TOUSSAINT
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Ap 7, 2-4.9-14 ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12a
Comment chanter Heureux Bienheureux, comment vous parler de bonheur
alors que nous venons encore de vivre l'atrocité et la barbarie, en
tuant au nom de Dieu dans une église, et hier soir l'agression par
balles de ce pope orthodoxe... et dans le même temps ce nouveau
confinement avec cette […] de Covid... Voilà pourtant un passage des
plus profond de l’Évangile mais aussi l'un des plus difficiles à mettre
en pratique. Les Béatitudes ont un caractère explosif, une nouveauté
révolutionnaire. Elles ont transformé un François d'Assise et fait de
sa vie un chant d'action de grâce. Des paroles qui résonnent chaque
année en cette fête de TOUSSAINT(tous saint) et que nous choisissons de
réentendre lors des célébrations d’adieu de nos proches : car
accueillir les Béatitudes à ces moments-là n’est-ce-pas redécouvrir ce
que nous ont transmis ces éclaireurs, ces témoins, ces hommes et ces
femmes qui n'ont jamais fait parler d'eux, n'ont pas fait de bruit,
parents, amis qui ont tant compté dans nos vies, qui demeurent
pour nous de vraies balises par leur manière de vivre, de poser des
choix , d’être au service des autres. Ce qu’ils ont été nous construit,
nous édifie. Ils nous invitent à leur emboîter le pas. Ils sont les
maillons de cette grande chaîne sur le chemin tracé par Jésus. Ce sont
eux les saints, connus ou inconnus, que nous célébrons aujourd'hui.
Les Béatitudes sont les 9 clés de la sainteté, 9 clés du bonheur, 9
attitudes, la réponse à la question essentielle : où se trouve le vrai
bonheur, de quel bonheur s'agit-il ? (« il est où l'bonheur il est
où...) ça ne tombe pas du ciel, ça ne s’invente pas. Nous le traduisons
et l'exprimons souvent par des vœux : vœux de bonheur aux jeunes
mariés, vœux d'heureux anniversaire, de bonne année, de joyeuse
retraite… mais le bonheur de sa vie ça vient du Christ. Les
Béatitudes sont le portrait du Christ lui-même.
Ces Béatitudes sont à contre-courant du bling bling et prennent à
contre-pied ce que les gens pensent dans la vie ordinaire : comment, en
effet aujourd'hui, oser proclamer bienheureux les pauvres alors que je
m'engage et j'agis pour combattre la pauvreté. Comment oser proclamer
bienheureux les persécutés pour la justice, la liberté d’expression,
allant jusqu’à la mort barbare? alors que je lutte avec tous ceux
qui rêvent de paix et de liberté, comme nos amis Palestiniens de
Bethléem, les chrétiens d’Orient, nos frères aînés dans la foi
Et si ce récit nous provoque : parce que la joie, le bonheur nous
paraissent loin de ce que nous vivons, parce que le quotidien de nos
vies personnelles, le contexte économique, politique et social, la
crise sanitaire, le terrorisme ne nous pousse pas à être transportés de
joie… essayons d’écouter et de regarder celles et ceux qui ont suivi
Jésus sur ce chemin du vrai bonheur.
Qu’est-ce qu’être saint ? se demandait Dom Helder Camara. « le
saint n’est pas un héros au sens où nous l’entendons... S’il y a un
héros dans la vie des saints c’est Dieu lui-même, c’est le Christ. Ce
serait très naïf de croire qu’être saint c’est d’avoir des visions,
faire des miracles, mener une vie rude d’ascète. Non, être saint c’est
plus simplement laisser agir la grâce que nous avons reçue à notre
baptême. Être saint c’est donc reconnaître que nous valons plus que ce
que nous faisons, c’est ne jamais se satisfaire de notre agir, ne
jamais baisser les bras ». Rester «en marche» (autre traduction du mot
heureux)
Les saints ? c’est la foule immense des hommes et des femmes qui n'ont
pas laissé d'image dont nous parle Matthieu : des pauvres, des petits
exploités, des gens frappés par la maladie, les épidémies, des affamés
de justice et de paix… Çà nous révèle que le bonheur des béatitudes est
à accueillir au cœur même de nos existences et de notre monde tel qu’il
est, même moche, abîmé et défiguré avec ces drames et ces incertitudes.
