Dans quelques
instants, nous allons avancer en procession, pour être marqués
par un peu de
poussière de cendres.
C’est étonnant
ce rituel du mercredi des cendres ; ça revient chaque année
à l’ouverture
du Carême, avant la montée vers la grande fête de Pâques.
Pourquoi ce
symbole des cendres, avant la montée vers la Résurrection de
Jésus ?
Autrement
dit : pourquoi faut-il
« descendre »
avant de monter ?
Dans
l’évangile,
Jésus invite ses disciples, et nous invite, à descendre au plus
secret de notre relation au Père, pour vivre comme des justes,
c’est-à-dire
pour nous ajuster à la volonté de Dieu qui veut notre bonheur.
Le
Père,
qui est présent et voit au plus secret, te le rendra : qu’est-ce que ça veut dire ?
St
Paul
écrit aux Corinthiens : nous sommes les coopérateurs
de Dieu.
Je crois que Jésus nous dit que le Père associe notre action à son
ouvrage, et
qu’il y répond à sa manière.
Comment ?
En
retour
de nos gestes d’aumône les plus discrets, quand notre cœur
se tourne
vers les frères plus démunis que nous, le Père nous conduit à ce
qu’est la
véritable CHARITÉ – pour que nous apprenions à
donner dans la joie, et
gratuitement : un peu de notre temps, un peu de notre argent, ou
de notre
talent,
Dans
le
silence de notre prière, quand notre âme se tourne vers
Dieu, le Père
éclaire et affermit notre FOI – notre vie de relation à
Dieu, en Jésus,
Par
le
jeûne, qui nous décentre de nous-même, et qui creuse en nous un
vide, un désir,
une attente, le Père nous fait en retour le don de L’ESPÉRANCE
– qui est
la confiance totale en Dieu, même dans les épreuves que nous
traversons
aujourd’hui.
Le
temps du
Carême, c’est un temps pour descendre en nous même, pour
convertir notre vie,
c’est à dire : la tourner, la re-tourner vers Dieu.
C’est
à
l’image de nos amis qui sont actuellement en vacances au
ski : quand on
est tourné et coincé dans une mauvaise direction avec les skis aux
pieds, le
moniteur nous conseille de « faire une conversion »,
c’est à
dire de retourner les skis à 180°, un à la fois ; ça demande
un effort,
mais on peut ainsi repartir sur la bonne piste, en suivant le
moniteur.
Ouf !
Jésus
n’était
pas moniteur de ski, mais le temps du Carême, c’est ce temps que
nous
offre la liturgie de l’Église pour repartir dans la bonne
direction de notre
vie, et laisser le Christ nous guider.
C’est
pour
ça que Jésus a partagé notre condition humaine : il est
descendu chercher
les brebis perdues, pour nous ouvrir les portes du Ciel. En Jésus,
le Ciel
épouse la terre, et la terre se tourne vers le Ciel.
C’est
ce
que symbolise la couleur liturgique violette de ce soir, et du
temps de Carême.
Le violet, on l’apprend à l’école maternelle, c’est le mélange du
rouge et du
bleu ; et dans les icônes de l’Église orientale, le rouge du
vêtement du
Christ manifeste son humanité, et le bleu du manteau qui le
recouvre, révèle sa
divinité.
Le
violet, c’est la couleur de l'attente de la
rencontre avec le Christ.
Pendant
le
temps de l’Avent, le violet nous a préparés à la venue de Dieu
dans le
monde. Pendant le temps du carême, le violet nous prépare à monter
à la suite
du Christ mort et ressuscité, jusqu’au tombeau ouvert du matin de
Pâques.
Le Carême, c’est 40 jours pour
nous
préparer à partager la vie de Dieu,
Comme les 40 semaines d’une
gestation
humaine préparent la naissance d’un être nouveau.
Nous allons donc entrer en quarantaine.
Une quarantaine de conversion, ce n’est pas une quarantaine de
confinement chacun chez soi, chacun pour soi… Ce n’est pas mon
petit carême à
moi, mes petits efforts de carême (ou mes grands efforts) mon
petit héroïsme de
petit saint, à la force de mes petits bras.
Nous pouvons faire en sorte
que ce Carême soit une quarantaine de
joie, en nous reliant mieux à
Dieu, et au monde qui nous entoure. Une quarantaine pour devenir
contagieux de
CHARITÉ, de FOI, et d’ESPÉRANCE. Chacun en trouvera les
moyens concrets
pour sa propre vie.
Dans sa lettre aux Corinthiens, Saint Paul interpelle : Nous
sommes les ambassadeurs du Christ. Et dans une
homélie de
Carême, le Pape Benoît XVI disait : « Dieu ne
vient aux hommes
que par les hommes ».
Alors, vivre en ambassadeurs du Christ, c’est un beau programme
pour les disciples missionnaires, pour l’Église en sortie, et
c’est à notre
portée :
Je peux mettre au cœur de mes résolutions de Carême la qualité de
ma relation à Dieu, et la qualité de ma relation aux autres :
dans mon
travail, dans ma rue, et dans ma famille...
C’est
maintenant
le moment favorable.
Vous allez me
dire : « l’année dernière, à la fin du Carême,
nous étions tous là
pour fêter les Rameaux. Et puis ces rameaux que nous avons
ramenés chez nous se
sont desséchés, comme nos belles résolutions, nos regrets, nos
échecs… »
Ce soir ils
ont été brûlés : la tristesse, et le poids mort de notre
petit ‘Ego’ sont
réduits en poussière. Le geste de l’imposition des cendres va
nous rappeler que
notre vie ne pèse pas grand-chose, une légère poussière ;
mais il va nous
marquer du signe de la mort vaincue. Il ne s’agit pas de nous
culpabiliser,
mais de recevoir la possibilité de repartir à nouveau, chacun à
son rythme, pas
à pas (on aurait envie de dire : « pas à
Pâques ») …
C’est le sens des paroles qui nous
seront données : « Convertissez-vous et croyez à
l’Évangile ».
Alors, en
montant ensemble en procession, nous allons vivre une démarche
non pas
individuelle, mais communautaire
: c’est en
peuple que nous marchons à la suite de Jésus. Et nous porterons avec nous les absents de ce soir : les Chrétiens empêchés de vivre
leur foi, tous les malades, les personnes en fin de vie, les
détenus, et tous
ceux qui ne connaissent pas Dieu...
Oui,
Seigneur, « Donne-moi, donne-nous la
joie d’être sauvés ». Nous te le
demandons : convertis-nous
! Apprends-nous à aimer chacun de nos frères, et à accueillir ta
miséricorde
comme les enfants bien aimés du Père.
Amen !
Emmanuel MÉRIAUX, diacre permanent
Le 22 février 2023
Église St Louis de Montfort à St Herblain