangile de Luc, Jésus nous dit : « Restez en tenue de service votre ceinture autour des reins, et vos lampes allumées » et plus loin : « Tenez-vous prêts ». Qu’est-ce que cela peut signifier pour nous quand la mort d’un être aimé fait irruption dans nos vies, qu’elle vient bousculer nos espoirs, nos certitudes et qu’elle sème en nous le doute, trouble notre foi en Dieu mais nous rappelle que nous sommes des passants sur cette terre?
        Rester en tenue de service, ça ne veut pas dire devenir des activistes de Dieu, faire des actions d’éclat. Etre chrétien ce n’est pas avant tout de faire,  ni de vouloir le grand nombre dans une société dont une large part est devenue indifférente à l’Eglise. Cela veut dire plutôt d’être à l’écoute de Dieu dans sa Parole et à travers les signes qu’il met sur notre route. C’est être témoin de l’amour du Dieu de la Vie auprès de tous ceux que nous croisons. C’est refuser de se laisser enfermer dans la nostalgie du passé mais laisser Dieu convertir nos cœurs et nos regards pour « avancer au large ». Quel que soit notre rang, notre situation, notre couleur, notre sexe, notre nationalité, Dieu nous appelle tous à être, de manière concrète, au service de l’Evangile et au service de nos sœurs et frères en humanité. Plus particulièrement aux côtés des plus fragiles, des laissés pour compte de nos sociétés, de ceux qui n’existent dans le regard de personne, des mendiants d’amitié.
        Jésus nous invite à être vigilants, à nous tourner vers Lui pour répondre aux exigences de l’Evangile. A être prêts pour le passage sur l’autre rive comme ce fut le cas pour Léonie. A préparer le grand Rendez-vous quand nous verrons Dieu face à face. Même si nous avons du mal à imaginer cet au-delà de la mort à partir de nos catégories humaines. Même si nous vacillons dans les ténèbres de nos doutes, de nos fragilités ou de nos contradictions. Jésus nous invite à nous tenir dans une joyeuse attente pour le jour des retrouvailles avec Léonie et tous ceux qui ont franchi les frontières de la mort. Mais en attendant le jour et l’heure, soyons des chrétiens heureux. Heureux de nous savoir aimés de Dieu. Heureux de semer un peu de bonheur autour de nous. Heureux d’expérimenter dès ici-bas la vie éternelle.
        Sœurs et frères, gardons allumées les lampes de notre foi. Comme Léonie l’a fait,  entretenons le feu de l’amour que Dieu a mis en nous. Si notre foi chrétienne s’étanche à la source de la Parole de Dieu et se nourrit du pain eucharistique, nous ne pouvons en rester là ! C’est au sortir de nos eucharisties, en quittant nos églises ou nos réunions de prières, que nous sommes envoyés pour rejoindre les périphéries -comme aime à le répéter le pape François. C’est dans le monde d’aujourd’hui où la violence, les injustices, le mépris semblent dominer, c’est dans ce monde-là que nous sommes appelés à propager et partager l’amour dont Dieu nous aime. Nos plus petits gestes d’amitié, d’entraide, de bienveillance, d’écoute, nos attitudes de tolérance prendront alors les saveurs de l’amour divin et feront scintiller dans le cœur de ceux que nous croisons des étoiles de bonheur. Soyons des chrétiens heureux,
        Comme Léonie, nous traverserons tôt ou tard – comme il est dit dans le psaume 22 « les ravins de la mort ». N’ayons pas peur car notre Berger c’est le Seigneur. « Pourquoi sommes-nous si avares de nous-mêmes » questionnait mon ami Jean Sulivan. Oui, pourquoi, chers sœurs et frères en Jésus-Christ, mettons-nous tant d’énergie à amasser des trésors périssables alors que le seul trésor impérissable est à portée de nos cœurs et de nos esprits : ce trésor, c’est l’amour que Dieu nous offre en Jésus pour qu’à notre tour nous puissions l’offrir à nos prochains. A condition de veiller à laisser ouverte la porte de notre cœur pour y accueillir l’Esprit de Dieu.
        En union avec Léonie, dans la communion des Saints, je vous invite, humblement, dans le quotidien de vos vies, à offrir chaque jour un peu plus le meilleur de vous-mêmes. Et dans cette célébration eucharistique, puissions-nous être unis à la divinité de Celui qui a pris notre humanité »

        AMEN
 

Arsène BUCHHOLZER, diacre permanent
Jeudi 7 février 2019