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retour vers l'accueilJeudi Saint
Quel génie ce Jésus ! (vous me direz, vu ses origines…)
Un pot de départ
Il sait qu’il va partir, qu’il va quitter ses amis, ses disciples, pour
rejoindre son Père. Eux ne l’ont pas encore compris…, mais lui le sait
et il organise les choses en conséquence.
Or justement, que faisons-nous traditionnellement lorsque quelqu’un
nous annonce son départ, au travail, dans la paroisse, dans une équipe
? On organise un pot de départ ! (sauf en ce moment, et j’en sais
quelque chose...) Et bien nous n’avons rien inventé ! La preuve : les
évangiles nous rapportent que Jésus réunit ses plus proches compagnons
pour partager un repas pour l’occasion.
En revanche, si l’on s’en réfère aux évangiles synoptiques (Marc, Luc
et Matthieu), la manière de faire de Jésus nous apparaît comme
radicalement différente de la nôtre : en effet, nous avons coutume lors
du départ de quelqu’un, d’évoquer une relecture du passé et de faire
l’éloge de la personne dans la collaboration vécue avec elle. Au
contraire, selon le récit de ces 3 évangélistes, Jésus, lui, ne revient
pas sur son passé ; il évoque l’avenir et il saisit ce moment pour
instituer un rite nouveau : le partage du pain et du vin comme étant
son corps livré et son sang versé par amour. Et en s’inscrivant dans la
tradition ancestrale de la Pâque juive, il demande à ses disciples de
pérenniser ce rituel en mémoire de lui ! Et l’horizon qu’il envisage à
ce moment n’est pas le court terme, mais bien l’éternité ! Or, 2000 ans
plus tard, nous sommes toujours ici pour célébrer l’Eucharistie !
Dans l’évangile que nous venons d’écouter, Jean, contrairement à ses 3
homologues, n’évoque pas le repas de la Cène mais relate à la place
l’épisode du lavement des pieds. Ce faisant, il illustre et magnifie
par ce geste symbolique, les nombreux enseignements et exemples donnés
durant les 3 années passées avec ses disciples. Et même s’il s’appuie
sur le vécu récent, Jésus va aussi se projeter sur l’avenir en leur
demandant de faire ce geste à leur tour, indiquant ainsi la vocation de
service et de charité à laquelle il appelle chacun d’eux… et chacune et
chacun de nous !
Quelle que soit la scène que nous retenons, ce qui se passe ce soir-là
donne tout leur sens aux événements qui vont suivre, la nuit même et le
lendemain. Deux manières de dire jusqu’où peut aller l’amour de Jésus
pour les hommes : « il les aima jusqu’au bout ».
Je donne ma vie
Jésus donne par avance ce que les hommes veulent lui prendre : sa vie.
Ce faisant, il inverse le cours des choses : tu veux prendre ? Eh bien
je te précède, et je me donne ! Jésus assume d’avance les événements
qui vont suivre : « Ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la
donne ».
Or Jésus sait que la nourriture fondamentale de l’homme, ce qui nous
fait exister et nous tient en vie, c’est Dieu lui-même, son Père et
notre Père ; il sait que ce qui est la source de notre être, c’est
l’amour, son amour et notre amour les uns pour les autres ! C’est
pourquoi Jésus a choisi le pain et le vin pour signifier son être
propre, livré et destiné à nourrir l’humanité. Il avait d’ailleurs
déclaré aux Juifs qu’il est « le vrai pain donné pour la vie des hommes
». On n’avait pas compris. Normal, c’est le « mystère de la foi » !
Et nous savons bien que le pain et le vin, dans nos pays, sont
nourriture courante, nourriture de tous les jours, dont le symbolisme
est profond : « fruit de la terre et du travail de l’homme », exprimant
à la fois le rapport de l’homme avec la nature et le rapport de chacun
de nous avec tous les autres… Thèmes chers à notre Pape François,
développés dans ses 2 encycliques « Laudato Si » et « Fratelli Tutti »,
qui nous ont guidés durant notre chemin de Carême.
Effacer la saleté
Eh bien frères et soeurs, le geste du lavement de pieds a la même
signification ! Nous rappelant que c’était le sale travail des esclaves
de laver les pieds de ceux qui entraient dans la maison, le « maître
qui se fait esclave » nous invite à « faire cela », comme il l’a
fait pour ses disciples.
Par cet autre exemple, Jésus nous invite à dépasser la reproduction des
rites : c’est dans la vie de tous les jours qu’il s’agit de nous mettre
au service des autres ! Et ce faisant, Jésus nous dit qui est Dieu :
celui qui se met au service des hommes, de leur vie, de leur vérité.
Pour effacer la saleté ramassée sur la route humaine, la pollution
inévitable de nos parcours… C’est en cela que nous avons à imiter Dieu
lui-même : en aidant les hommes à retrouver leurs priorités.
Au fond, le génie de Jésus est de nous avoir démontré que la meilleure
manière de « faire mémoire » du Christ, c’est la charité, le partage,
l’amour…, partout, tout le temps et avec tout le monde… une charité et
un amour qui nous entraîne « jusqu’au bout » de nous-mêmes.
Frères et sœurs, c’est bien la tâche qui nous est assignée... Le monde
a besoin de chacune et chacun de nous… parce que « nous habitons tous
la même maison » !
Amen.
Patrick JAVANAUD, diacre permanent
(avec la complicité de mes frères prêtres et de l’Esprit-Saint)
1er avril 2021
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