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Épiphanie
Epiphanie ! Quel mot étrange ! Comme beaucoup d’autres, ce mot nous
vient du grec, et signifie quelque chose comme « manifestation au monde
». A l’origine, on appelait aussi cette fête « Théophanie »,
manifestation de Dieu. L’épiphanie, c’est une théophanie, manifestation
de Dieu, mais au-delà des limites du monde juif. En effet, les mages,
par leur présence, incarnent ces peuples non-juifs, venus de pays
lointains, qui sont aussi concernés par la venue de Dieu dans le monde.
C’est d’ailleurs ce que nous dit St Paul, dans sa lettre aux Éphésiens
: « Le mystère de Dieu, c'est que
les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de
la même promesse, dans le Christ Jésus, par l'annonce de l'Évangile ».
Ce n’est pas exactement ainsi que les croyants juifs de l’époque
imaginaient le Messie ! Ce n’est pas non-plus ainsi que se l’imaginent
les non-croyants qui nous interrogent sur notre foi.
A l’épiphanie, Dieu se manifeste donc. Avez-vous remarqué à qui il se
manifeste ? En premier lieu aux petits et aux pauvres, aux marginaux,
représentés par les bergers ; puis aux étrangers comme ces mages qui
sont les premiers à venir l’adorer. Cette manifestation se fait dans
l’humilité, la simplicité. Pour ainsi dire, dans le secret. Ce récit
appartient d’ailleurs à un ensemble de textes qui constituent ce que
nous avons coutume d’appeler « la vie cachée » de Jésus, par opposition
à sa vie publique. Vie cachée, parce que justement cette humilité,
cette simplicité est tellement inattendue, que le peuple n’est pas prêt
à l’accueillir telle quelle. Un dieu qui ne serait pas un chef
tout-puissant ne peut pas être accepté d’emblée comme un dieu. Il faut
préparer les cœurs pour comprendre qui est ce Dieu si singulier, qui ne
fait rien comme les autres dieux. Ce n’est que parvenu à l’âge adulte
que Jésus pourra se dévoiler pleinement, et progressivement. Et c’est
encore bien plus tard, après sa Résurrection et éclairés par elle, que
ses disciples pourront proclamer ce récit de naissance cachée, dans la
simplicité, la pauvreté, l’humilité.
Ce Dieu qui se fait petit enfant, faible et petit, sans défense, pour
nous encore aujourd’hui, ce n’est pas si facile à admettre. On
l’aimerait parfois fort et tout-puissant pour intervenir dans notre
monde, sauver les justes et punir les méchants. En particulier
lorsqu’on voit ses disciples d’aujourd’hui, les Chrétiens de par le
monde, être la cible facile, sans défense et sans revanche, de quelques
groupes terroristes ou politiques, comme lors de ces nombreux attentats
anti-chrétiens perpétrés ces dernières années. Je relève en particulier
cet attentat tout récent qui a fait 35 morts dans une église le jour de
Noël au Nigéria, suivi par l’incendie d’une trentaine de commerces
tenus par des chrétiens. Qui en a parlé dans nos médias occidentaux ?
Et puis, regardons aussi avec lucidité vers ces pays où le « printemps
arabe » dont on s'est réjoui semble avoir laissé place à un « automne
islamique », où la sécurité des chrétiens semble de plus en plus
compromise. Ces événements dramatiques nous rappellent cette pauvreté,
cette faiblesse apparemment impuissante, cette vulnérabilité qui
entoure la naissance de Jésus, lui qui est pourtant le fils de Dieu. Le
Pape Benoît XVI l’a rappelé récemment, les chrétiens constituent
actuellement le groupe religieux le plus persécuté dans le monde. Et
sans doute ces persécutions sont-elles liées à la nature même de ce que
sont ou devraient être les chrétiens : Vulnérables, parce que
minoritaires dans beaucoup de parties du monde. Impuissants, parce que
notre seule puissance réside dans celle du Christ, et ne consiste qu’à
une chose : annoncer au monde la Bonne Nouvelle, qui est l’amour de
Dieu pour chacun. Sans esprit de revanche, parce que Jésus lui-même
nous a dit d’aimer nos ennemis. Il l’a lui-même vécu, en acceptant de
se laisser mener à l’abattoir, agneau de Dieu qui enlève ainsi le péché
du monde.
Ces chrétiens de par le monde témoignent, là où ils vivent, du message
de l’évangile. Ils sont l’étoile de Bethléem, repère pour les
non-croyants. Par leur vie, ils sont annonciateurs de l’Evangile. Dans
notre société occidentale, d’autres formes de persécution existent. Le
mépris pour la personne du Christ, les insultes, les moqueries sont
devenus presque quotidiens. Ces attaques nous blessent. Mais la seule
réaction qui soit évangélique, la seule qui soit efficace et qui puisse
donner tort à nos agresseurs, la seule qui puisse révéler au monde le
vrai visage du Christ, c’est celle que Jésus lui-même nous a montrée
par sa passion : Pas de révolte, pas de revanche, pas la moindre
violence. Les chrétiens persécutés de par le monde, dont nous parlions
tout à l’heure, sont pour nous des modèles sur ce point. Si notre
réaction se limite à annoncer l’évangile, avec les seules armes de
l’évangile, alors nous serons, avec eux, les fruits de l’épiphanie.
Nous serons, avec eux, manifestation de Dieu au monde. Nous serons,
avec eux, l’étoile de Bethléem. Tous les chrétiens, par leur présence
en monde païen, sont le ferment dans la pâte. Ils suscitent une sorte
de « visite permanente des mages », de ces personnes de peuples
étrangers qui, simplement en côtoyant ces chrétiens, en les voyant
vivre, se mettent à leur tour à suivre l’étoile, comme attirés par
elle, jusqu’à la rencontre de ce Dieu petit enfant, ce Dieu caché dans
la pauvreté, dans l’humilité, dans la faiblesse.
Certes, la prophétie d’Isaïe que nous avons entendue dans la première
lecture, est loin d’être totalement réalisée. Mais elle est en marche :
« les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté
de ton aurore. Tous, ils se rassemblent, ils arrivent… » Et le psaume
71 reprend, comme en écho : « Les rois de Tarsis et des Iles
apporteront des présents, les rois de Saba et de Seba feront leur
offrande. Tous les rois se prosterneront devant lui, tous les pays le
serviront. » Oui, c’est notre espérance qui est proclamée dans ces
textes de l’Epiphanie. Quand le jour du Seigneur sera advenu, tous les
peuples seront rassemblés dans l’unité, autour de notre Dieu. Comme ces
mages venus de très loin, toutes les nations viendront se prosterner
devant Lui et le reconnaîtront comme Dieu, qui s’est d’abord fait petit
enfant, pauvre et petit, et qui a donné sa vie pour nous. Même ceux qui
le persécutent, se moquent ou le tournent en dérision aujourd’hui
viendront l’adorer.
Alors, frères et sœurs, en partageant la galette des rois, aujourd’hui
ou dans les jours qui viennent, essayons d’avoir une pensée pour toutes
ces petites étoiles disséminées dans le monde entier que sont les
chrétiens persécutés. Une pensée pour tous ceux qui, par leur vie, sont
comme l’étoile de Bethléem, un repère pour ceux qui sont loin de Dieu,
un chemin pour son épiphanie, sa manifestation au monde entier, dans le
cœur de chacun.
Amen !
Daniel BICHET, diacre permanent.
St Lumine de clisson, St Hilaire de Clisson, Monnières.
8 janvier 2012
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