Ce soir nous venons de différents horizons :
certains sont habitués de cette église, de cette paroisse. Certains
sont en vacances en famille et ne sont que de passage.
Vous venez régulièrement à la Messe ou vous vous en êtes un peu éloignés mais Noël est une fête importante pour votre famille.
Tous ensemble ce soir, nous nous réjouissons mais, est ce que nous
formons un peuple ? C’est le mot qui est commun aux trois textes ainsi
que le psaume que nous venons d’entendre.
« Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière »
« Racontez à tous les peuples sa gloire »
« Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne
nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : aujourd’hui vous est né
un Sauveur»
«La grâce de dieu s’est manifestée pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien. »
Nous entendons souvent dire que la Foi c’est personnel, cela relève de
la vie privée de chacun et même parfois que l’Eglise est une
institution qui fait obstacle à notre relation avec Dieu et que
directement on pourrait mieux prier et parler à Dieu, individuellement.
Avez-vous remarqué que dans la crèche, dans la plupart des
représentations de la nativité, Jésus nous tend les bras ? Il nous
invite, il nous accueille les bras grands ouverts : il y a surement de
la place pour chacun dans cette embrassade. Quand un petit enfant vous
tend les bras, vous avez envie de lui rendre son câlin.
Aujourd’hui, en ce jour de Noël, Dieu est venu prendre chair de notre humanité.
Dieu choisit de se faire l’un de nous pour être le plus proche possible
: Dieu proche de nous et nous proche de Dieu. Bien sûr il est né dans
une culture, à une époque mais pour accueillir et embrasser tous les
hommes et toutes les femmes de toutes les époques et de toutes les
cultures.
Comme nous le répète le pape François dans l’exhortation EVANGELII
GAUDIUM sur la joie de l’Evangile : “Jésus Christ t’aime, il a donné sa
vie pour te sauver, et maintenant il est vivant à tes côtés chaque jour
pour t’éclairer, pour te fortifier, pour te libérer”.
Mais à quoi cela nous avancerait d’être sauvé, aimé, libéré, tout seul ?
Une joie qui n’est pas partagée a-t-elle un sens ?
Si l’on demande dans la rue aux passants de résumer le message du
Christ on entendrait « aimez vous les uns les autres » et c’est très
juste.
Mais pour manifester cet amour il faut être avec les autres, à proximité.
Au IIème siècle le théologien de Carthage, Tertullien disait des
chrétiens: «Voyez comme ils s'aiment !" «C'est à l'amour
que vous aurez les uns pour les autres que l'on reconnaîtra que vous
êtes mes amis» nous a dit Jésus.
Ici en Loire Atlantique nous aimons bien le Football club de Nantes,
les canaris qui ont été 8 fois champions de France et qui ont gagné 3
coupes de France avec une particularité que l’on recherche encore : «
le jeu à la nantaise » un jeu volontairement très collectif !
On voit souvent des joueurs de foot exceptionnels rester à vivoter dans
une équipe où chacun joue pour soi. Nous sommes ensemble, pour avancer
ensemble, pour être sauvés ensemble.
Autre exemple, dans le Seigneur des anneaux, la quête de Frodon n’est
pas solitaire mais il est accompagné de personnages différents avec
chacun leurs qualités et les uns et les autres s’encouragent ou se
complètent dans les difficultés : cette quête est plutôt solidaire.
Vous recevez tous les jours des demandes de pétition dans votre boite mail : et çà marche car unis on est plus fort.
Très vite après le récit de la Création dans le livre de la Genèse au
début de la Bible Dieu dit : « il n’est pas bon que l’homme soit seul »
(Ge 2, 18)
Dans un couple, les deux conjoints se complètent et s’équilibrent : ils
sont différents mais comme le dit le proverbe africain : « tout seul on
va plus vite, ensemble on va plus loin ».
C’est tout de même plus sympa quand les frères et sœurs jouent ensemble plutôt que chacun dans sa chambre.