Il se construit au jour le jour là où nous sommes :
- le bonheur dans le couple et dans la famille se réalise et s’instaure
tous les jours par le dialogue, l’échange, le partage, l’écoute, le
pardon, la fidélité…- le bonheur dans une relation d’amitié se gagne
par la confiance, l’acceptation de la différence et le respect de
l’autre. Le bonheur dans le travail ou dans nos divers engagements
sociaux et associatifs se bâtit dans l’entraide, la concertation, la
solidarité, la mutualisation, l’inventivité, la responsabilité...
Les Béatitudes nous proposent donc une exigence d’engagement, et une direction.
Beaucoup d’hommes et de femmes, ne se résignent pas à un monde où la
richesse indécente des uns grandit sans cesse avec la misère des
autres. Obstinément, ils n’acceptent pas une société où il y a des sans
terre, sans travail, sans papiers, sans toit, sans voix… On les traite
de naïfs ? ils sont les vrais réalistes ; on les traite de rêveurs
? lorsqu’on rêve seul, ce n’est qu’un rêve, lorsque nous rêvons
ensemble c’est le commencement de la réalité.
Notre monde a besoin de ces hommes, de ces femmes qui prônent la force
des doux face à la faiblesse des violents. Notre monde a besoin
d’hommes et de femmes qui offrent le pardon quand se présentent la
vengeance ou la rancune. Notre monde a besoin d’hommes et de femmes qui
déclarent la paix quand sévit la guerre. Notre monde a besoin d’hommes
et de femmes qui, en versant des larmes croient en leur consolation.
Notre monde a besoin d’hommes et de femmes qui présentent un visage
transparent quand tant de compromissions le défigure
A chacun de trouver son mode d’action, sachant que l’initiative revient
à Dieu qui nous donne sa force. Notre engagement ne se réduit pas non
plus à un effort humain d’ordre politique ou social, indispensable
pourtant, comme si l’avènement du Royaume dépendait de nos propres
forces… la solidarité humaine qui nous pousse à construire un
monde plus juste, plus équitable et plus pacifique, se fonde
essentiellement sur une fraternité, dont nous parle longuement François
notre pape dans « fratelli tutti», qui a son origine dans la
paternité de Dieu et qui nous est donné à vivre par Jésus en Église.
(Dom Helder Camara). Même divisée et chahutée, une Église heureuse
d’être la famille de Dieu sur terre. Si donc les Béatitudes sont le
portrait de Jésus, ne sont-elles pas aussi le programme de l’Église et
de chaque chrétien que nous sommes, appelé, missionné pour servir nos
frères.
Alors comment faire une pastorale avec les pauvres et non pas pour eux.
Comment faire de nos paroisses des lieux de vie partagés avec les
exclus de nos communautés : les petits enfants dont les cris nous
gênent, les ados qui s'ennuient à la messe, les personnes de la rue à
nos portes, les homosexuels, les divorcés remariés… toutes celles et
ceux qui dérangent par leur attitude ou leur positionnement social.
Ceux-là devraient pouvoir être représentés dans nos équipes d'animation
pastorale… Comment construire des liens fraternels dans notre société
éclatée ? faire grandir notre humanité en agissant pour répondre aux
défis de notre temps ??
En utilisant nos talents pour construire humblement, là où nous sommes,
un petit bout de monde plus juste, plus vrai, plus beau… et ouvrir les
sentiers de la rencontre des autres dans l'esprit des béatitudes. C’est
ainsi que le Royaume de Dieu grandit. Et si c’était ça, être un saint ?
« Heureux êtes-vous si vous vous faites serviteurs les uns des autres Heureux les artisans de paix »
François CORBINEAU, diacre permanent
1er novembre 2020
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