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Épiphanie
« Jérusalem,
[…] voici que les ténèbres couvrent la terre, et la nuée obscure couvre
les peuples. Mais sur toi se lève le Seigneur, sur toi sa gloire
apparaît. »
Voilà une bonne nouvelle ! Le chapitre 60 du Livre d’Isaïe commence par
ces mots que nous avons entendus dans la première lecture. Cette
bonne nouvelle, annoncée plus de 700 ans avant la naissance de Jésus,
nous fait évidemment penser à cette naissance, à la venue du messie, du
christ Jésus, et donc à Noël. Et sa révélation à tous les peuples,
c’est-à-dire son épiphanie, est l’événement que nous fêtons
aujourd’hui. Mais cette annonce, cette prophétie, ne se limite pas à
l’événement d’un jour, à un certain moment. Il peut s’appliquer à toute
période de l’Histoire, il est pour ainsi dire la révélation continue
d’une vérité permanente.
« Voici que les ténèbres couvrent la terre, et la nuée obscure couvre les peuples. »
Cette obscurité qui couvre les peuples, c’est bien sûr l’ignorance, la
non-connaissance de la Vérité. Et la Vérité c’est le Christ. Sa venu
dans le monde, la naissance de Dieu parmi les hommes, cet événement
inouï, unique dans l’Histoire, nous le fêtons chaque année à Noël et
plus largement, à l’épiphanie. Tellement unique dans l’Histoire que
c’est à partir de cet événement que l’Histoire s’écrit et se lit. Sur
toute la terre désormais, les années se comptent « avant Jésus-Christ »
ou « après Jésus-Christ ». Même dans les peuples non-chrétiens, même en
Chine où, depuis cette année, le calendrier officiel est le calendrier
chrétien. Certes, ce n’est pas par adhésion de tout le peuple chinois à
la foi chrétienne, loin de là, mais simplement pour des raisons
pratiques d’ajustement au reste du monde.
Il y a donc un « avant » et un «
après ». Avant la venue de Jésus, l’Emmanuel, Dieu parmi nous, et
après. Et nous avons cette chance de vivre dans cet « après ».
Pourtant, ces « ténèbres [qui] couvrent la terre, et la nuée obscure
[qui] couvre les peuples » ne se sont pas dissipées miraculeusement le
jour de la naissance de Jésus. Elle sont présentes encore aujourd’hui,
partout et pour toujours jusqu’à l’accomplissement des temps,
c’est-à-dire jusqu’au retour du Christ dans sa gloire. Ces ténèbres,
cette nuée obscure, on les trouve partout où la Vérité n’est pas
accessible. Partout où Dieu n’est pas connu, où sa Parole n’est pas
annoncée ou pas reçue ; partout où sa Parole n’est pas acceptée, ou pas
mise en pratique. Partout où la Vérité est cachée, détournée, ou
interdite.
Cette nuée obscure, c’est
l’obscurantisme de tous les temps. Si on a reproché à l’Eglise
catholique d’avoir été responsable d’un obscurantisme à une certaine
époque, il semblerait qu’aujourd’hui, l’obscurantisme ait changé de
camp. Dans le monde en général, mais aussi chez nous, ce sont plutôt
les croyants qui sont empêchés d’accéder à la vérité. Ce glissement
auquel nous assistons est porté principalement par nos modes de vie qui
ont progressivement dévié et qui nous détournent de l’essentiel. Dans
nos sociétés occidentales, on se tourne de plus en plus vers le
bien-être individuel, et ce même mouvement nous détourne du bien commun
et de l’intérêt général, relativisant les valeurs fondamentales au
profit de « nouvelles valeurs » dont le bénéfice pour l’humain est
douteux. L’individu est roi, et la personne humaine est déchue.
L'individu est seul et indépendant de tout contexte, seule sa volonté
est
souveraine ; tandis que la personne humaine est dépendante de ses
relations, sa raison d’être est l’amour.
Ainsi, le respect de la vie est
maintenant sous la tutelle du respect de la volonté individuelle ; la
fidélité est considérée comme une restriction de la liberté ; la
charité, c’est-à-dire l’amour de Dieu et l’amour de chacun, se réduit
souvent à une simple action ponctuelle de solidarité (et si possible,
médiatisée !)
A l’opposé, d’autres « valeurs »
apparaissent, comme le consumérisme qui nous fait préférer le père Noël
à l’enfant Jésus et le pouvoir d’achat à celui de donner ;
l’égalitarisme, qui diabolise l’inégalité comme si elle était
nécessairement mauvaise, niant ainsi toutes les vertus de la
complémentarité ; la tolérance, qui suppose que tout est tolérable ; et
bien-sûr, la laïcité, qui est souvent mal comprise. La tentation est
alors de l’instrumentaliser pour promouvoir un athéisme obligatoire et
salutaire.
Dans ce monde en crise, sur cette
terre recouverte de cette « nuée obscure », où la place de l’homme
lui-même est remise en question, on pourrait facilement déprimer, ou
choisir la résignation comme seule planche de salut. Faire comme tout
le monde pour ne pas sombrer. Mais l’épiphanie vient nous rappeler
aujourd’hui que la lumière n’est pas définitivement éteinte. « Debout, Jérusalem ! Resplendis ! Elle est venue, ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi.
» C’est l’espérance qui nous est redonnée par ce message prophétique
d’Isaïe. Cette espérance, qui doit nous habiter toujours et tous les
jours, St Paul nous en livre un aspect dans sa lettre aux Ephésiens :
il nous parle d’un mystère qui « n’avait
pas été porté à la connaissance des hommes des générations passées,
comme il a été révélé maintenant à ses saints Apôtres et aux prophètes,
dans l’Esprit. Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées
au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans
le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile. » En clair, et
c’est ce que signifie épiphanie, la lumière de Dieu brille pour tous
les hommes. Toutes les nations, ça veut dire tous les peuples, tous les
habitants de la terre. Si nous sommes associés au même héritage, c’est
que nous avons le même père, donc que nous sommes tous frères et sœurs.
L’espérance réside dans la fraternité universelle que Dieu nous révèle.
Cette espérance, ces « mages venus d’orient » viennent la confirmer :
la Bonne Nouvelle n’est pas réservée aux seuls juifs de l’époque, mais
elle est annoncée à tous les peuples, représentés symboliquement par
ces mages, ces étrangers. Elle est même plus qu’annoncée, elle est
accueillie avec joie : « Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent
d’une très grande joie. » même les étrangers, même les ennemis. : « En
grand nombre, des chameaux t’envahiront, de jeunes chameaux de Madiane
et d’Épha. Tous les gens de Saba viendront, apportant l’or et l’encens
; ils annonceront les exploits du Seigneur. »
Oui, « les ténèbres couvrent la
terre, et la nuée obscure couvre les peuples. Mais sur toi se lève le
Seigneur, sur toi sa gloire apparaît. » Ce message est un message de
fraternité, et la fraternité ne peut qu’engendrer la paix. Que cette
année qui commence nous permette de mieux vivre cette fraternité, pour
que la paix ne reste pas qu’un souhait, mais devienne, pour tous, une
réalité.
Amen !
Daniel BICHET, diacre permanent.
Clisson et Monnières.
8 janvier 2017
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