Comment
chanter Heureux Bienheureux, comment parler de bonheur, thème central
et unique de l’Évangile, alors que nous vivons avec l'atrocité, la
barbarie, les massacres et le déplacement de populations entières
comme à Gaza actuellement, des milliers de morts dont plus de 3000
enfants... sans aucun respect des droits humanitaires, du droit
international et résolutions de l'ONU. C'est pourtant un passage des
plus profonds de l’Évangile mais aussi des plus difficile à mettre en
pratique. Les Béatitudes ont un caractère explosif, une nouveauté
révolutionnaire. Elles ont transformé un François d'Assise et fait de
sa vie un chant d'action de grâce. Des paroles qui résonnent chaque
année en cette fête de TOUSSAINT(tous saint) et que nous choisissons
de réentendre lors des célébrations d’adieu de nos proches : car
accueillir les Béatitudes à ces moments-là n’est-ce-pas redécouvrir ce
que nous ont transmis ces éclaireurs, ces témoins, ces hommes et ces
femmes, connus ou inconnus, qui n'ont jamais fait parler d'eux, n'ont
pas fait de bruit, parents, amis
qui ont tant compté dans nos vies, qui demeurent pour nous de
vraies balises par leur manière de vivre, de poser des choix ,
d’être au service des autres. Ce qu’ils ont été nous construit, nous
édifie. Ils nous invitent à leur emboîter le pas …ils sont les
maillons de cette grande chaîne sur le chemin tracé par Jésus.
Les
Béatitudes sont les 9 clés de la sainteté, 9 clés du bonheur, la
réponse à la question essentielle : où se trouve le vrai bonheur,
de quel bonheur s'agit-il ? Et quel chemin nous mène au
bonheur ? (« il est où l'bonheur il est où...comme on le
chante) ça ne tombe pas du ciel, ça ne s’invente pas. Nous le
traduisons et l'exprimons souvent par des vœux: de bonheur aux jeunes
mariés, d'heureux anniversaire, de bonne et heureuse année, de joyeuse
retraite… mais le bonheur de sa vie ça vient d'où ?
Les Béatitudes ne sont-elles pas le portrait du Christ, pour
qu'on y revienne constamment au cours de notre vie.
Des
Béatitudes à contre courant du bling bling
à contre pied de ce que les gens pensent dans la vie
ordinaire…: comment, en effet aujourd'hui, oser proclamer bienheureux
les pauvres alors que je soutien, je m'engage et j'agis pour lutter
contre la pauvreté ?Comment oser proclamer bienheureux les persécutés
pour la justice, la liberté d’expression, allant jusqu’à la mort
barbare ? alors que je
lutte avec tous ceux qui rêvent de paix et de liberté, comme nos amis
Palestiniens, nos frères aînés dans la foi, que l'on a oubliés et qui
vivent aujourd'hui une tragédie...
Et
si ce récit nous provoque : parce que la joie, le bonheur nous
paraissent loin de ce que nous vivons, les épreuves personnelles,
familiales, le contexte économique, politique et social, le drame
humanitaire au Proche-Orient, les scandales dans l’Église ne nous
poussent pas à être transportés de joie… alors pour entrevoir le
Royaume essayons d’écouter et de regarder celles et ceux qui ont suivi
Jésus sur ce chemin du vrai bonheur.
Qu’est-ce
qu’être saint alors ?
Les saints ? c’est la foule immense des hommes et des
femmes qui n'ont pas laissé d'image dont nous parle Matthieu :
des pauvres, des petits exploités écrasées par les charges, des gens
frappés par la maladie et la pénurie, des affamés de justice et de
paix depuis des décennies… Çà nous révèle que le bonheur des
béatitudes est à accueillir au cœur même de nos existences et de notre
monde tel qu’il est, même moche, abîmé et défiguré. Il se construit au
jour le jour là où nous sommes et avec les autres :
-
le bonheur dans le couple et dans la famille se réalise et s’instaure
tous les jours par le dialogue, l’échange, le partage, l’écoute, le
pardon, la fidélité…- le bonheur dans une relation d’amitié se gagne
par la confiance, l’acceptation de la différence et le respect de
l’autre. Le bonheur dans le travail ou dans nos divers engagements
sociaux se bâtit dans l’entraide, la concertation, la solidarité, la
mutualisation, l’inventivité, la responsabilité...
Les
Béatitudes nous proposent donc une exigence d’engagement.
Beaucoup
d’hommes et de femmes, ne se résignent pas à un monde où la richesse
indécente des uns grandit sans cesse avec la misère des autres.
Obstinément, ils n’acceptent pas une société où il y a des sans terre,
sans travail, sans papiers, sans toit, sans voix… On les traite de
naïfs ? ils sont les vrais réalistes ; on les traite de
rêveurs ? lorsqu’on
rêve seul, ce n’est qu’un rêve, lorsque nous rêvons ensemble c’est le
commencement de la réalité.
Notre monde a besoin de ces hommes, de ces femmes qui prônent
la force des doux face à la faiblesse des violents. Notre monde a
besoin d’hommes et de femmes qui offrent le pardon quand se présentent
la vengeance ou la rancune. Notre monde a besoin d’hommes et de femmes
qui déclarent la paix quand sévit la guerre. Notre monde a besoin
d’hommes et de femmes qui, en versant des larmes croient en leur
consolation. Notre monde a besoin d’hommes et de femmes qui présentent
un visage transparent quand tant de compromissions le défigure
A
chacun de trouver son mode d’action concrète, y compris politique ou
social, fondé sur la solidarité humaine pour un monde plus juste, plus
équitable, plus pacifique, et sur une fraternité qui a son origine
dans la paternité universelle de Dieu et qui nous est donné à vivre
par Jésus en Église. (Dom Helder Camara).
Si donc les Béatitudes sont le portrait de Jésus, ne
doivent-elles pas être aussi le programme de l’Église et de chaque
chrétien que nous sommes, appelé, missionné pour servir nos frères et
non les abuser, les exploiter, les humilier...
Alors
comment faire une pastorale avec les pauvres et non pas pour eux.
Comment faire de nos paroisses des lieux de vie partagés avec les
exclus de nos communautés : les petits enfants dont les cris nous
gênent, les ados qui s'ennuient à la messe, les personnes de la rue à
nos portes, les migrants, les homosexuels, les divorcés remariés…
toutes celles et ceux qui dérangent par leur attitude ou leur
positionnement social. Ceux-là devraient pouvoir être représentés dans
nos équipes d'animation pastorale… Comment construire des liens
fraternels dans notre société éclatée ? Comment faire grandir
notre humanité en agissant pour répondre aux défis de notre
temps ??
En
utilisant nos talents pour construire, pour bâtir humblement, là où
nous sommes, un petit bout de monde plus juste, plus vrai, plus beau…
sans jamais baisser les bras... C’est ainsi que le Royaume de Dieu se
bâtit : « la rencontre de nos faiblesses avec la force de
Dieu ». Et si c’était ça, être un saint ?
« Heureux
êtes-vous si vous vous faites serviteurs les uns des autres »