TOUSSAINT
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A
la fin de l’été dernier, j’étais avec le Père Sébastien et d’autres
adultes dans les gorges de l’Allier, près du Puy en Velay. Nous avions
la charge d’accompagner 31 jeunes de notre paroisse lors de leur camp
annuel. Le thème qui avait été retenu était : « appelés au
bonheur », avec les Béatitudes comme fil conducteur. Chaque jour,
nous étions invités à méditer et à vivre une des Béatitudes, au cours
des randonnées à pied, des descentes de l’allier en canoë, des jeux,
des temps de repas ou de service. Chaque équipe de jeunes devait se
choisir un nom parmi les 8 béatitudes. Il y avait l’équipe des
doux, celle des miséricordieux ; les cœurs purs, les pauvres de
cœur, les artisans de paix. Heureusement, il n’y avait que 5 équipes,
parce qu’il aurait été difficile de s’appeler « ceux qui
pleurent », ou « les persécutés ». Et pourtant…
Si
le thème du camp était « Appelés au bonheur », c’est parce
que les Béatitudes sont véritablement un appel au bonheur. Oui, un
appel au bonheur, et non un catalogue d’attitudes masochistes comme
certains ont pu l’écrire ou le laisser penser. Ce qui est déroutant, il
est vrai, dans cette série de situations de bonheur évoquées par Jésus,
c’est qu’elles vont à l’encontre de ce que l’on pense
habituellement : Il nous dit « heureux les doux », alors
que notre société nous incite au contraire à nous endurcir pour dominer
les autres. Ce sont pourtant les doux qui obtiendront la terre
promise ! « heureux les pauvres de cœur », c’est-à-dire
les humbles, ceux qui ne se considèrent pas comme des gens
importants ; ceux qui se reconnaissent petits et démunis devant
Dieu, qui attendent tout de lui. Ils ne possèdent pas de richesses dans
ce monde, pourtant Jésus nous dit que le Royaume des Cieux est à
eux ! Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, ceux qui
pleurent, ceux que l’on persécute à cause de leur foi ; heureux
les miséricordieux, ceux dont le cœur est touché par la misère des
autres. Autant de marques de faiblesse au regard de notre société
actuelle, et pourtant Jésus nous dit qu’elles sont des chemins vers le
bonheur !
Pour autant, il ne faudrait pas faire dire à Jésus ce
qu’il ne dit pas. Il ne dit pas « ce n’est pas grave si vous êtes
dans une situation de souffrance, vous serez heureux plus tard, après
votre mort. » Voilà une interprétation qui serait masochiste. Le
danger de ce discours sur la consolation après la mort, c’est qu’il
nous détourne de notre mission de baptisés. En se disant que de toute
façon, tout ira mieux après, on est beaucoup moins motivé pour agir et
faire en sorte que ça aille mieux maintenant. On est ainsi bercé,
endormi par un certain fatalisme somme toute bien confortable. Mais
quand Jésus évoque le Royaume des Cieux, il ne parle pas seulement de
notre vie après la mort ! le Royaume des Cieux, le Royaume de
Dieu, il nous appartient, à nous, de le faire advenir dès cette vie.
Notre mission de baptisé, ce n’est pas de dire aux hommes
« courage, toi qui souffres, tiens le coup pendant ta vie, tu
obtiendras ta récompense au ciel » ! un tel discours serait
indigne d’un chrétien. Le chrétien, c’est celui qui témoigne, au
contraire, de l’urgence de faire advenir le Royaume de Dieu. Non pas de
se préparer à l’accueillir après la mort, mais de le faire advenir dès
maintenant. Les saints, tous les saints de tous les temps que nous
fêtons aujourd’hui sont, en cela, des modèles à suivre. Ils témoignent,
par leur vie, qu’il est possible de vivre dans cette espérance du
Royaume, et de hâter son avènement. Voilà pourquoi le camp de cet été
est une expérience édifiante pour ces 31 jeunes de notre paroisse. À
leur âge, au cœur de l’adolescence où surgissent bien des questions, où
s’expriment toutes les angoisses concernant leur avenir, vivre un temps
d’expérimentation des béatitudes leur donne à voir, au moins à
entrevoir, la beauté de ce Royaume de Dieu à faire advenir. Ils peuvent
ainsi mieux percevoir qu’il est bon de souhaiter devenir des
saints ! « - Que vais-je faire de ma vie ? »
« - Contribuer à faire advenir le Royaume de Dieu ! »
Voilà un vrai, un beau projet de vie ! devenir un saint !
pourquoi pas ? Mais notre système scolaire n’a pas prévu d’école
pour apprendre. Il n’y a que l’école de l’Evangile, l’école des
béatitudes. « N’ayez pas peur d’être des saints », c’est
justement par ces mots que notre évêque, le père James, s’était adressé
aux jeunes lors de son arrivée dans notre diocèse. Je crois que les
jeunes qui ont participé à ce camp sur les béatitudes ont bien entendu
le message. La plupart d’entre eux, environ une vingtaine, reviennent
de Taizé où ils ont passé 5 jours de prière, de réflexion et de partage
fraternel. Ils étaient près de trois mille de toute la France, dont une
cinquantaine de la zone vignoble. Leur démarche nous montre l’exemple,
et doit nous réjouir. Le petit pas que ces jeunes ont choisi de faire
en se rendant à Taizé est un petit pas vers la sainteté ; il est
signe d’espérance pour nous tous. Signe que quel que soit notre état de
vie, quel que soit notre âge, il n’est jamais trop tard ni trop tôt
pour se mettre en chemin. Devenir des saints, ce n’est pas réservé à
quelques-uns, à des mystiques ou à des privilégiés. Devenir des saints,
c’est répondre à cet appel au bonheur, s’efforcer de vivre les
béatitudes au quotidien. Ces jeunes nous montrent que c’est possible.
Même si le chemin n’est pas le plus facile. Même si le chemin passe par
des épreuves parfois douloureuses, des pleurs, des persécutions, Jésus
nous garantit que ce chemin fait de nous des Fils de Dieu, qu’il mène à
la Terre Promise, où nous trouverons la consolation, où nous serons
rassasiés, où nous verrons Dieu !
Amen !
Daniel BICHET, diacre permanent.
ND de Clisson, le 1er novembre 2010
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