« Les bergers se hâtèrent d’aller à Bethlehem » (Lc 2, 16).
Chers frères et
sœurs,
Notre contemplation de l’événement de Noël poursuit son cours avec
Saint Luc. Ce que nous apprenons dans cette séquence de la visite des
bergers au Sauveur qui vient de naître, c’est justement la vertu de la
contemplation. Cette vertu chrétienne est le contraire radical du drame
de l’indifférence religieuse. C’est de l’abîme de cette indifférence
que les chrétiens sont sauvés par le contact avec la joyeuse nouvelle
du salut de Dieu. A travers l’icône évangélique de la hâte merveilleuse
des bergers du pâturage vers la crèche, j’entrevois le parcours qui
doit être celui de chaque croyant. Luc en effet, en racontant
l’événement de la naissance de Jésus, nous met à l’écoute et à la suite
des bergers aussitôt après le message de l’Ange annonçant la naissance
du sauveur à Bethlehem. Les bergers se dirent alors entre eux : «
Allons jusqu’à Bethlehem voir ce qui est arrivé et que le Seigneur nous
a fait connaître » (v.5). La lecture contemplative que fait Joseph
RATZINGER - Pape Benoît XVI de ce passage est véritablement expressive.
Ratzinger trouve, en effet, entre la hâte des bergers vers les lieux
indiqués par l’Ange, et l’empressement de Marie vers la maison de
Zacharie – également après le message de l’Ange -, une similitude
particulièrement lumineuse : « Les bergers se hâtèrent. De manière
analogue l’évangéliste avait raconté que Marie, après l’allusion de
l’Ange à la grossesse de sa parente Elisabeth, se rendit « en hâte »
vers la petite ville de Juda où vivaient Zacharie et Elisabeth (cf. Lc
1,39). Les bergers se hâtèrent certainement par curiosité humaine, pour
voir la grande chose qui leur était annoncée. Mais sûrement étaient-ils
aussi pleins d’élan à cause de la joie du fait que maintenant était
vraiment né le Sauveur, le Messie, le Seigneur, dont tout était en
attente et qu’ils avaient pu voir les premiers. »
(1)
L’on peut donc comprendre que l’empressement des bergers, comme
d’ailleurs celui de Marie avant eux, n’est pas le fruit d’une stricte
curiosité humaine. La marche des bergers, comme celle de Marie, est un
empressement provoqué par l’Evangile [« ευαγγελιον » c’est-à-dire la
Bonne Nouvelle] de la naissance du Fils de Dieu proclamé par les Anges.
C’est une mise en route provoquée par les œuvres de Dieu dans
l’histoire des hommes. Il importe pour nous, chrétiens, d’être
affranchis du drame de l’indifférence religieuse. « Si quelque chose
mérite de la hâte (…), ce sont justement les choses de Dieu », comprend
le pape Benoît XVI en scrutant ce tableau de Saint Luc au contact
duquel il nous adresse cette question capitale : « Combien sont les
chrétiens qui se hâtent aujourd’hui quand il s’agit des affaires de
Dieu ? ».
(2)
L’empressement des croyants aux choses de Dieu est la source
intarissable d’une allégresse incomparable. Cette allégresse est liée à
la vérité de l’Evangile qui annonce un salut réellement donné et
concrètement présent. L’évangéliste nous le montre en ces termes : «
Les bergers repartirent ; ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout
ce qu’ils avaient vu et entendu. Tout s’était passé comme on le leur
avait annoncé ». Leur joie s’accroît au contact de la vérité des
paroles de l’Ange. Les bergers sont alors heureux de redire l’annonce
de l’Ange au sujet de l’Enfant. Et tous ceux qui les entendent
partagent leur émerveillement. Ainsi notre attachement à contempler
l’œuvre de Dieu provoque en nous l’action grâce. Et l’action de grâce
fait de nous des échos vivants de la Bonne Nouvelle que nous avons
reçue.
Quant à la contemplation véritable, nous l’apprenons à l’école de Marie
qui « retenait ces événements et les méditait dans son cœur » (v.19).
Puissions-nous, à l’école de Marie, garder toujours en mémoire les
bienfaits de Dieu ; et comme les bergers, nous émerveiller à chaque
instant de sa présence au milieu de nous. Ainsi cette nouvelle année –
c’est le vœu que je vous adresse de tout cœur – soit une année pleine
des merveilles de Dieu, et que notre vie soit remplie de sa
présence.
Abbé Tanguy SOGLO,
1er janvier 2015
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1. J. Ratzinger – Benoît XVI, L’enfance de Jésus, Flammarion, 2012, p. 112
2. Idem