Saint Paul l’exprimera autrement en parlant du Corps du Christ dont
nous sommes tous membres bien que tous différents : le pied n’est pas
l’œil ni la main mais si l’un manque cela marche moins bien. En
sommes-nous conscients ? Si mon voisin de droite n’est pas là l’Eglise
est incomplète.
Dans cette nuit de Noël, reprenons l’Evangile.
Marie et Joseph sont un peu perdus loin de chez eux, 150 km environ qu’ils viennent de parcourir à pied.
Ils ne sont pas accueillis car chacun s’occupe de ses affaires et ne veut pas de dérangement.
Les anges ne trouveront que des bergers disponibles, c'est-à-dire des
parias, exclus car leur métier les excluait de la communauté.
Et pourtant St Paul nous dit que par cette naissance d’un bébé dans une
mangeoire : « La grâce de Dieu s’est manifestée pour faire de nous son
peuple »
C'est donc la transformation de l'humanité tout entière qui est au
programme, si l'on peut dire, car le projet de Dieu, prévu de toute
éternité, c'est de nous réunir tous autour de Jésus-Christ, serrés
jusqu'à ne faire qu'un avec lui. Réunir, c'est-à-dire surmonter nos
divisions, nos rivalités, nos haines, pour faire de nous un seul corps
! Il y a encore du chemin à faire, c'est vrai ; tellement de chemin que
les incroyants disent que c'est une utopie.
Mais les croyants affirment que puisque c'est une promesse de Dieu,
c'est une certitude ! Paul dit bien : "Nous attendons le bonheur que
nous espérons avoir, quand se manifestera la gloire de Jésus-Christ,
notre grand Dieu et notre Sauveur." "Nous attendons", cela veut dire
"c'est certain, tôt ou tard, cela viendra."
Evidemment cela ne va pas se faire d’un coup de baguette magique : il faut que chacun y mette du sien.
Même si nous sommes dans une société qui nous pousse à être, individuellement, le maître de nos vies.
Nous avons besoin de faire la paix, avec nous-mêmes parfois, avec ceux
qui nous entourent, les plus proches, notre propre famille. Nelson
Mandela qui est décédé récemment en avait fait une règle : après 27 ans
de prison injuste et tant de crimes impunis il aurait pu essayer de se
venger. Il a choisi d’organiser une Commission Vérité et Réconciliation
: les victimes exprimaient leurs souffrances et les bourreaux venaient
publiquement demander pardon pour leurs fautes (des meurtres parfois).
Si leurs victimes ou leurs familles acceptaient cette demande de
pardon, il n’y avait pas de peine de prison ou de condamnation.
« Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime. »
Si nous nous tournons vers Dieu, reconnaissant en Lui un maître pour
notre vie, simplement en Lui laissant une place, peut être trouverons
nous la paix ?
Et je voudrais terminer avec des paroles extraites du dernier texte du
Pape François : « Ce salut, que Dieu réalise et que l’Église annonce
joyeusement, est destiné
à tous, et Dieu a donné naissance à un chemin pour s’unir chacun des
êtres humains de tous les temps. Il a choisi de les convoquer comme
peuple et non pas comme des êtres isolés.83 Personne ne se sauve tout
seul, c’est-à-dire, ni comme individu isolé ni par ses propres forces.
Dieu nous attire en tenant compte de la trame complexe des relations
interpersonnelles que comporte la vie dans une communauté humaine. Ce
peuple que Dieu s’est choisi et a convoqué est l’Église. Jésus ne dit
pas aux Apôtres de former un groupe exclusif, un groupe d’élite. Jésus
dit : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples » (Mt
28, 19). Saint Paul affirme qu’au sein du peuple de Dieu, dans
l’Église, « il n’y a ni Juif ni Grec […] car tous vous ne faites qu’un
dans le Christ Jésus » (Ga 3, 28). Je voudrais dire à ceux qui se
sentent loin de Dieu et de l’Église, à ceux qui sont craintifs et
indifférents : Le Seigneur t’appelle toi aussi à faire partie de son
peuple et il le fait avec grand respect et amour ! »
Philippe ARRIVE, Diacre permanent
Vertou, le 24 Décembre 2013