TOUSSAINT

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        TOUS SAINTS ! Quel programme ! Qui peut avoir conçu un tel projet ? Quand on lit les vies des saints, on est frappé par l’héroïsme dont ils ont fait preuve et par les miracles qu’on leur attribue. Alors on se dit : « C’est pas pour moi ; je ne serai jamais capable d’égaler leurs records ; je ne ferai jamais partie de cette élite. » Et puis, la Bible l’affirme : « Dieu seul est Saint » et même trois fois Saint comme nous le chantons au Sanctus. Mais peut-être nous faisons-nous une idée fausse de la sainteté si nous comptons sur nos mérites et sur nos propres forces.
Ce n’est pas à une élite que Jésus s’adresse lorsqu’il prononce son discours sur la montagne, mais à la foule de ceux qui le cherchent et qui ont commencé à le suivre. Jésus regarde tous ces gens qui ont soif  d’entendre sa parole, et il porte sur eux le regard de Dieu. Au-delà des apparences, il voit parmi eux des pauvres, des doux, des affligés, des affamés et assoiffés de justice, des compatissants, des cœurs purs, des artisans de paix, des persécutés… aucun publicitaire ne voudrait les embaucher pour illustrer le bonheur. Mais Jésus voit dans leur cœur le désir profond de sortir des situations d’injustice qu’ils vivent ; ils sont les mieux placés pour accueillir et construire le Royaume. Et il nous fait découvrir la présence du Royaume là où nous ne l’attendions pas : dans la pauvreté de cœur, dans la douceur, les larmes, la faim ou la soif de justice. Ainsi, notre faiblesse devient la matière première du Royaume de Dieu. « C’est dans la faiblesse que ma force se déploie. » dira-t-il à Paul.

        Encore faut-il se reconnaître faible et pauvre pour ouvrir son cœur et faire toute la place à la grâce de Dieu. C’est la clé que nous donne la 1ère Béatitude : « Heureux les pauvres de cœur, le Royaume des cieux est à eux. » Il ne s’agit pas d’une idéalisation de la pauvreté matérielle et la Bible présente toujours la misère comme un mal à combattre. Chacun se souvient de la 1ère communauté chrétienne : il n’y avait pas d’indigents parmi eux car ils mettaient tout en commun. Les pauvres, dans la Bible, ce sont « ceux qui n’ont pas le cœur fier ni le regard hautain » comme le dit un psaume. Ils ne sont pas repus, satisfaits, contents d’eux-mêmes ; il leur manque quelque chose. Alors, Dieu pourra les combler. Dieu pourra leur donner son Esprit de partage, de pardon, de compassion, de non-violence, et en faire des artisans de paix. Au fond, la 1ère Béatitude, c’est celle qui nous permet de recevoir toutes les autres. Ainsi, la sainteté ne s’acquière pas à la force des biceps, mais elle se reçoit de Dieu qui seul est saint.

        Dans la 2ème lecture, St Jean nous invite à contempler cette réalité : « Voyez comme il est grand, l’amour dont le Père nous a comblés : il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes. » Le projet de Dieu, j’allais dire son rêve un peu fou, c’est de réunir toute l’humanité en un seul être dont la tête est Jésus Christ, et dont nous sommes les membres. C’est ce que le célébrant affirme au nouveau baptisé : « Désormais, vous faites partie de son peuple, vous êtes membre du Corps du Christ, et vous participez à sa dignité de prêtre, de prophète et de roi. » Ainsi, depuis notre baptême, nous avons vocation à être saint comme notre Père est Saint, et nous sommes « configurés », identifiés au Christ, l’homme parfait qui est en même temps Dieu. C’est ce que signifie le vêtement blanc que reçoit le nouveau baptisé, et qui est le vêtement de fête de la multitude des élus. Nous sommes appelés à imiter Jésus, notre frère aîné, « le premier né d’entre les morts. » Qui est plus pauvre que Jésus, lui qui n’a pas une pierre où reposer la tête, mais qui reçoit tout de son Père, tout ce qu’il a, mais surtout tout ce qu’il est. C’est pour accueillir le don de Dieu qu’il passe de longs moments, des nuits, à prier. Imitons le ! Qui est plus doux que Jésus, lui qui est sensible à la douleur de cette veuve qui va  enterrer son fils, lui qui accueille les enfants et les béni, lui qui guérit les malades, lui qui a pitié de la foule affamée, lui qui pardonne à ses bourreaux entrain de le clouer sur la croix. Il est l’amour de Dieu en ballade  sur notre terre. Imitons-le !

        St Irénée disait : « Dieu est devenu homme pour que l’homme devienne Dieu. » Voila l’essentiel de notre foi : l’incarnation de Dieu et la divinisation de l’homme. Dire que l’homme est divinisé, ou dire qu’il est saint, c’est la même chose. C’est la Pâque du Christ, réactualisée  à chacune de nos messes, qui nous fait participer à sa sainteté. Nous l’entendrons à l’Offertoire : « Tu es béni, Dieu de l’univers, toi qui nous donne ce pain, fruit de la terre et du travail des hommes ; nous te le présentons : il deviendra le pain de la vie. » Le pain de la vie, c’est Jésus lui-même. Ainsi, tout le travail des hommes, toute l’humanité, devient le Christ : le professeur des écoles qui explique et répète une leçon difficile, la maman qui entretient la maison et prépare le repas pour ceux qu’elle aime, le malade qui souffre sur son lit d’hôpital, le médecin et l’infirmière qui le soigne, le jeune qui s’efforce de respecter ses copains et de les aider, … c’est le Christ. Jésus vient nous affirmer qu’il n’y a pas d’existence insignifiante, si elle est traversée par l’amour.

        Contrairement à la mentalité courante, la Toussaint n’est pas la fête des morts, mais la fête des vivants. Tous ceux qui nous ont précédé et qui ont mis leurs pas dans ceux du Christ en cherchant le bonheur des autres plus que leur bien-être, ils sont vivants. C’est la fête au ciel comme nous le montre l’Apocalypse… 144 000 élus, marqués du sceau du Dieu Vivant (le baptême) qui entraînent une foule immense de tous horizons (ceux qui n’ont pas encore découvert Dieu) ; et cette foule se tient debout (ressuscitée) devant le Trône et devant l’Agneau en vêtements blancs, avec des palmes à la main. Notre rassemblement aujourd’hui, autour du Seigneur ressuscité, affirme prophétiquement que le rassemblement d’un peuple immense est en cours de réalisation. Heureux sommes-nous si nous y participons avec nos petits moyens et notre bonne volonté : Réjouissons-nous et soyons dans l’allégresse, car notre récompense sera grande dans les cieux !


        Jean-Jacques BOURGOIS, diacre permanent.
        Ste Marie & Pornic
        le 1er novembre 2011


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