Nuit de Noël

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        Ce soir, vous avez quitté pour un moment votre maison pour fêter dans cette église, en famille, entre amis, l’anniversaire d’une naissance, la naissance de Jésus né à Bethléem il y a un peu plus de 2000 ans. En quoi cette naissance, en apparence si infime à l’échelle des événements de l’histoire, est-elle si remarquable au point de susciter depuis 20 siècles et encore aujourd’hui, du recueillement, de la foi et de l’espérance ?

        Nous le savons et nous le croyons : cet événement n’est pas infime, tout comme chaque naissance n’est pas infime. Chaque naissance signifie l’avènement de la vie, une vie sacrée que nul n’a le droit de toucher. Mais, dans la foi chrétienne, la naissance de Jésus a une résonance colossale à l’échelle de l’univers, de l’humanité et de chacune, chacun d’entre nous. Pour cela, revenons à l’essentiel, avec la foi qui nous anime, là où elle se situe dans ses avancées, ses doutes, ses questions, avec notre réel d’aujourd’hui, ce qui fait notre vie.
        Nous célébrons cette nuit la rencontre la plus intime qui soit entre Dieu et l’humanité.
        Nous croyons que notre monde n’est pas né à partir du néant, pour errer nul part, et retourner au néant. Le Dieu dans lequel nous croyons est un Dieu créateur, source de l’amour et de la vie.
        Mais notre foi chrétienne va encore plus loin, et c’est ce que fêtons ce soir. La compassion de Dieu, son amour pour les femmes et les hommes, c’est-à-dire sa miséricorde, l’a conduit à se faire homme, à s’immerger dans l’évolution du monde, dans l’histoire d’un peuple, au cœur de réalités difficiles à vivre. C’est ce qu’on dénomme l’incarnation.
        Dieu ne reste pas lointain, inaccessible, immatériel. En écoutant les récits de la naissance de Jésus, nous sommes interpellés par le réalisme, loin du mythe ou de l’histoire enjolivée : un peuple, le peuple juif sous occupation romaine, une famille modeste, celle de Marie et Joseph, un déplacement forcé dans une autre ville pour cause de recensement alors que Marie est sur le point d’accoucher, une absence de lieu d’accueil digne pour dormir et pour mettre au monde l’enfant. C’est tout sauf une histoire merveilleuse destinée à nous endormir. C’est dans ces conditions de vie que Dieu s’est fait homme, des conditions que connaissent encore beaucoup de familles. Sept siècles avant la venue de Jésus, le prophète Isaïe nous le déclare : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière, et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi ». Aujourd’hui encore, beaucoup d’entre nous, ou proches de nous, ou plus loin, vivent l’ombre et les ténèbres. Louis-Raphaël SAKO, patriarche de Babylone des Chaldéens, écrivait hier soir : « En Irak, nous allons célébrer la naissance du Christ qui vient dans nos cœurs, dans le silence et les larmes, sans manifestations ni réceptions de fêtes ; néanmoins nous resterons habités par la paix intérieure qui perpétue la joie de la foi et l’espérance que nous allons, malgré les épreuves, vers un pays plus juste et un avenir meilleur ».
        Plongés au cœur de la nuit, il demeure possible d’entrevoir la lumière.
        Dieu nous rejoint en personne pour éprouver et partager notre condition humaine. Dieu se fait notre compagnon pour nous convaincre que, avec lui, le mal, la souffrance et la mort n’ont pas d’avenir. Dieu parle, Dieu agit en la personne de Jésus, pour nous irradier d’amour, de miséricorde et d’espérance. Le concile Vatican II déclare : « Par son incarnation, le Fils de Dieu s’est uni en lui-même à tout homme. Il a travaillé avec des mains d’homme, il a pensé avec une intelligence d’homme, il a agi avec une volonté d’homme, il a aimé avec un cœur d’homme. » (GS n°22).
        Cette rencontre de Dieu avec nous débute dans la nuit, dans la précarité et la fragilité du nouveau-né confié à Marie et Joseph. La grandeur de Dieu, c’est de commencer petit et vulnérable dans l’humanité. La toute-puissance de Dieu, c’est l’amour capable de briser la pierre, et parfois plus dure que la pierre, le cœur humain. On peut parfois oublier Dieu, le mettre de côté, passer à autre chose. Mais l’amour ne peut pas disparaître : il est inscrit en nous. La source de l’amour peut encore moins disparaître : elle est inscrite en nous. Notre recherche de Dieu, même si elle fait parfois de longues pauses, est inscrite en nous.
Car la rencontre avec Dieu n’est pas une théorie, mais une expérience dans le concret de la vie.
        Cette révélation, que la crèche met en lumière, n’est pas seulement un fait dont on prend note. Cette révélation nous engage à avancer sur le chemin ouvert par le Christ. Chaque fois que nous posons une parole ou un acte axé sur l’amour, la paix, la réconciliation, la solidarité, la fraternité, la compassion, nous contribuons à notre mesure à nous rapprocher personnellement et collectivement de Dieu. Notre vie chrétienne, incarnée dans le monde par nos activités, nous offre d’anticiper ici et maintenant la vie divine, je dirais même d’accélérer la marche laborieuse des femmes et des hommes, vers la source divine.
       
Alors, comment poursuivre notre route ? Nous sommes appelés à poursuivre notre route selon deux dimensions, l’une horizontale, l’autre verticale, ce qui nous rappelle la croix. La dimension horizontale consiste à resserrer les liens qui nous unissent, en imitant le Christ. Imiter le Christ, c’est possible, c’est accessible en redécouvrant sa Parole, en vivant un pèlerinage, comme le passage d’une porte sainte que notre paroisse vivra à l’automne à Valfleury dans le cadre du jubilé de la miséricorde proposé par le pape François. La dimension verticale consiste à approfondir en nous-mêmes notre lien intime avec Dieu. Nous avons besoin d’intériorité pour lutter contre le découragement, et retrouver, comme disait Saint Augustin, celui qui est plus intime en nous-même que nous-mêmes.
L’enfant tout juste né dans la crèche continue donc à nous appeler à la vie, cette vie que nous avons reçue et que nous donnons, chacun à notre manière, et parfois fort discrètement. Chacun de nos gestes, chacune de nos paroles sont capables de porter l’espérance contenue dans la vie d’un nouveau-né, surtout si ce nouveau-né est « Dieu parmi nous », c’est-à-dire le Christ Jésus.


Christophe DONNET, diacre permanent
24 décembre 2015
Paroisse St Benoît – Diocèse de St-Etienne


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