« Jésus était dans une ville quand survint un homme couvert de lèpre. »
« Jésus était dans une ville... » Pourquoi St Luc prend-il la peine
d’introduire son récit par cette précision qui n’en est pas une ? Une
ville ? Mais quelle ville ? Peu importe, en fait. Ce qui frappe et qui
accroche l’attention des auditeurs de cette histoire, c’est que dans
une ville, en principe, on ne risque pas de voir surgir un lépreux au
coin d’une rue. En effet, à cette époque, les lépreux étaient interdits
de séjour dans les villes. Ils vivaient à l’écart, cachés de tous,
exclus de la société. Imaginez alors
la scène : en pleine ville, un lépreux survient et tombe la face contre
terre devant Jésus. Les disciples qui accompagnent Jésus ont dû être
stupéfaits, on les imagine faisant un écart en arrière, horrifiés par
cette vision surprenante, incongrue. S’ils en avaient eu le temps, sans
doute auraient ils durement interpellé ce lépreux, et l’auraient chassé
en lui rappelant ses obligations. Mais Jésus ne
leur en laisse pas le temps. Cet homme à terre le supplie : « Seigneur,
si tu le veux, tu peux me purifier ». Et Jésus, non-seulement ne
s’offusque pas de la hardiesse déplacée de ce lépreux, mais il accède à
sa demande. Pire même, il le touche ! On sait ce que toucher un
lépreux, pour un juif de l’époque, pouvait signifier de dégradant, et
donc d’interdit. « Je le veux, sois purifié ». Jésus, une fois de plus,
n’est pas limité par nos habitudes, nos réflexes, nos comportements
sociaux. Il voit d’abord dans ce lépreux, l’homme. Et l’homme qui crie
sa misère vers Dieu, avec une foi qui lui donne cette assurance, qui le
fait reconnaître en Jésus celui qui peut le guérir, alors qu’il
n’existe aucun remède à sa maladie. St Luc ne fait
pas dire à Jésus, comme souvent : « va, ta foi t’a sauvé ». Mais c’est
tout comme ! à la demande du lépreux « si tu le veux, tu peux », Jésus
répond : « je le veux, sois purifié ». C’est bien sa foi qui a guéri
cet homme. Sa démarche courageuse, qui lui fait prendre de grands
risques, bravant les interdits, est bel et bien motivée par la foi
qu’il a en Jésus. Les gestes et les paroles de Jésus attestent de cette
foi. Il fait de cet homme condamné à la marginalité un témoin. Pour
cela, il lui demande désormais de suivre la règle, de rentrer dans le
rang, en allant se montrer au prêtre et en donnant pour sa purification
ce que Moïse a prescrit. Il réintègre cet exclus dans la société, et le
signe de cette réintégration sera son obéissance à la loi. Comme tout
le monde. Il lui redonne sa dignité d’homme, il le remet debout et le
fait reprendre sa place dans la communion. Ainsi, sa guérison sera pour
les gens un témoignage. Chers
auditeurs, comment ne pas se sentir interpellés par ce récit ? Nous qui
sommes parfois dans la situation de ce lépreux, porteurs de nos propres
maladies, de nos imperfections, de nos impuretés de toutes sortes qui
nous marginalisent ou nous empêchent de vivre pleinement en communion
avec tous, avons-nous comme lui, ce lépreux, cette audace et en même
temps cette humilité de nous présenter jusqu’à notre Seigneur, de nous
prosterner devant lui et lui dire notre foi : « si tu le veux, tu peux
me guérir » ? Que cette journée nous permette de méditer cette question.
Daniel BICHET, diacre permanent Commentaire radiophonique enregistré pour Fidélité, Nantes.